Le 15 mars 2013, le parti travailliste britannique a exclu de ses rangs Lord Ahmed pour les propos antisémites qu’il a tenus au cours d’une interview télévisée en marge d’un meeting à Haripur (Pakistan) en avril 2012. Lord Ahmed, membre travailliste de la chambre des Lords depuis 1998, était jusque-là connu pour sa lutte contre la discrimination religieuse et les mariages forcés, et pour son investissement dans le dialogue inter-religieux.
« L’antisémitisme a le sommeil léger » rappelle l’éditorialiste du Times. C’est ce que confirme la déclaration du premier lord musulman du Royaume-Uni, par ailleurs condamné à seize semaines de prison pour son implication dans un accident de voiture mortel. L’ancien espoir du Labour a déclaré à une télévision pakistanaise : « Mon affaire s’est compliquée parce que je suis allé à Gaza soutenir les Palestiniens. Ça a déplu à mes amis juifs qui sont les patrons des journaux et des chaînes de télévision. » En outre, alors que trois juges de la cour d’Appel avaient refusé d’annuler la condamnation et réclamé l’exécution immédiate de la peine, il prétendait que le juge Wilkie qui l’avait condamné devait sa nomination à Tony Blair pour l’avoir aidé « dans une affaire délicate concernant un de nos collègues [députés] juifs ».
Levée de boucliers unanime dans les rangs travaillistes, tandis qu’un éditorial du Times évoque des relents des Protocoles des Sages de Sion, et que l’un des adjoints musulmans de Lord Ahmed au conseil municipal de Rotherham déplore la stigmatisation d’une communauté (juive, en l’occurrence). Lord Ahmed est un clown, et c’est un boulet pour les autres Musulmans, commente en substance Maajid Nawaz[1. Auteur de Radical : My Journey from Islamist Extremism to a Democratic Awakening.], cofondateur et président de la Quilliam Foundation, le premier think tank contre l’extrémisme- et prioritairement l’islamisme. Nawaz précise au passage que sur les 600 à 1 000 actes antisémites répertoriés dans l’année, 53% sont le fait d’ « Européens blancs » – le reste incombant probablement « de façon disproportionnée » à des Musulmans.
À vrai dire, Lord Ahmed est une créature de Tony Blair, une jeune pousse de son jardin, et un triste exemple de la discrimination positive à l’anglaise. Né en 1957 au Cachemire, immigré à l’âge de 12 ans, originaire d’une famille modeste, Nazir Ahmed, devenu étudiant, est entré au Parti travailliste dès 18 ans. Tony Blair l’a fait anoblir en 1998, un an après son entrée en fonction et son jeune protégé est vite devenu l’un des hommes politiques musulmans les plus puissants du Royaume-Uni. Mais depuis quelques années, ses mauvais coups se multiplient. Certains estiment que dans sa hâte à voir des Musulmans le représenter à la chambre des Lords, le Parti travailliste n’a pas su choisir des modèles de modération et de tolérance.
Depuis les attentats de Londres, en 2005, on pourrait se demander quelle mouche a piqué le Lord. Sur le coup, il exhorte les Musulmans à regarder en eux-mêmes. De son côté, Tony Blair crée un « groupe de réflexion » sur l’extrémisme islamique, auquel il convie Tariq Ramadan, qui était en visite à Oxford.
Mais en 2006, changement de ton. Lord Ahmed invite l’écrivain et journaliste Israel Shamir, un antisémite délirant aux multiples pseudos et à l’identité obscure, à la Chambre des Lords pour le lancement de son livre, lui offrant ainsi une tribune de choix pour parler du complot juif. En 2007, alors que Gordon Brown vient de succéder à Blair, Lord Ahmed s’insurge quand Salman Rushdie reçoit le titre de chevalier. Le Pakistan est furieux et le conseiller de Rotherham s’en fait l’écho. C’est une insulte à tous les Musulmans, car, selon lui, l’auteur des Versets sataniques a « du sang sur les mains ».
Puis, quand le Times lui demande de s’expliquer sur cette fameuse interview télévisée de 2012 où il traîne le juge Wilkie dans la boue, calomnie son ancien mentor Tony Blair et tient des propos nauséabonds sur les Juifs, le lord ne se souvient de rien. Pirouettes et mensonges. Apprenant alors que le journal dispose de la vidéo, il nie : « J’ai donné beaucoup d’interviews. Si vous dites que vous avez vu cette séquence, c’est possible, mais alors, il faut que je la voie et que je consulte mes avocats. »
Le 15 mars, Lord Ahmed a été une nouvelle fois exclu[1. Il avait été exclu une première fois du Labour pour avoir proposé une prime de 10 millions de livres pour la capture de Barak Obama ou de George W. Bush en soutien au groupe terroriste Lashkar-e-Taiba auquel on attribue la responsabilité des attentats de Bombay en 2008.] du Parti travailliste. Pour combien de temps cette fois ? « Le Parti ne tolérera aucune forme d’antisémitisme » affirme un porte-parole travailliste.
Petite précision au passage : le titre de Lord est attribué à vie, mais il n’est pas héréditaire.
*Photo : Lord Ahmed (aheavens).
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