Accueil Culture L’abc d’A.D.G.

L’abc d’A.D.G.

Le jargon d’un écrivain à redécouvrir


L’abc d’A.D.G.
A.D.G., de son vrai nom Alain Fournier dit Camille, romancier et journaliste français (1947-2004). D.R.

Le Dictionnaire adégien que vient de publier l’universitaire Hugues Galli passionnera les amateurs d’un des grands noms de roman noir français, et donnera envie aux autres de découvrir ce grand écrivain…


« Dans ce qu’il a été convenu d’appeler le ‘’néo-polar’’ qui renouvela le genre dans les années 70 et 80 sous l’impulsion de Jean-Patrick Manchette, ADG, de son vrai nom Alain Fournier (1947-2004), occupa une place à part ». C’est ce que rappelle salutairement Jérôme Leroy, dans la « carte noire » qui précède La Nuit myope, « un roman noir mais sans morts et avec beaucoup de style ». Un roman « ironique, tendre, élégant, poétique », initialement publié en 1990 puis réédité en 2017 (La Table Ronde, coll. « La Petite Vermillon »), et dans lequel le lecteur qui ne le connaîtrait pas encore trouvera tout ADG.

S’il occupa effectivement une place à part, qui s’en souvient, en dehors de Jérôme Leroy et de quelques-uns de proches amis de cet écrivain atypique ? A priori, pas grand monde, sinon l’universitaire Hugues Galli, qui vient de publier chez L’Harmattan un Dictionnaire adégien, préfacé, excusez du peu, par André Vanoncini, professeur de littérature à l’Université de Bâle, spécialiste de Balzac mais aussi de Simenon, et auteur d’un « Que sais-je ? » bien connu des amateurs de « littérature noire » (Le roman policier, PUF).

Argots, régionalismes et néologismes

Maître de conférences à l’Université de Bourgogne où il enseigne la linguistique française, Hugues Galli est aussi cofondateur des Cahiers Frédéric Dard (Éditions Universitaires de Dijon), qu’il dirige désormais. Ce qui l’a amené à s’intéresser à ADG ? Le style et la langue très particulière de ce dernier, sans aucun doute. A examiner la liste de ses publications, les travaux d’Hugues Galli portent en effet sur « la langue populaire et argotique ». Et à parcourir son impressionnant dictionnaire, il n’a pu qu’être servi avec l’œuvre d’ADG, qu’il connaît manifestement très bien.

A lire aussi: Lionel Shriver: “Certains de mes meilleurs amis sont des hommes blancs”

Car si l’on en croit la substantielle introduction précédant des entrées telles que « charmeuses » ou « mastard », l’argot ne manque pas dans les romans d’ADG. Celui-ci en pratiquerait même plusieurs selon Hugues Galli : un qui serait plutôt « classique », un autre qui serait lui plus « ancien » et d’autres qui seraient issus de « jargons » liés « à l’environnement dans lequel a baigné l’auteur, professionnellement ou dans sa prime jeunesse ». Loin de s’en tenir à l’argomuche, ADG taperait même, et pas qu’un peu, dans des parlers locaux, celui de sa Touraine natale, ou de sa Nouvelle-Calédonie d’adoption. Mais ça, en fait, c’est quand il ne s’adonne pas tout simplement à cet art bien connu de Charles Péguy et de Frédéric Dard : celui consistant à créer des mots nouveaux, qu’on appelle « néologismes ». Car « ADG est un véritable faiseur de mots ». Il n’y en a en tout cas pas moins de trois cents dans le dico d’Hugues Galli (« enképité », « voyoucratique », « flicophobe », « exégéser », etc). « C’est peu comparé à ceux forgés par Frédéric Dard à qui l’on prête quelques milliers de néologismes, mais beaucoup comparé à la moyenne de ce qu’un écrivain crée de manière générale à quelques exceptions près ».

A.D.G au cimetière Montparnasse, à Paris.

Un travail de bénédictin

À vrai dire, c’est là l’un des nombreux intérêts de ce Dictionnaire adégien : il démontre qu’ADG, loin de n’être qu’un plumitif d’extrême droite talentueux, ce à quoi il est trop souvent ramené sans autre forme de (mauvais) procès parce qu’il a écrit dans Minute, était en fait le digne rejeton d’une lignée d’écrivains allant de Rabelais à Frédéric Dard ou Alphonse Boudard, et passant par le Reclus de Meudon.

Un amoureux génial de la langue française qu’il a, comme le père de San-Antonio et Béru, malmenée pour mieux la renouveler. Un écrivain, un vrai.

Espérons d’ailleurs que le travail de bénédictin accompli par Hugues Galli contribuera à la redécouverte, on espère pas trop tardive, de « cet enfant de Balzac par la Loire, de Céline par la gouaille et de Simonin par l’argot. » (André Vanoncini).

Quand A.D.G. se portait candidat à la présidentielle de 1981 dans l’hebdomadaire « Minute » (numéro 969).

Hugues GALLI, Dictionnaire adégien. Néologismes, régionalismes et mots d’argot dans l’oeuvre d’A.D.G., maître du néo-polar et amoureux des mots, L’Harmattan, 2021, 357 pages.

Le Roman policier

Price: 7,08 €

16 used & new available from

La nuit myope

Price: 5,90 €

20 used & new available from 1,88 €



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent [Vidéo] Le Top 4 de la semaine, spécial pornographie politique!
Article suivant Nicoletta, la voix noire
est juriste de formation. Il tient depuis bientôt une année une rubrique consacrée au cinéma sur un site bourguignon d’information en ligne .

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération