Chaque année, la troupe de la Comédie-Française rend hommage au « Patron ». Le 15 janvier 1959, ce texte écrit pour l’occasion par Jean Anouilh était lu sur la scène de la salle Richelieu.
C’est sans doute au pied des monuments qu’on dit le plus de bêtises… Peut-être y a-t-il un vague sentiment d’impunité : c’est si patient les morts. Pourtant, nous que voici tous encore une fois déguisés, dans des costumes approximatifs, au pied de cette pierre taillée qui n’est probablement pas ressemblante, je n’ai pas le sentiment que nous soyons odieux, ni grotesques. D’où vient qu’il reste quelque chose d’inexplicablement gentil dans cette cérémonie annuelle d’hommage à Molière ? D’où vient que celui qui a su le mieux percer et buriner, en quatre traits, les petits ridicules des hommes, ne sourit sans doute pas de nous en ce moment ? De la seule chose qui sauve toujours les hommes d’eux-mêmes, en fin de compte : d’un peu d’amour. Beaucoup d’entre nous, ici, sont indifférents à Molière, et ne sont venus que pour Paris ; un certain nombre même lui est hostile – soit intellectualité, soit manque de contact charnel vrai avec la France, il y a beaucoup de gens intelligents qui n’aiment pas Molière – comme il y en avait
