Mercredi 17 novembre, les journalistes de la matinale de France Inter se sont surpassés. Je suis comme Élisabeth Lévy : je paie, j’écoute. Ce matin-là, on en a eu pour notre argent, si j’ose dire.
7h43. La droite nationale est constituée de faux patriotes. Thomas Legrand tente le salto arrière avec triple vrille idéologique. L’éditorialiste répète à l’envi que les migrants amassés à la frontière polonaise sont principalement des Kurdes. On comprend rapidement que cette assertion doit servir l’étonnante démonstration suivante : « Le comble du cynisme et de l’absence totale de vergogne, c’est que les leaders RN et la masse des twittos de la fachosphère savent bien que la plupart des migrants abusés sont des Kurdes, c’est-à-dire ceux qui, justement, ont combattu les islamistes en Irak et en Syrie ! Mais après leurs réactions pavloviennes, leur indignation mal placée, les autoproclamés défenseurs des nations d’Europe se retrouvent en soutien de celui (Loukachenko) qui agresse ces nations. Voilà bien un étrange patriotisme. » Il fallait arriver à la conclusion paradoxale que les défenseurs “fascistes” des nations européennes sont des soutiens de Loukachenko. La démonstration de Legrand s’avère être un propos alambiqué reposant sur les mêmes principes que l’UE en matière de frontières : No border, no limit !
7h57. Charline en grande forme. Charline Vanhoenacker essaie une fois de plus d’être drôle et intelligente à la fois (ce serait déjà pas mal qu’elle soit l’un ou l’autre). Elle dénonce la création du “think tank pour lutter contre l’idéologie woke” voulu par Jean-Michel Blanquer. « Woke, dit-elle, ça désigne les gens qui sont indignés par le racisme, le sexisme ou l’homophobie. Jusqu’à présent, on appelait ça… “des altruistes”. » La moraline ne sert qu’à masquer les insuffisances : Mme Vanhoenacker n’ayant sûrement pas le temps de compulser les centaines d’articles décrivant par le menu le « wokisme », quelques amis de Sciences Po ont dû lui expliquer ce que c’est : un mot fourre-tout de la fachosphère pour dénigrer les gentilles personnes de gauche.
8h00, soit 15 secondes après qu’on nous a expliqué que le wokisme n’existe pas. Le journal ouvre sur un titre tout ce qu’il y a de plus woke : le pronom « iel », « un pronom neutre pour ceux qui ne se définissent ni au féminin, ni au masculin », fait son entrée dans le dictionnaire Le Petit Robert en ligne. La journaliste se demande avec justesse comment pourront s’accorder les adjectifs et les participes passés avec ce pronom qui n’est ni féminin ni masculin. Le Petit Robert a tout prévu : « iel » et « iels » peuvent s’écrire aussi… « ielle » et « ielles ». Les concepteurs de cette bouillabaisse “inclusive” réintroduisent donc une distinction « genrée » là où le nouveau pronom « iel » était censé « évoquer une personne quel que soit son genre ». Iels ou ielles sont complètement paumé.e.s. En langage populaire : ils sont complètement barrés de la caisse.
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8h47. Une revue de presse à côté de la plaque. Claude Askolovitch fait sa revue de presse et, comme d’habitude, cite abondamment le journal comateux Libération. « Libération ausculte et dissèque le Figaro » et « de manière implacable, raconte les changements du journal dont Zemmour fut une plume. » Ces changements expliqueraient le dossier « hâtif » (sic) du Figaro magazine sur « l’école où l’antiracisme endoctrinerait les enfants ». On voit par là que Claude Askolovitch ne lit plus qu’avec des lunettes à verres progressistes, et ne sait plus écrire qu’en novlangue journalistique. Ce n’est bien entendu pas l’antiracisme qui endoctrine les enfants, mais bien les thèses racialistes et décolonialistes reprises par des professeurs souffrant du « complexe du missionnaire et voulant “sauver” les gamins en leur révélant leur statut de victimes, […] avec la haine de l’État et de la France », comme l’écrit impeccablement Fatiha Boudjahlat dans le journal honni par Askolovitch…
8H52. L’indignation à sens unique de la décrypteuse en chef des médias. Sonia Devillers dénonce des « groupuscules d’extrême-droite » qui ont tiré sur des caricatures racistes et insulté StreetPress, « média […] très actif contre l’extrême-droite, la fachosphère et les réseaux identitaires ». Ces appels à la haine et au meurtre passent trop souvent inaperçus, dit-elle. Elle a raison : j’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé aucune trace d’un billet de Sonia Devillers dénonçant, au choix, sa collègue humoriste qui a affublé Zemmour d’une moustache hitlérienne, ou les militants qui ont affiché des portraits de Zemmour avec une cible au milieu du front à Nantes, ou les courageux anonymes qui menacent régulièrement de mort la journaliste Zineb El Rhazoui, ou l’islamiste qui, le 18 octobre dernier, a appelé sur le réseau TikTok à décapiter Zemmour et Marine Le Pen, ou ceux qui menacent régulièrement Christine Kelly de décapitation.
Comme ne cesse de le répéter Charlotte d’Ornellas, « l’élite culturelle » – issue du même moule sociologique et idéologique de la gauche progressiste – continue d’imposer ses concepts pseudo-scientifiques et règne dans les milieux qui comptent, de l’université à l’audiovisuel public. Les deux concepts qu’elle récuse sont justement ceux qui ne sont pas de gauche et qui la mettent à mal : l’islamo-gauchisme et la pensée woke.
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Rappelons pour conclure que les journalistes france-intéristes n’ont de cesse de reprocher à CNews d’être une chaîne… d’opinion ; et que, pour cette raison, Sonia Devillers a vertement rappelé au président du CSA sa « mission » qui est « aussi de veiller au pluralisme en dehors des périodes électorales » [1]. Elle était très inquiète : « Pour comptabiliser, pour mesurer, pour identifier la parole de ces gens-là, avez-vous des outils pour mesurer ? » Nous nous permettons de reformuler la question et de la poser respectueusement au président du CSA : Pour comptabiliser et mesurer l’absence de pluralisme sur France Inter, avez-vous les outils adéquats ? – Nous, oui, et nous sommes prêts à les partager.
[1] Émission L’instant M du 28 septembre 2020.
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