On allait évoquer quelques romans réussis du début d’année : Oriane Jeancourt Galignani s’intéressant à Sylvia Plath (Mourir est un art, comme tout le reste); L’Equipe anglaise de Killian Arthur ; ou encore le parfait Demain, Berlin d’Oscar Coop-Phane, prix de Flore 2012.
On en parlera, peut-être. Mais après Deux vies valent mieux qu’une, de Jean-Marc Roberts qui, en à peine 100 pages, dit tout, avec légèreté, des joies, des drames et des choses de la vie.
La rumeur, depuis de longs mois, circulait : « Jean-Marc est très malade. » Des personnes confirmaient : « Il n’en a plus pour longtemps. » Se moquant des langues déliées, Roberts, patron des éditions Stock, s’est lancé dans ce qu’il fait de mieux avec l’édition des romans des meilleures plumes de ces dernières années : une flânerie sur le fil de ses « affaires personnelles » et des étrangetés d’un crabe querelleur.
Oui, Roberts est malade : tumeur 1 saison 1, tumeur 2 saison 2, écrit-il. Passant de l’Hôtel-Dieu à La Pitié-Salpêtrière, de Saint-Joseph à Pompidou, il commence à connaître comme sa poche les hôpitaux de Paris. Ça lui donne d’ailleurs envie d’écrire un guide. À un moment, après une opération, il a perdu sa voix : sa plus grande douleur. Les mauvaises analyses, la radiothérapie et la chimiothérapie, finalement, ce n’est pas grand chose. La voix envolée, par contre, comme la perte des cheveux, il a failli ne pas s’en remettre.
Pour tenir, Roberts revisite, à sa guise, ses souvenirs : des étés adolescents et calabrais, les silhouettes bronzées de jeunes filles en bikini qu’on impressionne en sautant d’un rocher de trente mètres, les canulars téléphoniques de Modiano, les femmes d’une vie, les enfants, un oncle classieux et tonitruant, le visage de Muriel Cerf sur la couverture de ses premiers livres en édition poche.
Dans Deux vies valent mieux qu’une, rien ne pèse, surtout pas le malheur qui rôde. Roberts s’amuse, tord la vérité, s’isole, ferme les yeux, et séduit toujours en grand vivant qu’il est. Même si, au détour d’un paragraphe : « On aurait dit des quintes de toux comme des quintes de larmes. »
Le livre refermé, on est à la fois bouleversé et heureux, comme après la lecture des cinquante dernières pages d’Eve de Guy Hocquenghem et comme après une discussion trop brève avec A.D.G., en mars 2004.
Le livre refermé, on a envie de le relire immédiatement, en attendant le prochain : Jean-Marc Roberts bouleverse et rend heureux.
Jean-Marc Roberts, Deux vies valent mieux qu’une, Flammarion.
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