Vous pensiez peut-être que l’on ne trouvait que de vieilles personnes très très à droite derrière les micros de Radio Courtoisie? Causeur est allé à la rencontre de l’équipe de «Ligne Droite», la nouvelle matinale de la station.
6h42 : J’arrive à temps pour le traditionnel café, ravitaillement d’énergie incontournable pour les acteurs de la nouvelle matinale de Radio Courtoisie lancée en août 2021. Oural me réserve un accueil chaleureux. Plus qu’un chien, Oural est la mascotte de l’équipe ! J’ai à peine le temps de boire mon café que je fais connaissance avec Vincent, le responsable des réseaux sociaux de l’émission. Il est déjà dans les starting-blocks. Du haut de ses 22 ans et fort d’une licence en Information / Communication, Vincent s’est accoutumé à ce métier de journaliste qui l’attirait depuis longtemps, et qu’il exerce depuis seulement cinq mois. Il ne peut le nier, le rythme est soutenu ! « Pour tenir, la sieste est obligatoire » me confie-t-il. Les soirées étudiantes du jeudi soir, c’est fini… « Vivre en décalé, c’est compliqué. À vrai dire, il n’y a plus de jeudi soir ». Comme Vincent, Emmanuelle et Romane (ses acolytes) ne peuvent plus trop compter sur cette période que l’on appelle la nuit pour récupérer un peu de sommeil. Emmanuelle est exceptionnellement absente le matin où je suis en immersion, mais Romane partage l’avis de son collègue : « T’as vu mes cernes ? » rigole-t-elle.
6h58 : Vite, dans le studio ! C’est là que se concrétise le renouveau souhaité par Radio Courtoisie, avec l’émission « Ligne droite » présentée par Clémence Houdiakova, ex Sud-Radio. Les derniers détails se peaufinent après une courte répétition générale.
7h00 : C’est parti ! Arnaud, un des réalisateurs de l’émission, lance le jingle avant de faire l’habituel signe à Clémence qui ouvre l’antenne. Au sommaire ce matin: bulletin d’actualités, cryothérapie (ou comment retrouver l’odorat après le Covid), liberté d’expression et mise à l’écart de Stéphane Ravier sur LCI. Si les sujets ne manquent pas et sont variés, l’émission le doit en partie à Romane. À seulement 21 ans, riche d’un apprentissage à la Catho de Lille, Romane s’est vue recevoir de lourdes responsabilités dès son arrivée en août : « Je suis programmatrice, je soumets les idées de sujets et des idées d’invités avec toutes les démarches qui les accompagnent. » Mais si ce travail de l’ombre est intrinsèque à son job, Romane a aussi son quart d’heure de gloire, du moins ses cinq minutes à elle. « Ma deuxième mission consiste à faire quelques chroniques, tous les vendredis et mardis ». Une touche à tout !
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7h02 : Justement, Romane intervient au micro ce matin. C’est à la jeune stagiaire de réaliser le premier bulletin d’actualités, en raison de l’absence ponctuelle d’Emmanuelle. De l’allocution d’Emmanuel Macron au décès de l’acteur Gaspard Ulliel, en passant par la contamination de hamsters par le Covid, Romane traite habilement toutes les actualités du jour. Si bien qu’elle reçoit les félicitations du jury, que dis-je : de la régie !
7h10 : C’est l’heure de « La Libre information », où il est donc aujourd’hui question de cryothérapie, un remède pour retrouver l’odorat après le Covid. Pendant que Clémence questionne l’invité spécialisé sur le sujet, Arnaud, Romane et Vincent gèrent les appels téléphoniques. Aïe… Un problème, on leur signale qu’on ne capte pas bien la fréquence 95,6 FM sur Paris…
7h30 : Place à une nouvelle rubrique, « L’éclairage du jour ». L’animatrice me confie juste après qu’elle n’a pas toujours été à l’aise au micro : « J’ai longtemps été intimidée et puis un jour, j’ai eu le déclic » me glisse-t-elle. Sa présence à Radio Courtoisie depuis l’été dernier est à la fois le fruit d’une réflexion personnelle et le projet du nouveau directeur de la station : « J’avais envie de continuer de progresser mais il me fallait faire mes preuves, ce qui était très compliqué à Sud-Radio en dehors des vacances. Le projet de Pierre-Alexandre Bouclay m’intéressait, et la création d’un nouveau média est passionnante car on a beaucoup de possibilités. Avec une bonne équipe on peut faire des miracles.»
