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Premier ministre du Tchad: «L’union sacrée des enfants du pays reste, aujourd’hui, le préalable nécessaire à la réussite de la transition»

Entretien réalisé par la revue amie "Conflits" avec Albert Pahimi Padacké, Premier ministre du Tchad


Premier ministre du Tchad: «L’union sacrée des enfants du pays reste, aujourd’hui, le préalable nécessaire à la réussite de la transition»
Le premier ministre du Tchad, Albert Pahimi Padacké, invité à l'Elysée pour un dîner avec les chefs d'Etats africains, 17 Mai 2021. © Thibault Camus/AP/SIPA. Numéro de reportage : AP22567960_000016

Après la mort accidentelle du Président Idriss Déby le 20 avril 2021, le Tchad s’est doté d’un Conseil militaire de transition (CMT) pour assurer la continuité de l’État. Entretien avec le Premier ministre du Tchad Albert Pahimi Padacké pour un point d’étape sept mois après la mise en place du CMT. Perspectives pour l’avenir de ce pays.


Revue Conflits : Vous connaissez peut-être la formule de Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Certains observateurs et opposants affirment que Mahamat Idriss Déby Itno souhaite volontiers conserver le pouvoir et ne pas mener la transition à son terme. Qu’avez-vous à leur répondre ?

Albert Pahimi Padacké Rappelons d’abord posément le contexte dans lequel a été installé le Conseil militaire de transition (CMT). Après la mort du maréchal Déby — dans les circonstances imprévues et tragiques désormais connues de tous — le président de l’Assemblée nationale, M. Kabadi, aurait dû, selon l’ordre constitutionnel existant, mener en effet la transition. Il a refusé, aux vues des conditions exceptionnelles dans lesquelles se trouvait le Tchad, d’assumer ce rôle et a affirmé sa volonté qu’un CMT assure la sécurité du pays. Tout en exigeant que ce CMT s’engage à assurer une transition démocratique dans un délai modéré, la communauté internationale s’est engagée à soutenir et accompagner ce processus.

Ce genre d’évènements exceptionnels amènent évidemment leurs lots de desseins séditieux dans n’importe quel pays et leurs conséquences sont systématiquement tragiques pour les populations si l’on n’y prend pas garde. C’est dans ce contexte contraint par les évènements, au sein duquel se multipliaient les menaces intérieures et extérieures, que le Général Mahamat Idriss Déby Itno a pris la tête du CMT. Sa mise en place a d’ailleurs été immédiatement reconnue par nos alliés du G5 Sahel, signe que cette mesure d’urgence était l’unique voie adaptée aux périls qui nous menaçaient.

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Après la mort du maréchal Idriss Déby Itno, beaucoup de nos concitoyens et certains observateurs, autoproclamés « tchadologues », prévoyaient une double catastrophe : d’abord, la déstabilisation, voire la désintégration du Tchad, voué à entrer dans une période indéterminée de guerre civile sanglante. D’autres considéraient que la mort d’Idriss Déby signait le début d’une longue période de déstabilisation de l’ensemble de la sous-région avec, à court terme, une ère de domination des groupes armés terroristes…

Je note avec honneur, la foi des Tchadiens dans leur pays que témoigne éloquemment l’engouement général pour le dialogue, constatée à travers les pré-dialogues à l’intérieur et à l’extérieur du pays

Pourtant, aucun de ces scénarios catastrophes n’est advenu, Dieu merci. Et il serait de bonne foi de reconnaître que, si le pays n’a pas sombré, c’est très largement la conséquence de la mise en place du CMT qui, rappelons-le, est un organe d’exception, préalable à une transition démocratique. Une Charte de transition a prévu un délai de 18 mois avant la tenue d’élections libres et démocratiques. Cette temporalité reste un objectif, mais nécessite la pleine mobilisation des forces vives du pays, des groupes politico-militaires, de la société civile et des oppositions pour construire ensemble un dialogue national inclusif, et j’insiste sur ce dernier terme « inclusif », qui nous conduira vers les élections. L’union sacrée des enfants du pays, d’ici et d’ailleurs, reste aujourd’hui, le préalable nécessaire à la réussite de la transition. Je note avec honneur, la foi des Tchadiens dans leur pays que témoigne éloquemment l’engouement général pour le dialogue, constaté à travers les pré-dialogues à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Revue Conflits : Où en est-on aujourd’hui, après la nomination d’un nouveau parlement de transition et la préparation du dialogue national ? Quelles sont les prochaines étapes concrètes pour préparer les échéances électorales à venir ?

