Le journaliste politique Jean-Michel Apathie estime sur LCI que Zemmour et ses soutiens, « c’est vraiment Français de chez les Français qui puent un peu les pieds ». De son côté, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pense que l’élection présidentielle ne sert apparemment à rien, en affirmant sur France info que « pas un Français ne pense qu’Emmanuel Macron n’a pas été un bon président de la République »…
Mépriser le mépris est un devoir démocratique. On est prêt à tout entendre tant, aujourd’hui, la mesure et la décence sont sans cesse dépassées mais tout de même !
Des Français qui puent un peu des pieds…
Quand Jean-Michel Aphatie qualifie Eric Zemmour, les gens autour de lui et ceux qui lui trouvent des qualités comme « c’est vraiment Français de chez les Français qui puent un peu les pieds, on reste entre nous » (voir ci-dessous), on est effaré. Ainsi voilà un homme, une personnalité médiatique qui donne des leçons de morale et de République, qui fait volontiers référence aux années 30 et à leurs dérives honteuses et qui n’hésite pas à traiter ainsi des citoyens dont le seul tort est de ne pas penser, de ne pas haïr comme lui !
Le plus grave est que ce genre de propos est écouté comme s’il relevait encore d’un débat politique et médiatique acceptable alors qu’à mon sens il devrait immédiatement disqualifier qui le profère. J’espère que cette indulgence, cette indifférence ne tiennent pas seulement au fait que la cible est Eric Zemmour même si j’imagine le tollé si les soutiens de Jean-Luc Mélenchon ou de Fabien Roussel étaient qualifiés de la sorte. Eric Zemmour est un ami dont le talent est indéniable mais pour des raisons que je n’ai pas à expliciter en détail ici, je ne voterai pas pour lui et je maintiens qu’il ne sera pas au second tour. Mais je n’ai pas besoin d’une adhésion politique à ce qu’il soutient, développe et propose pour juger scandaleuse l’attaque de Jean-Michel Aphatie à l’égard des Français qui à tort ou à raison sont favorables à sa cause. Voltaire au très petit pied, je considère que j’ai une obligation de citoyen: m’indigner face à un tel mépris. Aussi modeste qu’elle apparaisse dans la multitude des outrances auxquelles tristement on finit par s’habituer, c’est une salissure de plus, encore une pierre jetée dans le jardin d’un monde qui n’a plus d’honneur ni d’allure. Qui ne sait plus dénoncer et contredire sans dévoyer, sans se dévoyer.
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Gérald Darmanin à peine plus subtil
Je partage rarement les convictions de Jean-Michel Aphatie mais faudrait-il que je consente à être étiqueté, à cause de cette sympathie très intermittente, comme « un Français de chez les Français qui puent par exemple de la gueule » ? Dans le registre de la vulgarité, aucune raison de se limiter !
Gérald Darmanin, c’est bien sûr plus fin, plus subtil, apparemment moins choquant. Et pourtant ! Le mépris est plus sophistiqué mais il est indéniable. Au fond il ne vise à rien de moins qu’à faire l’impasse sur la démocratie. Quand ce ministre affirme le plus sérieusement du monde que « pas un Français ne pense qu’Emmanuel Macron n’a pas été un bon président de la République », cette manière anticipée de confisquer la liberté et l’imprévisibilité du vote de tous les citoyens est assez hallucinante. Arrogance ou flagornerie ? Par certains côtés cela me rappelle Nicolas Sarkozy laissant entendre qu’Edouard Balladur pouvait être élu au premier tour contre Jacques Chirac ! On a vu la suite…
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À bien analyser cet incroyable propos de Gérald Darmanin et en créditant ce dernier de sincérité, il signifie que l’élection du mois d’avril sera inutile, superfétatoire puisque, paraît-il pour tous, Emmanuel Macron serait « un bon président ». On pourrait, plutôt que perdre son temps dans cette bagatelle de deux votes classiques, procéder par applaudissement et plébisciter ce président dont le quinquennat démontre, pour Gérald Darmanin, qu’il a été tant aimé, tant apprécié ! Cette absurdité – je crains qu’elle n’ait été pourtant pesée et réfléchie – révèle une étrange conception de la démocratie.
Macron refuserait de débattre avant le premier tour
Hier, comme le cercle de la raison était la propriété exclusive du président, ses affidés n’étaient pas loin d’en tirer la conclusion que tout était réglé avant l’heure et que les Français n’auraient qu’à valider cette évidence. Aujourd’hui, puisque Gérald Darmanin connaît mieux le sentiment des citoyens que les citoyens eux-mêmes, le vote démocratique serait une perte de temps regrettable. N’y a-t-il pas d’ailleurs dans le refus implicite du président de participer à un débat avant le premier tour l’idée qu’il n’aura rien à défendre et à justifier puisque son mandat aura été exemplaire ?
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Je ne sais comment la société recevra cette pétition de principe de Gérald Darmanin. En tout cas, le risque existe pour Emmanuel Macron et tous ceux qui préparent et organisent sa campagne – le roi décidera de la date et de l’heure de son annonce officielle – qu’on ait envie de leur donner tort tout simplement parce que le président est si sûr d’être réélu. Rien que pour exister, le peuple pourrait être tenté de se rebiffer. Oui, il faut mépriser le mépris.