Le candidat souverainiste de gauche parviendra-t-il à se remettre de son incartade zemmourienne ? Il a beau ressortir du chapeau son grand-père « issu de la diversité », le truculent Montebourg n’a plus que le mépris de ses anciens amis.
Il fallait le voir plastronner, le dimanche 7 novembre, sur LCI-RTL, manches de chemise remontées, torse bombé, tout heureux de présenter sa nouvelle transgression. On avait retrouvé l’Arnaud Montebourg de 2014, celui de la cuvée du redressement, quelques jours avant de se faire virer du gouvernement. Puisque l’épicentre de la campagne allait se jouer à droite, très à droite, et que la sienne ne décolle pas vraiment, Montebourg allait sortir sa carte avec le sourire malicieux du garnement sûr de son effet. Entrant sur le terrain à risque (pour un candidat de gauche) de l’immigration, il dégaina sa nouvelle proposition : « bloquer les transferts d’argent privé vers les pays qui refusent de rapatrier leurs ressortissants visés par une mesure d’expulsion du territoire français ».
Quand la lepénisation des esprits gagne la gauche…
Posture cyranesque, phrasé aristocratique (combien de fois les gazettes ont affublé son nom d’une particule au début de sa carrière) tout en cultivant un côté terroir, Montebourg fait partie des derniers personnages un peu truculents d’une vie politique de moins en moins romanesque. Démondialisation, réindustrialisation, made in France, il a eu le mérite d’amener sur la table des thèmes qui ont paru un peu moins ridicules le jour où l’on s’est collectivement retrouvé embastillé chez soi, faute de masque. Au sein d’une certaine droite, plus colbertiste que libérale et qui a toujours rêvé de trouver à gauche son grand homme (la fameuse « droite Chevènement »), Montebourg a souvent été vu avec sympathie. Début 2021, l’étrange idée d’un rapprochement avec Xavier Bertrand circulait ici et là [1]. A gauche, ce patriotisme économique a depuis longtemps inquiété les esprits les plus avertis. Raphaël Enthoven, qui aimerait mieux voter Le Pen que Mélenchon [2], prend bien soin de nous rappeler à quel point il était déjà inquiet, il y a dix ans, quand Montebourg commençait à amorcer (selon lui) une « lepénisation par la gauche des esprits ».
La gauche France inter trouve que Montebourg sent très mauvais
Les rieurs se sont aussi emparés de l’affaire. A gauche, Guillaume Meurice, toujours prévisible, y est allé de son petit tweet, nouvelle version de l’affiche d’Act Up qui mettait dans le même sac en 2005 Le Pen père et Sarkozy :
Suivront Mélenchon et les autres. Heureusement que la gauche et l’extrême-gauche étaient là pour défendre la pérennité de Western Union et la fluidité des transferts de capitaux, au mépris des frontières. A droite, Zemmour s’est aussi amusé de voir l’une de ses propositions reprise :
La brève s’arrêterait-là si en moins de quarante-huit heures, Arnaud Montebourg, honteux et confus, n’était pas revenu sur ses propos. Mal compris d’abord, Montebourg reconnait ensuite « une erreur » et même « une connerie ». Le grand-père algérien allait être remis sur la table. Finis la faconde et l’air emporté sur les plateaux télé, bienvenue à Canossa. L’effet visuel est assez désastreux : on imagine un Montebourg en marinière, s’apprêtant à franchir un Rubicon idéologique avec panache, pour ne finalement tremper que deux doigts de pied et revenir, plein d’usage et raison, vers sa famille politique d’origine, qui le méprise désormais.
Le plus intéressant dans la séquence suivante, c’est de voir les effets en interne quand l’idée d’un candidat, jetée en l’air, explose en plein vol. Même au sein d’une candidature qui ne dépasse pas les 5% dans les sondages, les guerres de courant font rage. On apprend, grâce à un proche du candidat, que l’idée avait été soufflée par « un souverainiste de gauche », un « ancien chevènementiste qui a viré au vinaigre ». L’horreur, quasiment le nazisme.
Courants contraires
L’épisode suivant est encore plus cocasse. Elle amusera les amoureux de l’humour absurde, orphelins des Shadoks et des Monty Python. On apprend que les jeunes soutiens de Montebourg sont désormais coupés en deux, avec d’un côté « les jeunes avec Montebourg », et de l’autre « les jeunes pour Montebourg ». Les premiers ont désavoué leur candidat et retiré « à nouveau » leur soutien, ce qui leur enlève quand même une bonne partie de leur raison d’être.
Dans les années 30, Ferdinand Lop avait réussi à couper le Quartier latin, entre les « Lopistes » et les « Antilopes ». On se demande s’il n’y a pas encore chez les jeunes montebourgeois, quelques indécis, quelques tièdes, quelques « interlopes » qui n’ont pas encore tranché.
[1] https://www.lopinion.fr/politique/les-echanges-entre-bertrand-et-montebourg-creent-de-lemoi-chez-lr
[2] https://www.franceinter.fr/politique/voter-le-pen-plutot-que-melenchon-en-cas-de-duel-raphael-enthoven-met-le-feu-a-twitter
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !