Gérer les services publics à la manière du secteur privé, en voilà une idée qu’elle est bonne ! Un vrai concept win-win où l’usager devenu client n’a que du bonus à engranger ! Compétitivité, réactivité, efficacité : voilà la nouvelle trinité que l’on nous promettait (et n’allez pas me dire que ce tiercé est un rien pléonasmique, je ne fais là que vous retransmettre ce que j’ai picoré dans les communiqués officiels)
En vertu de ce dogme mille fois réitéré et équitablement partagé entre la gauche, la droite et les entreprises publiques concernées, la Région Ile-de-France a ainsi passé des contrats de résultats avec les principaux acteurs (ne riez pas, c’est comme ça qu’on dit maintenant) du transport de passagers. Le principe est simple : les trains arrivent à l’heure ? Bonus ! Ils arrivent à la bourre ? Malus ! Après ça, le cercle vertueux n’avait plus qu’à s’enclencher : transports améliorés, Parisiens satisfaits, région modernisée, Huchon canonisé, etc, etc.
Et pourtant, cette harmonieuse mécanique sociale vient d’être grippée par un grain de sable, ou plutôt quelques flocons de neige. En effet, qu’ont fait la RATP et la SNCF pour ne pas aggraver les retards dus aux intempéries ? Eh bien, elles ont ordonné aux conducteurs de certaines rames de ne pas s’arrêter dans toutes les stations de banlieue prévues dans leur itinéraire ordinaire. Suffisait d’y penser : moins d’arrêts, moins de retards, moins de malus. Vertueux, isn’t it ? Après tout, les fameux contrats de résultats disent que les trains doivent arriver à l’heure, pas les voyageurs !
Reste à savoir, une fois les frimas passés, pourquoi on s’arrêterait en si bon chemin, c’est le cas de le dire. Imaginez le temps qu’on pourrait gagner si les trains, les bus, les RER ou les trams ne s’arrêtaient plus à aucune station, y compris ces correspondances chronophages et ces terminus d’un autre âge (le mot est latin, c’est tout dire). En supprimant les impondérables dus à la présence de voyageurs dans les transports, on pourrait en outre éradiquer l’insécurité, améliorer la propreté et probablement réaliser des économies substantielles en frais de personnel, ce qui au passage, rendra le sourire à Angela Merkel. Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?
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