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«Rente mémorielle» de l’Algérie: Macron a raison


«Rente mémorielle» de l’Algérie: Macron a raison
Commémorations de la répression policière du 17 octobre 1961 à Paris, hier © Louise MERESSE/SIPA Numéro de reportage : 01044163_000022

17 octobre 1961:  la police française a le dos large


On ne peut me soupçonner d’être un thuriféraire du président de la République. Mais pour le coup, lorsqu’Emmanuel Macron a évoqué la « rente mémorielle » sur laquelle prospère depuis cinq décennies l’Etat algérien, j’ai bien été forcé de reconnaître que l’expression était magnifiquement adéquate.

Elle a immédiatement suscité les hurlements des islamo-gauchistes de tout poil. Pour eux, dans la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961, il n’y a qu’un coupable — l’Etat colonial. Et qu’une victime — le « peuple » algérien. De toute façon, le « colon » a tous les torts, et le colonisé tous les droits. Y compris celui de travestir la réalité.

J’aimerais savoir quel gouvernement doit le plus d’excuses à l’autre

Jean-Paul Brunet, historien reconnu et spécialiste de l’événement (il a publié en 1999 Police contre FLN. Le drame du 17 octobre 1961, chez Flammarion) a fait le point lundi dans les colonnes du Figaro. Il a rappelé les faits : à la trentaine de morts de la manifestation, il oppose les centaines de morts des mois précédents, tous imputables au FLN qui s’en prend aux harkis, mais surtout aux membres du Mouvement National Algérien de Messali Hadj, l’organisation indépendantiste rivale du FLN. Plus d’autres Algériens refusant de payer l’« impôt révolutionnaire » extorqué par nos vaillants fellaghas de l’intérieur. Sans compter ceux qui ne suivaient pas les règles coraniques, portaient plainte devant les tribunaux français au lieu de régler leurs différends par voie tribale, et buvaient un coup, de temps en temps, coude à coude avec les prolos français exploités comme eux par quelques entreprises. Beaucoup de sang coulait de part et d’autre de la Méditerranée — et ce n’était pas forcément la police ni l’armée française qui en versaient le plus. Mais certains historiens, amalgamant tous ces cadavres, ont tout mis sur le dos de la police française — qui l’a large.

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La manifestation est donc « pacifique » — aussi pacifique que peut l’être une démonstration de force décidée par une organisation terroriste, la dénomination alors du FLN : les étiquettes a posteriori n’ont en Histoire qu’une valeur très relative. Bien sûr, les organisateurs ont requis la présence de femmes et d’enfants — des boucliers humains dans la plus pure tradition. Ils s’attendent si bien à une réaction des (rares) forces de l’ordre que nombre d’entre eux sont armés, et selon divers témoignages, « ont tiré quelques coups de feu derrière les manifestants, pour les faire avancer ou pour faire sauter un verrou policier, par exemple à proximité du pont de Neuilly », avance notre historien. Le commissaire en charge dudit pont ne pouvait compter que sur 65 hommes face à des milliers de manifestants.

De Gaulle, qui allait reprendre les discussions de paix avec le GRPA, ne pouvait tolérer une démonstration de force qui aurait affaibli sa position, dans la perspective des futurs accords d’Evian. Rappelons qu’au même moment, la bataille d’Alger était gagnée par les paras, et le FLN en perte de vitesse sur tous les fronts. La manifestation parisienne doit aussi se comprendre comme une riposte aux avancées de l’armée française en Algérie.

Le jeune garçon que j’étais, et dont le père venait de rentrer d’Algérie après 18 mois de guerre dans les djebbels en tant que « rappelé », se souvient bien de l’ambiance, des attentats journaliers, et des premiers Pieds-Noirs rentrés la peur au ventre et des images atroces plein les yeux. Aucune guerre ne s’est jamais faite en dentelles. Le silence atroce de mes copains rapatriés en disait davantage que les hurlements de loups de ceux qui aujourd’hui, sans avoir participé aux événements, imputent à la France la totalité de l’horreur. Et demandent des compensations financières, en sus des excuses gouvernementales.

J’aimerais savoir quel gouvernement doit le plus d’excuses à l’autre — ou à son propre peuple. L’Etat français a eu le mérite de ne pas tirer dans le tas — après tout, nous étions en guerre, et l’ennemi venait faire une démonstration de force sur notre sol. Maurice Papon était ce qu’il était, mais il a usé très modérément de la force. De Gaulle était une vieille ganache, mais il n’a pas donné l’ordre de tirer. En revanche, le FLN massacrait allègrement les harkis (lire Harkis, crime d’Etat, de Boussad Azni, Ramsay, 2001 — facile à trouver en solde) et les familles de Pieds-Noirs isolés, pauvres le plus souvent.

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Le FLN passé au pouvoir a systématiquement privé son peuple des revenus du gaz et du pétrole, maintenant l’Algérie dans le tiers-monde pendant que la Tunisie ou le Maroc décollaient économiquement et s’ouvraient au tourisme : et vous voudriez mettre ce désastre sur le dos des anciens « colons » ou, justement, des harkis — ce qu’il en reste ? Des excuses à ces Algériens fidèles à la France me paraîtraient bien plus indispensables que des génuflexions devant un pouvoir autoritaire qui ne trouve de justification à ses exactions présentes que dans le souvenir et la réécriture des affrontements passés. Être victime est une position confortable, mais il ne faut pas en abuser — surtout quand on a été bourreau de son côté.

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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