Albert Pahimi Padacké Aujourd’hui, force est de constater que le CMT et le gouvernement civil de transition doivent se battre sur de nombreux fronts : un front sécuritaire intérieur face aux tentatives de déstabilisation, un front régional pour contribuer à la lutte contre les groupes terroristes armés à l’échelle — immense — sahélienne, un front économique et budgétaire délicat et évidemment un front sanitaire, car nous n’échappons pas non plus à la pandémie de Covid-19. Et, comme vous le soulignez, un front constitutionnel avec la préparation d’une transition vers un régime civil. Chacun s’attelle à sa tâche pour répondre à l’ensemble de ces défis. C’est un travail de titan qui appelle au rassemblement de l’ensemble des forces vives du pays.

Quant à la transition, elle poursuit son cours. Le parlement provisoire — dénommé Conseil National de Transition (CNT) — a été nommé par décret du chef de l’État le 24 septembre dans un cadre conforme à la Charte de transition. Ce parlement provisoire compte 93 membres. Nous nous sommes efforcés d’avoir un organe représentatif de l’ensemble de la société tchadienne et, surtout, que le parlement de transition fasse la part belle aux oppositions, sans lesquelles la transition démocratique ne pourra jamais être construite. Nous sommes ravis qu’un grand nombre d’opposants d’hier aient répondu à notre appel, je tiens ici à les saluer. Rappelons aussi qu’il compte plus de 30 % de femmes et de jeunes, c’est assez inédit dans notre histoire. Quant à ses prérogatives, elles ont été fixées dans la Charte de transition. Le CNT vient de publier son règlement intérieur qui en précise les termes opérationnels.

La prochaine étape est évidemment la tenue du dialogue national inclusif, déjà en préparation avec de multiples rencontres techniques avec les oppositions et les groupes politico-militaires. Elles se déroulent dans un climat courtois et apaisé, que nous saluons, et commencent à porter leurs premiers fruits. Puis, enfin, viendra la tenue d’élections libres et démocratiques en 2022. Je me dois aussi de tenir un discours de vérité : la préparation des élections a aussi un coût qui, dans un contexte budgétaire contraint, est difficilement soutenable par notre seul pays. L’aide de nos alliés traditionnels, mais aussi de l’ensemble de la communauté internationale, est précieuse et nous saurons l’accueillir avec gratitude. Pour l’instant, elle se fait attendre alors que le délai de transition continue à courir.

Mahamat Idriss Déby, le Président tchadien. Capture d’écran France 24 / Youtube

Revue Conflits : Depuis l’arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, un accent semble être mis sur les forces armées tchadiennes. Citons entre autres un redéploiement des forces tchadiennes depuis août, le doublement des effectifs d’ici 2022, ou encore la revalorisation de la solde des militaires… Est-ce le signe que le Tchad aspire à devenir le fer-de-lance de la guerre contre les groupes armés terroristes qui essaiment encore dans la zone sahélienne ?

Albert Pahimi Padacké : La résilience des groupes armés terroristes est forte. Leurs politiques de terreur des populations civiles se poursuivent et leurs capacités d’actions peuvent, malheureusement, être parfois supérieures à certaines des armées des pays africains. Les pays du Sahel n’échappent aujourd’hui pas à l’intensification de cette menace, mais aussi à l’apparition de nouveaux périls. Et ces périls ne se limitent pas au Sahel. Regardez la Côte d’Ivoire, regardez le Bénin ou encore l’Afrique centrale ! La réforme de notre armée, centrée entre autres sur une augmentation de ses effectifs, a en effet vocation à répondre à la hausse des périls sécuritaires. Voyez la superficie du territoire dans lequel nous agissons et la montée en puissance des groupes armés terroristes ! Nous devons répondre à ces périls en haussant…

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Rédacteur en chef de Conflits, il dirige le cabinet de formation Orbis Géopolitique.

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