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Soft power au pays du matin (pas si) calme

Corée du Sud et géopolitique du fantastique


Soft power au pays du matin (pas si) calme
"Burning", film de LEE Chang-dong (2018). Diaphana.

En passe de s’implanter durablement sur le marché mondial du film, le cinéma sud-coréen s’apprête à devenir un véritable concurrent d’Hollywood. Soutenu par les pouvoirs publics, le septième art du Pays du matin calme rêve d’un avenir flamboyant. Entre soft power et potentiel économique de choix, le cinéma sera, sans aucun doute, un moyen de la puissance coréenne. C’est déjà le cinquième producteur mondial. Causeur part à l’assaut d’Hallyuwood, la vague coréenne…


L’année 2022 sera-t-elle une nouvelle fois synonyme de consécration pour le surdoué Bong Joon-ho, enfant chéri du cinéma sud-coréen ? Le réalisateur du multi-primé Parasite a en effet annoncé lors de la dernière édition du Festival International du Film de Tokyo qu’il bossait simultanément sur un long-métrage anglophone, dont le tournage devrait débuter début 2022 à Los Angeles, ainsi que sur son premier film d’animation inspiré de la lecture d’un livre d’images consacré aux créatures marines : « Ces créatures vivent 24 heures sur 24 sans que la lumière du soleil ne les atteigne. Bien qu’elles vivent sur la même planète que nous, nous n’entrons normalement pas en contact avec elles. Mais dans mon film, à la suite d’un certain incident, elles font la connaissance des humains, et c’est là que l’histoire démarre. » Alléchant… Sans compter la prochaine adaptation de Parasite en série pour la chaîne américaine HBO, reconnaissance suprême pour l’enfant de Daegu au pays des Moguls du 7ème art.  

Petit retour en arrière, ante-Covid. Comme pour célébrer dignement le centenaire de la naissance du cinéma sud-coréen (The Righteous Revenge, un kino-drama au titre fort explicite passe pour être le premier film du pays réalisé en 1919), 2019 restera à jamais dans les annales du cinéma mondial comme l’année Parasite : Palme d’or au Festival de Cannes, quatre Oscars hollywoodiens dont meilleur film, meilleur réalisateur, César du Meilleur Film étranger… 

Le succès viral interplanétaire et inattendu du film-gigogne de Bong Joon-ho semble alors consacrer une certaine « exception culturelle » sud-coréenne incarnée sans complexe par une « Nouvelle vague » talentueuse et désinvolte, bras armé d’un véritable « soft power » national qui tiendrait la dragée haute aux blockbusters américains à prétention hégémonique ainsi qu’aux productions envahissantes de l’encombrant voisin chinois. Après Hollywood et Bollywood pour l’Inde, on parle désormais d’ « Hallyuwood » (Hallyu signifiant vague coréenne) pour désigner le phénomène culturel (musique pop, séries TV) et cinématographique sud-coréen.

Quels sont les ressorts de ce petit miracle artistique et créatif mêlant à plaisir les différents genres cinématographiques et que nous révèle-t-il sur l’état réel de la société sud-coréenne et par ricochet ses connexions avec les mondes occidentaux ?


Ils se nomment Bong Joon-ho (Memories of Murder ; The Host ; Mother ; Snowpiercer ; Okja ; Parasite), Lee Chang-dong (Poetry ; Burning), Na Hong-jin (The Chaser ; The Murderer ; The Strangers), Park Chan-wook (Old boy ; Lady Vengeance Stoker ; Mademoiselle), Kim Jee-woon (Deux sœurs ; Le Bon, la Brute et le Cinglé ; J’ai rencontré le Diable ; Le Dernier Rempart) , Yeon Sang-ho (Dernier train pour Busan ; Peninsula) ou encore Kim Seong-hun (Hard Day, Tunnel) et sont devenus ces dernières années les coqueluches des différents festivals internationaux, récompensés pour leur audace graphique et scénaristique ainsi que leur faculté à inventer de nouveaux langages cinématographiques en digérant les grands classiques du cinéma mondial et en mixant intelligemment les genres : thriller, policier, film noir, drame social, comédie, fantastique, épouvante, érotisme… au point de se voir confier les rênes de plus importantes productions internationales (Snowpiercer ; Le Dernier Rempart) ou voir leur film d’origine connaître des remakes américains plus ou moins ratés au contenu forcément édulcoré (Old Boy de Spike Lee, Deux sœurs/ Les intrus de Charles et Thomas Guard… en attendant l’inévitable remake de Parasite, en série cette fois sur HBO).

« Memories of Murder », 2003

Le cinéma comme « soft power »

C’est peu dire que le pays du Matin calme (littéralement « Matin frais »), expression impropre que l’on prête aux missionnaires européens du XIXe siècle en référence à la longue période de prospérité de la dynastie Joseon (1392-1910), a connu un XXe siècle tragique et mouvementé : occupation japonaise de 1903 à 1945 et son cortège d’exactions et de violences, effets collatéraux de la Deuxième Guerre Mondiale immédiatement suivie par la fratricide guerre de Corée (1950-1953) et une traumatisante partition du pays, dictature militaire et répressive des années 60 et 70, modernisation du pays (futur « Dragon ») à marche forcée avec ses cohortes de laissés-pour-compte du miracle économique, crise financière asiatique de 1997, corruption et scandales politiques des années 2000… autant de marqueurs


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