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Voyage au bout de l’enfer

L'Enfer comme vous ne l'avez jamais vu


Voyage au bout de l’enfer
L'Enfer, anonyme, 1510-1520. Museu Nacional de Arte Antiga, Lisboa.

Pour célébrer le 700ème anniversaire de la mort de Dante, le musée des Scuderie del Quirinale, à Rome, consacre une exposition à l’Enfer. Les clefs en ont été confiées à Jean Clair et Laura Bossi. Ils nous montrent un lieu de pénitence qui est aussi une métaphore de l’aliénation et de l’autodestruction. La descente est spectaculaire.


« Nous vivons d’habitudes. Les enfants sont déçus quand on change un seul mot d’une histoire qu’ils connaissent. Et pourtant la loi de l’art est qu’il faut étonner. Peut-être n’est-il pas sans intérêt de rêver sur cette contradiction. » Cette remarque d’Alexandre Vialatte prend toute son ampleur face à « Inferno », l’exposition de Jean Clair et de Laura Bossi, tant celle-ci étonne et laisse rêveur, démultipliant un sujet que l’on croit connaître parce que son iconographie nous est – en partie – familière. La commande était d’une simplicité diabolique : vous avez carte blanche pour montrer l’Enfer. Pour l’honorer, ils bousculent notre regard et nos références, nos habitudes, vis-à-vis de cet opposé du Paradis. Quiconque a déjà vu ce dont sont capables ces grands historiens de l’art (on se souvient notamment de « Mélancolie », de Jean Clair, au Grand Palais, en 2005, et des « Origines du monde », de Laura Bossi, au musée d’Orsay, en 2021), sait leur façon kaléidoscopique d’approcher de vastes questions : les décomposer pour les approfondir avant de s’en éloigner, tourner autour pour mieux les cerner, les comparer pour en déceler leurs particularités, s’approprier leur part d’universel pour faciliter leur transmission. C’est ce qu’ils nous offrent une nouvelle fois aux Scuderie, à Rome. Loin de la représentation d’un Enfer d’Épinal, ils exposent les multiples façons dont ont usé les artistes à travers les siècles pour représenter ce « lieu du monde », jusqu’à celui produit par l’homme lui-même : l’horreur de la guerre.

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À l’origine

L’Enfer est aussi vieux que l’humanité, si ce n’est plus. Bien avant les Grecs et les Romains, Gilgamesh en fait le récit. La catabase, cette descente d’un vivant au royaume des morts pour revenir en témoigner, fascine et effraie. C’est le point de départ de La Divine Comédie de Dante, dont on célèbre cette année le 700e anniversaire de la mort. Dans cette œuvre inclassable – « la seule chose éternelle que l’homme a en sa possession », selon Hermann Hesse –, le lecteur est aux côtés du poète florentin dans sa vision, son excursion, son incursion autant philosophique que littéraire et théologique à travers l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Il est pour cela guidé par Virgile, par Béatrice – sa bien-aimée – puis par saint Bernard de Clairvaux. Dante est viator et scriba, pèlerin et écrivain. L’Enfer, il le localise géographiquement, il lui donne une forme. Dans sa préface à la nouvelle réédition du texte dans la Pléiade (voir encadré), Carlo Ossola le résume ainsi : « L’Enfer est une sorte d’immense entonnoir créé lors de la chute de Lucifer, emprisonné au centre de la Terre un instant après la Création.


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Décembre 2021 - Causeur #96

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste. Dernière publication "Vivre en ville" (Les éditions du Cerf, 2023)

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