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Nuit magique aux Invalides


Nuit magique aux Invalides

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Les spectacles « sons et lumières dans un monument historique » suscitent une méfiance légitime. Ces innovations pompidoliennes ont mal vieilli, et plus personne ne s’ébaudit en voyant un spot glisser comme une limace le long d’une colonne pendant qu’un son approximativement réglé déverse un flot de musique ou balance un texte aussi pompeux et pompiers l’un que l’autre.
Risquons la litote : le genre mérite d’être renouvelé. On rêve d’une immersion complète, d’un déluge d’images, on rêve d’entrer réellement en contact avec l’histoire, on rêve d’être empoigné par l’esprit des lieux.
La Nuit aux Invalides réalise ce rêve : coupé de Paris, enfermé dans le quadrilatère de la cour d’honneur, le spectateur voit s’éveiller les murs en même temps qu’on lui propose un combat : défaire l’oubli, sauvegarder la mémoire. Ce sont les Invalides qui lui parlent, et toute l’intelligence de la mise en scène est dans cette plongée dans le monument, qui s’expose et se feuillette lui-même. Être attentif devient un acte de foi humaniste, et on se retrouve au milieu des murs illuminés comme un personnage de conte à qui le vieux chêne raconte sa première branche. Les Invalides sollicitent notre amitié plus que notre souvenir vivant, on se sent presque un devoir de mémoire – et tout parle à chacun, des classes de ZEP aux érudits du VIIe arrondissement, dans une continuité historique dont tous n’ont pas le sens mais qu’ils peuvent éprouver.
De Louis XIV aux dernières opérations militaires de la France, le monument parle de ses vocations successives (hôpital, musée, nécropole), de ses vicissitudes et adapte ses façades au propos : la pierre nue et blanche s’anime, soit qu’une lumière incroyablement précise en dessine les contours et en souligne les reliefs, habillant chaque statue, colorant le cimier et laissant les jambes « au naturel », soit qu’un décor projeté donne une touche fantastique : murailles qui s’élèvent ou s’écroulent, armures en bas relief qui s’ébrouent, lucarnes seules éclairées et transformées en autant de yeux de Sauron, gigantesque clavier de piano où chaque baie est une touche, frondaisons versaillaises… La Nuit est d’abord un choc visuel.
La minutie des réglages demeure un mystère : toute la surface est investie par les images, on baigne réellement dans le récit comme on se promènerait dans un livre d’images. Les couleurs sont intenses (magnifiques rouges et verts), la palette est riche, et le long des murs courent des armées de soldats exécutant leur ronde ou, transformés en jouets, culbutant de colonne en colonne. Le spectacle fourmille d’inventions heureuses, chaque paroi offrant des animations différentes.
D’époque en époque, les Invalides ressuscitent toute leur histoire en caractérisant fortement chaque période : du Roi-Soleil à Napoléon, de Napoléon à De Gaulle et de De Gaulle à aujourd’hui, les fonctions du bâtiment justifient qu’on évoque les pouvoirs successifs, leurs ambitions, les symboles qu’ils installent. La permanence des Invalides, à travers ses missions, c’est la permanence du pays, à travers ses régimes.
Les images des grandes batailles du XXe siècle encadrent l’entrée de l’église, surmontée par Napoléon, accompagnées par des chœurs chantant Péguy : « Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre. Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle. » Servir, transmettre, se souvenir, comprendre, mettre en perspective : tout s’enchaîne et se noue dans une seule trame.

La Nuit aux Invalides, du 18 avril au 7 mai, 129 rue de Grenelle, Paris 7e.

*Photo : M. Hattu du Vehu/La Nuit aux Invalides.



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