Eric Zemmour a été condamné à 10 000 euros d’amende pour provocation à la haine raciale par le tribunal correctionnel de Paris, lundi 17 janvier, pour avoir qualifié sur CNews les migrants mineurs isolés de « voleurs », d’« assassins » et de « violeurs » en septembre 2020. Suite à cette condamnation, notre chroniqueur Charles Rojzman estime que le candidat de « Reconquête » doit désormais apprendre à parler à tous ceux issus de l’immigration qu’il peut légitimement effrayer.
Le 29 septembre 2020, lors d’un débat dans l’émission « Face à l’info » sur CNews après un attentat devant les ex-locaux de Charlie Hebdo, Eric Zemmour affirmait : « Ils n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont, il faut les renvoyer et il ne faut même pas qu’ils viennent. »
Une maladresse qui coûte cher
« C’est une invasion permanente », « c’est un problème de politique d’immigration », avait-il ensuite vociféré dans cette émission dont il était alors chroniqueur. Des « propos méprisants, outrageants », qui montrent « un rejet violent » et une « détestation » de la population immigrée et qui ont franchi « les limites de la liberté d’expression », a estimé la représentante du ministère public.
Eric Zemmour se prête facilement à la caricature qui le montre en esprit mauvais comme le Gargamel des Schtroumpfs qui se frotte les mains à la pensée des tours diaboliques qu’il s’apprête à jouer. Ce personnage raciste, antisémite, islamophobe, sexiste ou homophobe a été fabriqué par les media mainstream et ses détracteurs des réseaux sociaux. Mais qu’en est-il de sa propre responsabilité et de celle de beaucoup de ses partisans ? Maladresse de communication ? Besoin de provoquer pour faire bouger une société française apparemment endormie dans sa soumission au monde tel qu’il va ? Zemmour parle cru d’une réalité que d’autres, plus protégés certainement (ou alors partisans d’une créolisation de la société), minimisent, nient ou même considèrent comme un progrès vers une société plus tolérante et inclusive.
Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est de pas avoir pas l’audace de faire comme Donald Trump lorsqu’il a affirmé avec force à la communauté africaine-américaine qu’ils étaient des Américains comme les autres, aussi capables de réussir dans la société américaine que d’autres, mais qu’ils devaient aussi regarder en face les vices et les fautes au sein de leur communauté. Ce qui manque à Eric Zemmmour, c’est de parler droit dans les yeux aux musulmans de ce pays, à la jeunesse des quartiers, à leurs parents, à tous ceux qui se sentent plus Algériens, Maliens, ou Sénégalais que Français, à tous les immigrés du Maghreb et d’Afrique noire, à toutes les générations nées sur le sol français et qui possèdent la nationalité française. Parler à tous, droit dans les yeux, à ceux qui travaillent et à ceux qui ne travaillent pas, aux gens honnêtes et aux délinquants, à ceux qui veulent réussir et à ceux qui sont assistés, aux femmes, aux hommes, leur parler et leur dire la réalité crue de ce qu’ils font ou ne font pas pour être des Français comme les autres, leurs responsabilités et leurs fautes, leurs vices et bien sûr leurs vertus – car elles existent.
Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est de leur dire qu’il les accueillera volontiers avec amour s’ils acceptent de se fondre dans ce pays, avec gratitude et bonheur, s’ils renoncent à la victimisation que certains encouragent pour les utiliser dans leur combat politique, s’ils chassent de leur sein les brebis galeuses, qu’ils connaissent bien, qu’ils cessent enfin d’écouter les voix qui tentent de les arracher à la communauté nationale. Il faudra aussi qu’il considère leur bonne volonté qui n’est pas toujours reconnue parce qu’ils sont essentialisés de part et d’autre, et qu’il leur demande de l’aider dans son combat contre l’immigration de masse, illégale ou clandestine sans qu’il ne soit plus taxé de racisme et en y voyant leur propre intérêt.
