Commentant la nouvelle constitution hongroise entrée en vigueur le 1er janvier 2012, Frédéric Rouvillois écrivait : « L’équilibre des pouvoirs semble largement assuré avec les immenses prérogatives que détient l’Assemblée nationale, prérogatives qui feraient pâlir de jalousie les parlementaires français ». Effectivement, quelles prérogatives ! Je ne citerai ici qu’un exemple.
Dans toute démocratie qui dispose d’une Cour constitutionnelle, cette dernière impose ses décisions en principe sans recours. C’est ce que l’on appelle un « frein » contre les abus de pouvoir. Nul esprit sensé n’oserait imaginer l’inverse. Sauf en Hongrie…. où une nouvelle mode consiste désormais à placer le législateur au-dessus de la Cour constitutionnelle. Comment ? En amendant tout bonnement la constitution pour rendre obsolète la décision des Sages. Jeu d’enfant, puisqu’une simple majorité des deux tiers de l’Assemblée nationale suffit pour amender ladite constitution, sans autre formalité. Majorité qui suit le Président du Conseil Viktor Orbán sans sourciller.
C’est précisément ce qui vient de se reproduire. Avant-hier, le Parlement hongrois a révisé la Loi fondamentale pour la quatrième fois en moins de quinze mois ! Les parlementaires ont en effet adopté un amendement qui rend caduques des jugements récemment prononcés par la Cour constitutionnelle. Sur 22 articles, l’amendement érode les principes de la Loi fondamentale : limitation des religions reconnues par l’Etat à une liste restreinte et arbitraire qui exclut d’office un certain nombre de confessions ; interdiction à toute personne de séjourner de façon continue sur la voie publique (SDF) ; limitation de la notion de famille (filiation) aux seuls couples officiellement unis par le mariage à l’exclusion de toute autre relation ; obligation faite aux étudiants de rembourser l’intégralité de leurs frais d’études s’ils ne s’engagent pas à demeurer en Hongrie un certain nombre d’années après l’obtention de leur diplôme; nomination par le gouvernement de chanceliers à la tête d’universités privées de leur autonomie ; prohibition de toute publicité de caractère politique en dehors des médias officiels en période de campagne électorale.
Et ça n’est pas fini ! Ajoutons à tout cela une restriction des compétences de la Cour constitutionnelle dont les jugements prononcés avant le 1er janvier 2012 (entrée en vigueur de la Loi fondamentale) ne pourront plus faire jurisprudence. Limitation, enfin, du droit de veto du Président de la République aux seules questions de pure forme. Comme on le voit, Orbán engage son pays sur la voie du progrès démocratique !
Malgré les exhortations du Conseil de l’Europe, de la Commission européenne et d’une grande partie de la communauté internationale, le président du Conseil a fait voter cette batterie de mesures au pas de charge. Et les critiques indignées ne font que renforcer sa réputation de défenseur de la patrie face aux conspirations de l’étranger. Reste un espoir, que le Président de la République refuse de signer l’amendement. Bien qu’il soit un conservateur proche d’Orbán, il n’est pas (entièrement) exclu que le chef de l’Etat ait un sursaut de courage. On peut toujours rêver…
*Photo : European Parliament.
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