Face à la balkanisation de la gauche française, sur TF1, Anne Hidalgo a lancé un appel au secours déchirant.
L’intervention d’Anne Hidalgo au journal de TF1 hier soir avait toutes les allures d’un appel au secours. Pas spécialement pour elle qui stagne dans les parages des 5%, mais pour la gauche dans son ensemble. Aucun des sept candidats en lice n’atteint un score à deux chiffres. Il y a beaucoup de surprises dans cette élection, de la résistible ascension de Zemmour à la victoire de Valérie Pécresse aux primaires de LR et à sa percée sondagière qui lui permet même d’espérer une victoire contre Macron au second tour. Mais en revanche, une chose paraît certaine, c’est l’état de la gauche qui s’interdit elle-même le moindre espoir de faire autre chose que de la figuration.
Fin de non-recevoir
Certains, même des électeurs de gauche, diront que c’est bien fait pour elle. Sans doute. Il est vrai qu’historiquement, la gauche a toujours eu une prédisposition à la scissiparité. On peut remonter au Congrès de Tours, en 1920, qui acta la séparation du mouvement ouvrier entre communistes et socialistes. Ils surent néanmoins, après le 6 février 34, contre les ligues d’extrême-droite, s’unir de nouveau et créer le Front Populaire qui gagna les élections deux ans plus tard. Mais aujourd’hui, cette balkanisation de la gauche a atteint des proportions délirantes. Pour les amateurs de curiosités électorales, même Philippe Poutou se voit flanqué d’une candidature dissidente du NPA. C’est dire.
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L’appel d’Anne Hidalgo pour une primaire ouverte est évidemment un appel de bon sens. Mais le bon sens n’est plus de saison. Elle avait à peine terminé que la France Insoumise, le PCF, les Verts faisaient connaître une fin de non recevoir. Et tant pis pour les électeurs, tant pis pour les signataires de nombreuses tribunes appelant désespérément à l’union. Même François Hollande, en théorie soutien d’Hidalgo et en pratique fossoyeur plein de cette joie mauvaise que les Allemands appellent « Schadenfreude » indiquait que c’était impossible puisqu’il n’y avait pas de programme commun.
Alors, la gauche, comme les lemmings, ces petits rongeurs qui se « suicident » lors de leurs migrations saisonnières à cause de leur trop grand nombre, court joyeusement à sa perte. Si j’en crois les électeurs de gauche autour de moi, le découragement est tel que l’abstention, voire le vote Macron, devient une solution de plus en plus envisageable.
En face, on sait très bien s’unir
La gauche a-t-elle mérité ça ? Jamais, pour ma part et pour ceux qui ont commencé à militer dans les années 80, nous n’aurions imaginé une telle décomposition. On peut m’expliquer que la gauche a trahi en 83, que les couches populaires ne l’aiment plus parce qu’elle ne leur parle plus, que les rivalités minuscules entre formations correspondent à de vrais différends idéologiques, que les egos sont aiguisés par une élection « monarchique », il n’empêche qu’on a droit aussi d’y voir, tout simplement, la victoire écrasante du capitalisme se présentant sans réplique, « spectaculairement » aurait dit Debord, comme la forme définitive de l’organisation du monde.
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Il n’empêche aussi, qu’en face, on sait très bien s’unir. En réalité, il n’y a pas plus de gauche irréconciliable que de droite ou de centre irréconciliables. Ou alors il faudra me démontrer en quoi Ciotti et Pécresse ou Pompili et Darmanin sont plus irréconciliables que Mélenchon et Roussel, Jadot et Hidalgo. Et pourquoi, par exemple, il n’est pas possible, comme en Allemagne, de trouver une coalition de centre gauche qui va augmenter le salaire minimum, mobiliser toutes les ressources possibles contre la crise climatique et même légaliser le cannabis tout en respectant les équilibres budgétaires.
Le piège mortel de la Vème République
Il est vrai que leur démocratie semble beaucoup plus mature que la nôtre, engluée dans une constitution et un scrutin majoritaire qui fait tout reposer sur une seule élection.
C’est pour cela que dans un tel contexte, j’annonce ma propre candidature. En tant que porteurs de lunettes et pesant 0% dans les sondages, j’appelle solennellement tous les candidats porteurs de lunettes à une primaire afin d’éviter la catastrophe que serait l’élection d’un ou d’une porteuse de lentilles.
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