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13 novembre: ce qui peut vraiment être reproché à François Hollande

Au-delà de la polémique avec Eric Zemmour, les faits


13 novembre: ce qui peut vraiment être reproché à François Hollande
François Hollande en 2021 © ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage :01030945_000009

Si accuser François Hollande de quelque culpabilité dans les attentats de Paris est un propos digne des plus vils populistes, la responsabilité politique de l’ancien président peut tout à fait être débattue.


« Les Romains, en ces circonstances, agirent comme doivent le faire des princes sages, dont le devoir est de penser non seulement aux désordres présents, mais encore à ceux qui peuvent survenir, afin d’y remédier par tous les moyens que peut leur indiquer la prudence », observe Nicolas Machiavel dans Le Prince qui ne congédie pas le principe de précaution.

La violente critique d’Éric Zemmour adressée à François Hollande après qu’il eut admis qu’il savait que des combattants de l’État islamique pouvaient entrer en France dans le flot des migrants a permis à la gauche française de révéler une nouvelle fois sa naïveté et ses bas calculs politiciens. D’un côté, l’extrême gauche, avec Raquel Garrido parlant de réconciliation avec les terroristes, toujours prête à tenter de minimiser l’odieux quand il correspond à son segment électoral ou supposé tel ; de l’autre, un pouvoir socialiste qui a fait prévaloir l’ouverture des frontières sans rien savoir des antécédents des arrivants, malgré une menace connue, sur la sécurité des Français. Machiavélique, en espérant faire monter le Front national pour se poser comme rempart républicain, peut-être ; machiavélien, bien moins : Paris a été accusé d’avoir secrètement refusé une liste de terroristes que proposait Damas en échange du rétablissement de liens diplomatiques.

Quand Hollande dénonçait le décret de Trump limitant l’accès aux États-Unis

« Nous savions qu’il y avait des opérations qui se préparaient, que dans le flux de réfugiés, il y avait des terroristes […] La veille ou l’avant-veille, nous avions connaissance des individus, mais nous ne pouvions imaginer qu’ils allaient agir […] Hélas, nous n’avions pas l’information qui aurait pu empêcher les attentats du 13 novembre », a expliqué François Hollande devant la Cour d’assises spéciale le 10 novembre.

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Machiavel, réduit par ses non-lecteurs à de seuls vils calculs politiciens, estime dans Le Prince que le dirigeant doit user de la force pour empêcher le désordre de gagner la Cité entière. Après avoir rappelé la sagesse des Romains qui anticipaient les désordres, le Florentin ajoute : « lorsqu’on prévoit le mal de loin, ce qui n’est donné qu’aux hommes doués d’une grande sagacité, on le guérit bientôt ; mais lorsque, par défaut de lumière, on n’a su le voir que lorsqu’il frappe tous les yeux, la cure se trouve impossible »

Lorsque Donald Trump interdit par décret l’arrivée sur le sol américain de ressortissants de sept pays musulmans et suspendit l’accueil des réfugiés le temps d’y voir plus clair, François Hollande appela le président américain à faire preuve de responsabilité, alors que ce dernier estimait que les services de ces sept pays en état de délabrement ou ennemis ne pouvaient fournir des informations fiables quant à leurs ressortissants. 

Le refus d’une liste de terroristes proposée par Damas ?

Zemmour n’a pas précisé s’il visait l’accueil des migrants en Europe ou en France en particulier. Aucun des terroristes du 13 novembre n’avait été accueilli comme réfugié par la France. En revanche, deux d’entre eux avaient pu entrer en Europe en prétendant être des Syriens fuyant la guerre, le Tunisien Sofien Ayari, et les Irakiens Ammar Ramadan Mansour Mohamad al Sabaawi et Mohammad Al Mahmod, avant de gagner la France. Il reste que François Hollande avait suivi en septembre 2015 la chancelière Angela Merkel dans sa volonté de répartir les migrants en Europe et contourner le règlement Dublin III qui faisait reposer la charge de la gestion du flux migratoire sur les pays d’entrée, alors qu’il n’ignorait pas la menace.

Les aveux de l’ancien président ne révèlent rien de nouveau, et il lui était impossible de prétendre avoir ignoré ce risque. Le 20 août 2015, la DGSE avait notifié aux autorités la menace suivante : « L’État islamique procède depuis Rakka [en Syrie] à la création d’une réserve de combattants destinés à commettre des attentats sur le territoire national. Ce projet est porté par un francophone susceptible de s’identifier au ressortissant belgo-marocain Abdelhamid Abaaoud ».

Deux mois jour pour jour avant les attentats du 13 novembre, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait admis sur Europe 1 ne pas pouvoir exclure que des terroristes arrivent en Europe en se présentant comme des migrants. Mais, sans justifier sa certitude, il avait ajouté : « Ce n’est pas le cas pour l’instant. » Au même moment, le ministre de l’Éducation libanais, Elias Bousaab, prévenait le Premier ministre britannique en visite dans un camp de réfugiés que deux migrants Syriens sur 100 entrant en Europe étaient des combattants islamistes.

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Les services secrets algériens auraient prévenu la DGSE en octobre 2015 du risque d’attentats en région parisienne contre des « centres abritant des grands rassemblements de foules ». L’Algérie aurait mentionné la dangerosité d’Omar Ismaïl Mostefaï, l’un des tueurs du Bataclan et l’incapacité de la Belgique à contrôler les djihadistes se rendant en Syrie. Plusieurs des terroristes venaient de Belgique, et des combattants ont traversé les frontières avec de faux passeports belges. Il n’était certes pas possible de toujours savoir qui surveiller ni où et quand auraient lieu les attentats, mais le risque a été mésestimé puisque les autorités savaient qu’il existait concernant l’infiltration de djihadistes parmi les réfugiés. Qu’aucun des terroristes du 13 novembre n’ait demandé le statut de réfugié ne minimise pas le danger, d’autant que la CIA avait alerté la France du risque d’attentats commis par des francophones venant de l’État islamique.

En 2015, l’ancien directeur central du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, a déclaré avoir été approché deux ans auparavant par son homologue syrien, Ali Mamlouk, qui était prêt à fournir une liste de djihadistes à Paris à condition que la France rouvrît son ambassade à Damas. Inacceptable pour Manuel Valls, selon lui, l’idéologie devait primer sur le réalisme politique et la sécurité nationale, la France ayant rompu sous Nicolas Sarkozy les relations diplomatiques officielles avec la Syrie à cause des bombardements à Homs.

Après ces attentats, le chef du service de renseignement domestique allemand, le BFV, Hans-Georg Maassen, déclara début février 2016 avoir reçu une centaine de signalements selon lesquels des djihadistes de l’État islamique se trouvaient parmi les réfugiés outre-Rhin. Un an après, les renseignements extérieurs allemands, le BND, révélaient que l’État islamique entraînait des combattants à se faire passer pour des réfugiés pour ne pas se faire remarquer lors d’entretiens avec la police ou lors d’une demande d’asile. Malgré ces alertes, l’accueil des réfugiés s’est poursuivi sans que l’on connaisse forcément les parcours de vie des arrivants. 




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