7h45 : La matinale bat son plein, c’est l’heure de la « Table Ronde », un format qui regroupe des invités très variés pour évoquer un sujet commun. Via Zoom, le sénateur Stéphane Ravier, le sociologue Stéphane Edouard et l’essayiste Anne-Sophie Chazaud se réunissent pour débattre autour de la liberté d’expression. « Nous sommes un média de réinformation, où l’on peut entendre d’autres versions » affirme Clémence Houdiakova. La réinformation, terme un peu connoté, stigmatise aussi l’approche non exhaustive des médias traditionnels, mainstream… Mais Houdiakova assume : « je ne me refuse aucune thématique, des thèmes de gauche comme de droite ! » Romane est sur la même ligne : « beaucoup de sujets de droite conservatrice restent abordés, parce que nous sommes obligés de répondre aux intérêts des auditeurs », mais « le débat est le cœur du projet et nous essayons de prendre des invités aux points de vue divergents ». A ma grande surprise, les points de vue sont en effet variés au sein même de la petite équipe, une chance pour la radio fondée en 1987 qui peut s’appuyer sur cette diversité revigorante.
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8h07 : Pendant que la seconde partie de la « Table Ronde » se poursuit, Vincent est sur le qui-vive. Pour les moins matinaux, le jeune homme reprend les propos les plus forts des invités du jour pour les relayer sur les réseaux sociaux, son domaine de prédilection. Arnaud, réalisateur de l’émission et ancien de la maison, est le mieux placé pour témoigner de l’évolution opérée dans sa radio, il est même bluffé : « en réalité, je suis épaté du professionnalisme et de l’investissement de ces jeunes. La radio avait vieilli avec son auditorat des dernières années, et il était nécessaire d’élargir notre audimat ». Le technicien baigne dans ce rythme intense depuis longtemps : « sur les 23 dernières années, j’ai 2 ans de nuits normales et 21 années en tant que matinalier, j’ai l’habitude… » sourit-il.
8h26 : Le fondateur de Putsch Media, Nicolas Vidal, évoque la mise à distance du sénateur Stéphane Ravier sur le plateau de l’émission « Ruth Elkrief 2022 » de LCI en raison de son schéma vaccinal incomplet.
8h54 : Vincent a lui aussi droit à sa minute de gloire. Sa chronique « C’est qui le patron ? » permet de faire le tour des invités politiques sur les autres médias, non sans raillerie. Clémence me dit : « ma mission sera accomplie quand les gens se battront pour venir à Radio Courtoisie. On n’en est pas loin, mais on se bat encore pour montrer que l’on a changé. Le rappeur Booba qui nous retweete, c’était encore inimaginable il y a quelques mois. »
9h00 : L’émission se termine. La fin de la journée de travail qui se profile ? Non car il faudra s’y remettre dans la soirée pour préparer la matinale du lendemain. Avant de partir, caustique, Vincent me fait remarquer qu’« à trois, on est plus jeunes que le reste des présentateurs radio… » Le trépidant projet qu’est « Ligne Droite » insuffle un vent de renouveau à la station, laquelle avait pu connaître un certain… essoufflement. Chez tous ces jeunes défenseurs de la liberté d’expression que j’ai croisés ce matin-là, un mot revient sans cesse à la bouche : l’« aventure ». Alors que je quitte les locaux du XVIe, en saluant Oural, Clémence me dit : « On dormira plus tard, avec quelques cheveux blancs et des kilos en plus ! »
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