Dans un rapport publié ce matin, l’Académie française s’inquiète de la montée d’une « insécurité linguistique » pour tout un public de Français peu au fait du numérique et peu familiers de la langue anglaise. Mais comme plus personne n’écoute l’Académie française, il va bien falloir vous mettre au franglais. Sophie de Menthon vous explique.
Avant que vous ne fassiez un burn-out parce que vous êtes bientôt speaker dans un meeting VIP et que c’est un challenge pour vous, soyez up to date. Il faut que vous maitrisiez votre listing de punchlines pour rendre vos propos percutants. Vous ne pouvez pas avoir l’air d’un looser. Business is business ! Essayez de trouver des scoops, tentez le buzz, c’est le moment de faire votre coming out.
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Auparavant, il va falloir motiver votre équipe en live, le team building il n’y a que cela de vrai : training avec ou sans coach, de façon à booster tout le monde. C’est le moment de faire la preuve que vous êtes un pseudo bilingue. Commencez par un best of de vos arguments pour prouver que vous êtes un winner. Il n’y a que les loosers qui utilisent un vocabulaire franchouillard. Oubliez aussi la syntaxe et l’orthographe. Même si cela peut avoir son côté vintage, c’est out. Même si vous êtes overbooké, intégrez les basiques, riez des petites jokes à gorge déployée, c’est LOL (laughing out loud). Au fait, BTW (by the way) un smiley pourra avantageusement remplacer la ponctuation dans un mail. Ready ? Go !
Choose France…
Vous madame, travaillerez sur votre glow up (votre niveau supérieur de beauté) et ASAP (as soon as possible) sur des startingblocks, les rides n’attendent pas. Si problem, faites-vous un call avec une girl friend et adoptez l’esprit de Nike en toutes circonstances : Just do it !
Sachez que l’exemple vient de haut, on « choose France », ce serait trop nul de choisir la France… surtout au moment où il faut la choisir. On est une start up nation ou on ne l’est pas. D’ailleurs le slogan de l’offre d’actionnariat salarié de notre opérateur national Orange n’est-il pas « together 2021 » ? On se demande si dans cette affaire ce ne sont pas les States qui ont fait le lobbying ?
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Si vous n’en pouvez plus de bosser à cause d’un geek qui est borderline, keep cool ! Un after-work entre collègues, un drink et vous envisagez tous ensemble de lui faire faire un check-up. En attendant wait and see…
Dimanche un bon brunch, un film mais attention pas de spoil : si vous connaissez l’histoire ne racontez pas the end. Si bouquiner c’est mieux, un bon best-seller avant la deadline du reporting de lundi qui vous stress à mort.
Positive attitude
La woke attitude est de plus en plus incontournable. Ne pensez pas alone, pensez worldwilde, ainsi ne dites plus jamais noir, préférez black. Et puis black au moins, ce n’est pas raciste !
Acceptez que l’on essaie de vous faire croire que le plat typically french c’est le couscous, et qu’il est proscrit de penser à ce qui faisait toute la renommée de notre french cooking. A moins d’être communiste, un fromage et un bon verre de vin à la main, c’est has been !
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Allez ! Reprenons nos esprits, tout bien considéré, avec toutes ces dérives de langage, nous sommes embrigadés dans une permanente fashion week où l’anglicisme est hype, cool, c’est un must. À pitcher nos idées sous forme de slogans, en quête sempiternelle de nivellement par le bas et de reconnaissance par la branchitude. L’art de bien parler français consiste au contraire à de ne pas réduire une pensée à un mot, sous prétexte que l’on n’a pas de vocabulaire ! Un avis par une locution, une pensée par un emoji, non ! La langue française est un trésor caché. Parler et pratiquer une belle langue, c’est la faire vivre au quotidien avec raffinement, euphémismes, didascalies, syntaxe, figures de style, oxymores, anaphores, parallélismes, litotes, antiphrases, hyperboles… Yes, we can !
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