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Amnistie sociale : Sous les pavés, la justice…


Amnistie sociale : Sous les pavés, la justice…

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Ma bien-aimée rédactrice en chef Elisabeth Lévy voit dans la loi d’amnistie sociale une mesure clientéliste de la gauche pour la gauche. Cela nous semble pour le moins discutable. Elle prend soin, néanmoins, de reconnaître que cette loi, que nous trouvons pour notre part bien timide, ne dédouane pas les violences contre les patrons et les CRS.
On pourra, pour commencer, s’interroger sur cette notion de violence contre les personnes. Il est tout de même assez difficile de déterminer – dans la mêlée autour d’un piquet de grève avec des hommes désespérés qui jouent leur peau ou bien dans les bureaux d’une sous-préfecture où l’on apprend l’échec d’un plan de sauvetage industriel – à quel moment le bourre-pif et le boulon sont légitimes pour répondre à la grenade lacrymogène et au matraquage. Finalement, la seule chose que l’on pourrait éventuellement reprocher aux futurs licenciés boursiers, c’est d’oublier qu’un CRS est un salarié comme un autre, et même un salarié fonctionnaire souvent syndiqué à la CGT ou à FO. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi ils n’interviennent jamais dans la région où se trouve leur caserne. On ne sait jamais : ils pourraient  reconnaître un beau-frère ou un cousin et  l’on se retrouverait avec le syndrome dit de « la crosse en l’air » comme ce fut le cas des « glorieux soldats du 17ème » en 1907, envoyés par Clémenceau à Béziers pour mater des vignerons rebelles et se ralliant finalement à la cause des grévistes.
On remarquera de surcroît, comme le souligne Elisabeth, que cette loi d’amnistie n’exonère pas les militants de RESF et les faucheurs d’OGM. Rappelons à tout hasard que RESF est une dangereuse organisation terroriste qui se bat d’abord et avant tout pour défendre un droit inscrit dans la loi, celui de tout enfant vivant sur le sol français à une scolarisation gratuite, même si ce bambin appartient à une famille de clandestins bossant sur le chantier BTP d’un stade ou dans les arrière-cuisines d’une chaîne de restauration rapide.
Quant aux faucheurs d’OGM, ils ne font, si on réfléchit un peu, qu’appliquer de manière ludique et énergique, le principe de précaution. Après tout, si dans une génération ou deux, on reconnait la nocivité de la chose et on évite des catastrophes sanitaires, on traitera peut-être ces hors-la-loi exclus de l’amnistie comme des prophètes. On rappellera pour mémoire, qu’il y avait jusque dans les années trente, des publicités dans les journaux pour des crèmes de beauté radioactives qui donnaient une beauté irradiante à la femme moderne.
Elisabeth souligne à raison qu’une loi d’amnistie « doit refléter la volonté collective de pardon ou d’oubli. ». L’amnistie est la version laïcisée du pardon des offenses. Elle s’est appliquée massivement dans l’après-guerre, grâce à De Gaulle, au nom de la réconciliation nationale et de la continuité de l’Etat. Il est vrai que sans cette clémence d’Auguste, nous aurions eu du mal à retrouver un système judiciaire puisqu’un seul magistrat avait refusé de prêter serment à Pétain. On trouvait d’ailleurs une réalité similaire chez tous les hauts-fonctionnaires comme chez les patrons. De Gaulle était-il clientéliste ? On peut penser qu’il cherchait surtout à apaiser les esprits et à éviter une éternelle guerre civile. Amnistier les collabos était un mal nécessaire, au bout du compte…
Si la loi d’amnistie sociale est en effet à « l’initiative des sénateurs communistes » (qui sont, me semble-t-il, eux aussi des élus du peuple), elle  n’est pas  particulièrement une loi de lutte des classes. Elle repose surtout sur un certain bon sens qui n’a rien à voir avec le laxisme. On peut toujours rouler des biscoteaux et enclencher un cercle vicieux de violence/répression pour tenter de mater les victimes de plans sociaux qui commencent à se compter par dizaines de milliers. Seulement, à ce petit jeu-là, les pouvoirs en place perdent toujours à moins de faire 30 000 morts comme dans la répression de la Commune. Ils prennent le risque de désespérer le camp d’en face et de provoquer des mouvements incontrôlés par les appareils syndicaux traditionnels.
Il ne faut pas oublier,  malgré les caricatures de la droite, que le syndicalisme français est dans une tradition du rapport de force, certes, mais aussi de négociations et du respect de l’outil de travail. Le syndicalisme anarchiste et révolutionnaire, façon Emile Pouget, en 1898, c’était ça : « Le sabotage ouvrier s’inspire de principes généreux et altruistes : il est un moyen de défense et de protection contre les exactions patronales ; il est l’arme du déshérité qui bataille pour son existence et celle de sa famille ; il vise à améliorer les conditions sociales des foules ouvrières et à les libérer de l’exploitation qui les étreint et les écrase… » Le syndicalisme révolutionnaire est resté marginal, on en conviendra, et Chirac en 68 a bien été content de trouver Krazucki plutôt que Ravachol pour négocier les accords de Grenelle.
Et puis, quand on voit le résultat des dernières élections partielles qui éliminent les socialistes au premier tour, on a du mal à penser que les ouvriers énervés autour du brasero ne soient pas aussi, pour certains d’entre eux, des électeurs lepénistes, depuis le virage si étonnamment social qu’a pris le Front National, formation historiquement reaganienne sur le plan économique, jusque dans les années 2000.
Autant dire qu’à nos yeux, cette loi d’amnistie sociale  n’est pas une « bonne cause » parmi d’autres pour la gauche au pouvoir. Elle assure, après le renoncement hollandiste de toute idée de reprise par la croissance, ce qu’il est justement convenu d’appeler « un minimum syndical »… 

*Photo : johninnit.



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