Candidat à l’élection présidentielle pour la troisième fois, il est devenu à gauche un éternel prétendant. Un Poulidor rouge. Une cause perdue. Il n’est pas le seul, il le sait, il le nie.
Candidat à l’élection présidentielle pour la troisième fois, il est devenu à gauche un éternel prétendant. Un Poulidor rouge. Une cause perdue. Il n’est pas le seul, il le sait, il le nie.
Tribun de la plèbe, ras-le-bol ! Premier candidat déclaré à la présidence de la République dès novembre 2020, Mélenchon à 70 ans est un peu las d’être un simple représentant du Peuple, il en sera par un doux avril de l’an 2022 l’incarnation – l’épiphanie radieuse. Il sera non pas élu, mais l’Élu !… Vous en doutez ? D’ici là, avec son bagout et son casque de pompier, il est assuré de nous distraire.
Car Mélenchon, c’est d’abord un style. Le défi guignol. L’ego crâneur. Des postures de lider maximo qui font frémir Alain Duhamel. Des tweets vengeurs. Et, on s’en souvient, un bel esclandre lors des perquisitions à son domicile et au siège de la France insoumise en 2018 et 2019 : « Vous savez qui je suis ?… Personne ne me touche !… Je suis un parlementaire !… La République, c’est moi ! » Ouille ! Il paye encore dans l’opinion son péché d’orgueil – le prix de son courroux. Et sa piètre excuse : « C’est toujours moi qu’on martyrise ! » On le savait affreusement susceptible, on a découvert qu’il était aussi mégalo. On n’est pas en Corée du Nord, ce qui tue en France, c’est le ridicule.
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Oublions cette incartade. Ce qu’on retient, c’est sa méthode pif ! une paire de claques et paf ! un coup de pied quelque part, et que je vais te changer le vieux monde, et fusiller tous les nantis de la terre. Ses anciens amis socialistes sont des caniches. Lui, c’est un pitbull : « Ce sont des chiens apprivoisés, moi je suis un chien enragé » ! Il est vrai qu’il sait mordre, mieux qu’il n’étreint. Quand il renifle l’avenir, il montre les crocs – il en bave. Et quand il sourit ou quand il plaisante, c’est pire.
Oublions le masque, la poudre, le costume. Depuis ses échecs en 2012 et en 2017, il est devenu le feuilleton de lui-même. Un éternel prétendant et, par une perfide analogie qu’on me pardonnera, une sorte de Poulidor moscovite. Un clown blanc – « Garçon, un lait fraise ! » Un poseur. Une cause perdue, comme sa consœur Marine Le Pen. Aussi frontal (ou frontiste) qu’elle, Mélenchon est plus retors, plus histrion, plus comique : il ne cherche pas à convaincre, il veut humilier l’adversaire. Sa stratégie ? L’incantation, le sarcasme, le mépris. L’insulte préalable au combat. C’est un littéraire.
Depuis plusieurs mois, le député des Bouches-du-Rhône plafonne à environ 10 % des intentions de vote selon tous les sondages – qu’il récuse. Moins que Zemmour, Bertrand et Pécresse. Loin derrière Macron et Marine Le Pen. « Non, la France n’est pas de droite », clame-t-il. Sans blagues ? Au-delà de ses idées fixes, de ses allégeances secrètes (à des dictateurs moustachus) et de ses fluctuations doctrinales (sur l’euro, sur l’Europe, sur le nucléaire, sur les migrants), sûr de soi et de ses penchants, Mélenchon est entré dans son hiver, il le sait, il le nie. Il (se) ment. Il sait déjà qu’il va perdre et que par sa faute la gauche avec ses… combien de candidats déjà ?… ne sera pas au second tour de la présidentielle en avril.
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Tandis qu’il fanfaronne, dans son propre camp désormais, on murmure, on se gratte le menton, on s’impatiente : « Jean-Luc va encore une fois arriver au mieux quatrième » ! Ça aussi, il le nie : « Je ne plaisante pas en vous disant “Je vais être élu” ; c’est possible », déclarait-t-il dans L’Obs le mois dernier. Mélenchon président ! Saint Glin-Glin, priez pour nous ! Ce qui ne l’empêche pas en même temps de récuser la valeur de l’élection en invoquant le nombre des abstentionnistes, comme s’il était épargné par cette contingence. Et d’autant plus légitime qu’il est minoritaire, Lui !
En 2012 et en 2017, à la Bastille, soulevé par les clameurs de la foule, il a cru à son destin. Cette fois, non hélas, ça sent l’épilogue, mais pas encore, plus tard ! Son projet ? Rugir, recommencer, renaître comme un nageur fourbu se hisse hors de l’eau pour ne pas suffoquer. Ce sera avec lui ou contre lui mais pas sans lui ! De l’audace ! Et de l’intuition – vous n’avez pas lu Bergson, mon petit bonhomme ?… Son rêve ? Être celui qu’on préfère haïr.
S’effacer, là maintenant ? Hors de question. À sa façon, il se croit pur, il se croit neuf. Ah bon ? Cela fait plus de quarante ans que cet « ennemi du système » n’a d’autre métier que la politique et qu’il se montre intransigeant avec les imbéciles, c’est-à-dire (presque) tout le monde. Il se croit dangereux. Sans pareils, sans rivaux. Hidalgo, peuh ! Jadot, non merci ! Montebourg, pitié ! À l’en croire, à gauche, il est le seul.
Vous ne comprenez pas ? Normal, il faut croire pour comprendre, et comprendre pour croire. Ce qui prime, c’est cette protestation qui monte dans sa gorge, là, et qui l’étrangle et qui le pousse à lever le poing devant les photographes en déclarant que la sédition s’imposera si la cause du peuple l’exige. Les vieilles dames de Passy et les patrons du CAC 40 en tremblent, ce qui l’enivre plus encore que de flatter les pauvres, acculés à leurs ronds-points chimériques, et de susciter de fausses espérances dans le cœur des gens.
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Hollande l’a gravement offensé, Macron l’ignore, le PC et les Verts le boudent – hormis Sandrine Rousseau qui lui tend les bras. Peu importe d’ailleurs le fond de sa doctrine. Chez Mélenchon, c’est l’ego dominant et blessé, la rancœur, qui l’emporte. Il n’a jamais caché ses intentions : « Je n’ai plus du tout envie de me défendre de l’accusation de populisme. C’est le dégoût des élites – méritent-elles mieux ? Qu’ils s’en aillent tous ! J’en appelle à l’énergie du plus grand nombre contre la suffisance des privilégiés. Populiste, moi ? J’assume [1] ! »
Je le crois trop fin pour ne pas entrevoir sa défaite et, lui qui sait du renard toutes les feintes – on l’imagine ressortant d’un poulailler avec des plumes à la gueule –, je le vois déjà terré dans sa tanière et cuvant sa mélancolie.
Faute de gouverner, il aura été le fâcheux de la République, l’empêcheur de tourner en rond – oui, l’emmerdeur. Bientôt, on ne l’entendra plus hurler, la finance et le capitalisme mondialisé auront gagné, vous êtes contents ! Adios, amigos !
Et si le suffrage universel était encore plus bête que le droit divin !
[1]. Lexpress.fr, 16 septembre 2010.