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De bons livres à offrir

Les idées cadeaux de Jean-Paul Brighelli


De bons livres à offrir
L'écrivain Clara Dupont-Monod publie le roman "S'adapter" (Stock) © BALTEL/SIPA Numéro de reportage : 00700825_000071

Parmi tous les livres parus à la dernière rentrée littéraire, et avant ceux que nous réservent les offices de janvier, j’ai retenu certains de ceux couronnés par des prix qui, pour une fois, furent souvent mérités. À offrir aux gens auxquels vous voulez du bien.

Sachez-le : le Goncourt décerné à Mohamed Mbougar Sarr pour La plus secrète mémoire des hommes est amplement mérité. J’ai écrit sur Marianne.fr tout le bien que j’en pensais, et je vous y renvoie. Mais je voudrais insister sur un point. L’intrigue de ce récit d’une grande finesse repose sur la recherche d’un écrivain disparu, un certain T.C. Elimane, qui, après avoir publié le Labyrinthe de l’inhumain en 1938, a disparu de même, accablé par l’accusation de plagiat lancée par un chercheur raciste et relayée par des journalistes trop heureux de renvoyer le « nègre » dans sa case. Dans la réalité, il s’agit de Yambo Ouologuem. Tout le monde ou presque a oublié cet écrivain malien qui, en 1968, obtint le Renaudot pour le Devoir de violence, un livre insoutenable et brillant que Plon, son éditeur, a opportunément réédité. Celui-là aussi vous pouvez le glisser au pied du sapin dans les sabots d’une personne capable d’apprécier le roman d’un Africain qui accuse les Africains d’être responsables de la traite — non seulement la traite atlantique, mais surtout la traite saharienne, accomplie par des négriers musulmans. En 1968 comme aujourd’hui, c’est un propos insoutenable. Un affront insupportable pour une certaine intelligentsia qui l’accusa de plagiat à l’époque, de sorte qu’à quelques textes alimentaires près, Ouologuem disparut de la littérature, jusqu’à sa mort en 2017. Et qui est aujourd’hui tenté d’accuser Sarr de complicité de négationnisme, car seuls des Blancs sont coupables, bla-bla-bla. Mais Sarr est un brillant sujet, sorti des meilleures filières intellectuelles, et il se moque pas mal des idées reçues — ce qui lui vaut un ostracisme sanglant aujourd’hui dans son Sénégal natal, sous prétexte qu’il n’aurait pas condamné sans réserve l’homosexualité — en fait parce qu’il se refuse à jouer le rôle du nègre qui met sur le dos du Blanc toute la culpabilité du monde qui est le sien.

Mohamed Mbougar Sarr, la Plus secrète mémoire des hommes, Philippe Rey/Jimsaan, 22 €

La plus secrète mémoire des hommes - Prix Goncourt 2021

Price: 19,20 €

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Le Prix Renaudot donné à Amélie Nothomb n’est pas immérité. Mais j’attends toujours de cette fille surdouée (mais si ! Relisez donc Stupeur et tremblements !) qu’elle consente à travailler un peu sérieusement et accouche d’un vrai grand livre. Premier sang est en fait la collusion de deux récits, tous deux consacrés à son père, personnage romanesque s’il en fut. L’un est un récit d’enfance, l’autre raconte comment ce père, consul de Belgique à Stanleyville en 1963, a tenu tête aux révolutionnaires qui avaient pris toute la population blanche en otage et a sauvé l’immense majorité d’entre eux.

Amélie Nothomb, Premier sang, Albin Michel, 17,90 €

Premier Sang - Prix Renaudot 2021

Price: 12,90 €

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L’Académie française a décerné son grand prix à un roman brillant et sans cesse inattendu de François-Henri Désérable, Mon maître et mon vainqueur (le titre vient d’un vers de Verlaine), qui brode sur la structure inépuisable du triangle amoureux. Avec une fin parfaitement inattendue, dont je ne dirai rien, mais qui arrive en point d’orgue d’un récit où le dérisoire côtoie le passionnel — et qui n’a jamais expérimenté, dans ses passions, une petite pointe de ridicule ?

Mon maître et mon vainqueur

Price: 18,00 €

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A lire aussi: Prix du roman de l’Académie française: “Mon maître et mon vainqueur”… vainqueur


Le Goncourt des lycéens et le Femina ont couronné la même œuvre, le roman de Clara Dupont-Monod, S’adapter. La romancière, essentiellement connue pour des romans historiques, est sortie de son genre de prédilection et offre un récit tout à fait poignant sur l’irruption d’un enfant très lourdement handicapé — il ne dispose d’aucun sens, sauf l’ouïe — dans une famille cévenole accrochée aux pierres rudes de cette contrée sauvage. C’est court, intense et efficace, sans misérabilisme ni pathos exagéré.

Clara Dupont-Monod, S’adapter, Stock, 12€99

S'adapter - Prix Goncourt des Lycéens 2021 & Prix Femina 2021

Price: 18,50 €

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J’avais souligné ici-même, avant tout le monde, l’extrême qualité du Voyant d’Etampes, roman dans lequel Abel Quentin joue avec les codes et les contraintes de la littérature bien-pensante (ce que les crétins appellent le « woke ») pour déconstruire ce monde universitaire dans lequel, comme l’a souligné un article de Didier Desrimais, nous glissons à toute allure. Les déconvenues successives du héros — un bien grand mot pour caractériser cet universitaire qui gâche tout ce qu’il touche — de Quentin sont jubilatoires, et la conclusion aussi inattendue que tout le reste.

Le romancier Abel Quentin publie « Le Voyant d’Etampes » (L’Observatoire) © Audrey Dufer

Abel Quentin, le Voyant d’Etampes, Editions de l’Observatoire, 20€

Le Voyant d'Étampes - Prix de Flore 2021

Price: 20,00 €

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Je voudrais enfin saluer la réédition aux éditions des Belles Lettres d’un petit chef d’œuvre de Marie Delcourt, éminente helléniste qui en 1947, au sortir de la guerre où chacun avait survécu comme il pouvait, s’attela à la rédaction de cette Méthode de cuisine à l’usage des personnes intelligentes, à offrir d’urgence à celles et ceux qui se plaignent de passer trop de temps devant les fourneaux au lieu de s’atteler à écrire une œuvre, bla-bla-bla. Non seulement on peut être un grand esprit et aimer manger, mais on peut être une puissante intellectuelle et savoir cuisiner de bons petits plats pas chers : ainsi le veut l’époque, et je ne crois pas que les temps macronistes présents et à venir soient très différents de cet après-guerre où l’on était ingénieux faute d’approvisionnement, et gourmands quand même.

Marie Delcourt, Méthode de cuisine à l’usage des personnes intelligentes, les Belles Lettres, 23€

Méthode de cuisine à l’usage des personnes intelligentes

Price: 23,00 €

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Bonne lecture en tout cas — il y a là de quoi passer au chaud cette petite quinzaine qui doucement nous amènera à l’année prochaine, que je prévois fertile en sujets d’ébahissement et de scandale. D’ici là, joyeux Noël à tous, en attendant que la commissaire européenne au beau langage consensuel nous interdise à jamais d’utiliser un mot qui choque, paraît-il, certains de nos compatriotes, comme on dit depuis qu’il ne faut plus écrire « musulmans »…



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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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