Ne pas choquer inutilement
Ce qui manque à Zemmour, c’est une certaine finesse de langage qui lui fait dire quand il parle de grand remplacement qu’il ne voit dans la rue que des Noirs et des Arabes, choquant inutilement ceux-là même des Français antillais ou d’origine africaine ou maghrébine qui sont en accord avec ses idées sur l’assimilation, alimentant ainsi les préjugés de racistes véritables, et éloignant de lui des esprits lucides et généreux alors enclins à accepter les caricatures qu’on fait de lui dans la presse.
Ce qui manque à Zemmour, c’est de ne pas voir qu’il ne suffira pas d’arrêter l’immigration de masse légale ou illégale et de changer la façon de gouverner le pays pour retrouver une société saine et indemne de toutes les maladies des sociétés modernes, et qu’il faudra mettre en place une nouvelle éducation civique et populaire des adultes, adaptée à l’époque, et qui aide chacun à retrouver le goût de se projeter dans l’avenir et de vivre le présent avec moins de violences dans les familles et les organisations. La tentation totalitaire ne se limite pas à l’islamisation. Elle est la réponse inévitable à l’addition de tous les malaises sociaux provoqués par la crise multiple du sens, de l’autorité, du travail, du lien que vit la civilisation occidentale.
L’essence d’une nation
Ce qui manque à Eric Zemmour dans son combat pour l’école, c’est de parler aux enseignants, de leur dire qu’ils ne sont pas seulement des « pédagogistes » qui refusent de transmettre le savoir et la belle histoire de France. Leur dire qu’ils ne peuvent pas le faire dans les conditions qui leur sont imposées et qu’il faudra changer. Il faudra faire une pédagogie de l’autorité et de la responsabilité, et il faudra qu’Eric Zemmour reconnaisse qu’ils font déjà ce qu’ils peuvent pour susciter l’intérêt de gamins malmenés dans leurs familles, dans leur quartiers, soumis à des propagandes diverses, écrasés par la folie du monde adulte. Ce qui manque à Eric Zemmour, c’est d’avoir l’audace de dire aux juifs de France que leurs institutions ne les représentent pas et qu’elles vivent sur les bénéfices que leur assurent leur adhésion aux pouvoirs en place tout comme les dignitaires musulmans le font avec les pays d’origine, leur rappeler tout ce que la France a fait pour les juifs, depuis la Révolution française et Napoléon et même un peu avant au temps de la royauté finissante, qu’elle en a fait des citoyens pour la première fois dans l’histoire et que malgré les antisémitismes, le peuple français a dans sa majorité courageusement aidé les juifs à rester indemnes de l’horrible persécution de l’Occupation, qu’il leur dise aussi qu’il n’est pas maurassien ou pétainiste mais qu’il cherche à rétablir le réel pour ne pas mariner dans toutes les repentances, qu’il s’excuse enfin s’il a été maladroit et blessant, comme il l’a fait dans sa conversation au téléphone avec les Sandler.
Il faudra donc qu’Eric Zemmour ne se contente pas de dire qu’il sera le président de tous les Français sans exclusive s’il est élu, mais qu’il le démontre dès aujourd’hui, dans sa campagne pour l’accession au pouvoir suprême en allant voir des publics qui ne l’aiment pas peut-être, qui n’aiment pas en tout cas cet avatar de lui qui a été fabriqué par ses adversaires, qu’il ne se contente plus de parler à ses seuls partisans, à ces foules enthousiastes et honnêtes auxquelles se sont mêlés des groupes qui ne rêvent que d’exclusion et d’intolérance ; qu’il refuse, malgré ou en raison de ses convictions profondes, de faire ce que font tous les politiques qui ne s’adressent qu’à leur clientèle privilégiée et négligent trop souvent ce qui fait l’âme d’une nation. Car, il le sait bien, comme le disait Renan qu’il admire, « l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et que tous aient oublié bien des choses « …