Avec Molière, on croit être au théâtre… Non, voici un homme qui s’avance vers nous et qui nous regarde. Il ne nous juge pas, il nous attrape, nous jette dans la balance et nous pèse.
À l’âge de 10 ans, à la mort de sa mère, à jamais inconsolable, il a connu un long chagrin, un effroi qui ne l’a pas quitté. Il avait la tête pleine de cris. Il n’a jamais pardonné aux médecins.
Il aurait pu être riche, tapissier du roi comme son père, il préféra endosser le costume de Sganarelle, jouer les valets mais pour rire, et tirer le diable par la queue ; il choisit le théâtre : le succès, le faste et la frime, l’errance, la compagnie des gueux, ce qui n’était pas convenable, sauf à amuser Monsieur et à plaire au roi, ce qui ne dure qu’un temps.
Il osait s’étonner, il s’étonnait d’oser.
Il a provoqué les doctes et les académiciens. Il a été précieux sans être ridicule, et parfois ridicule comme sont les maris. Il a aimé la mère, puis épousé la fille et payé son audace au prix fort.
Il a puisé dans l’eau noire de sa mélancolie les ressorts de la farce. À moins qu’il n’ait extrait de la farce une terreur intime – une sombre et austère folie. Et dans les sévices que son Pourceaugnac s’inflige une risible métaphysique.
S’il écrit La Jalousie du Barbouillé, s’il s’accoutre gaiement du masque de Scaramouche,
