François Fillon sera-t-il un jour président de la République ? En tout cas, lui semble croire en son étoile. Alors que les Français profitaient de deux jours de vacances, l’ancien premier ministre a trouvé deux directeurs de campagne pour lancer sa candidature à la prochaine échéance présidentielle. Franz-Olivier Giesbert, directeur du Point et réalisateur d’un documentaire sur le quinquennat Sarkozy, et l’empereur du Japon Akihito s’y sont prêtés de bonne grâce. Le premier adore le côté Raymond Barre de Fillon. Pour FOG, un type qui déclare la France en faillite ne peut pas être foncièrement mauvais. Le patron du Point et le député de Paris partagent un goût prononcé pour le modèle allemand et on ne serait pas étonné outre mesure qu’ils se prononcent de concert pour l’organisation d’une fête de la bière à Paris chaque mois d’octobre. Quant à l’empereur nippon, dont le pays regrette sans doute son grand ami Jacques Chirac, nul doute qu’il préfère Fillon, admirateur du Japon, à Nicolas Sarkozy. L’empire du Soleil Levant n’a pas oublié les propos du candidat Sarkozy dans un avion, où il fustigeait les « obèses gominés », pour se moquer de la passion sumotorie de Jacques Chirac. Il a donc décidé de décorer l’ex-premier ministre de la plus haute distinction japonaise, le cordon de l’Ordre du Soleil Levant.
Mercredi soir, dans le documentaire réalisé par Giesbert, Fillon évoque donc ses différences avec celui qui l’avait nommé à Matignon. Il reprend à son compte le sobriquet dont Philippe de Villiers affublait jadis Nicolas Sarkozy : « Lapin Duracell ». Même si le contexte qui lui fait lâcher ce propos n’est pas inamical, cette référence ne doit pas combler le léporidé électrisé en question. Il évoque aussi l’épisode de l’été 2007 lorsqu’il se désigna « à la tête d’un Etat en faillite », ce qui lui valut, confesse-t-il, de proposer trois fois sa démission en autant d’entretiens téléphoniques orageux avec le chef de l’Etat, le vrai. Il explique, enfin, sa différence majeure avec Nicolas Sarkozy, qui concerne la nature du Front National. L’ancien président ne verrait dans le parti mariniste qu’un adversaire qui fait perdre l’UMP ; lui y décèle un adversaire à l’idéologie néfaste. Cynisme chez l’autre, éthique chez lui. Or, justement, situer là le point de clivage essentiel entre lui et son concurrent principal pour l’investiture UMP en 2017 met le FN au centre du jeu. Cela n’est guère adroit et il n’est pas certain que le contexte politique lui donne raison. Nous ne sommes plus en 1998 ni en 2002. La porosité entre l’électorat frontiste et celui de l’UMP est aujourd’hui telle que certains décrivent même leur fusion. Insister sur cette différence, c’est à coup sûr donner des armes à Nicolas Sarkozy, qu’on imagine sourire bien davantage devant cette bourde qu’à l’évocation du lapin Duracell.
Jeudi matin, après avoir été décoré par l’empereur japonais, il a passé la deuxième couche. Lors d’une discussion informelle avec quatre journalistes, il a affirmé son intention d’être candidat « quoi qu’il arrive » à la prochaine présidentielle. Tempête matinale sur les chaînes d’info : Fillon est-il candidat « quoi qu’il arrive » directement à la présidentielle ou en passant par la primaire dont il vient de négocier les termes avec Jean-François Copé ? L’ancien hôte de Matignon a dû rapidement préciser sa pensée. Il s’est exécuté par un tweet tellement précipité qu’il compte même une faute d’orthographe. « Il n’y a rien de nouveau », donc. François Fillon est donc comme Xavier Bertrand candidat « quoi qu’il arrive » à une primaire partisane dont on doute, à voir l’engouement autour de celle qui doit désigner NKM à l’investiture pour la mairie de Paris, qu’elle mobilise autant les électeurs de l’UMP que ceux du PS, beaucoup plus « participatifs », à l’automne 2011. Certes, François Fillon jouit d’une bonne cote d’avenir dans les enquêtes d’opinion. Certes, les électeurs de l’UMP ont compris qu’il avait été victime d’un putsch du tandem Copé-Cocoe en novembre dernier. Mais il est apparu comme un bagarreur médiocre, au contraire de son adversaire. Et face à Nicolas Sarkozy, primaire ou pas, ce serait une autre paire de manches. N’assisterions-nous pas à un mauvais remake des bras de fer Mitterrand-Rocard ? Tiens, Rocard ! En voilà un qu’on disait volontiers velléitaire et qui a été, lui aussi, un candidat « quoi qu’il arrive » ou candidat « virtuel ». Du reste, Nicolas Sarkozy, qui a laissé fuité qu’il considérait Fillon comme un « loser », se place davantage dans ce type de confrontation. Fillon balaye cette hypothèse, expliquant qu’il est, lui, dans le jeu politique, et doute publiquement de la capacité de l’ancien président d’y revenir. La guerre des deux a commencé. Le prochain épisode devrait avoir lieu à l’automne avec la nouvelle élection à la présidence de l’UMP. Fillon affrontera-t-il directement Copé, lequel sera soutenu plus explicitement par Nicolas Sarkozy ? Ou enverra-t-il au feu son lieutenant Laurent Wauquiez ? Une chose est sûre, il y aura encore du sang sur les murs. À moins qu’il ne finisse par se mettre d’accord avec Copé pour annuler ce rendez-vous. Ce serait un nouveau symptôme du syndrome « Courage, Fillon » que moquent ses détracteurs. Si nous étions parmi ses proches, nous le mettrions en garde contre cette lâche tentation. Quitte à ce qu’il y ait du sang sur les murs, autant que ce soit celui d’un autre qui gicle en septembre 2013 plutôt que le sien en 2016. À bon entendeur…
*Photo : TSR.
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