Najat Vallaud-Belkacem avait grimacé en entendant le nom de son successeur. Aujourd’hui, elle est rassurée.
Jean-Michel Blanquer poursuit son travail de démolition de l’école avec une belle vigueur. Après s’être plié à la doxa écologiste et avoir demandé que chaque classe désigne au moins un éco-délégué ; après avoir « modernisé le système éducatif en ouvrant le champ des possibles » et fait du professeur un expert non pas d’une discipline mais d’un « projet éducatif et social » ; après avoir sabordé définitivement le baccalauréat ; après avoir accepté que les propagandes progressistes genrées, décolonialistes et faussement antiracistes se répandent dans les écoles, notre ministre de l’Éducation vient de pondre une nouvelle circulaire – en réalité une charte génuflexive reprenant les desiderata des théoriciens du genre et du lobby LGBT – intitulée « Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire ». Entre autres joyeusetés : « des mesures d’accompagnement seront mises en place pour les jeunes transgenres ou en questionnement sur leur identité de genre » ; l’élève qui le désire pourra choisir son prénom et les pronoms avec lesquels il souhaite être désigné ; il pourra utiliser les toilettes et vestiaires « conformes à son identité de genre », etc. Il est prévu des sessions de sensibilisation (c’est-à-dire de rééducation) pour les enseignants et les parents : certaines associations n’attendaient que ça pour pénétrer durablement dans les collèges et les lycées, avec salles « inclusives » exclusivement prévues pour la propagande sur le genre et la transidentité.
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Aie confiance…
Le ministre a été auditionné dans le cadre du très copieux Rapport sur les stéréotypes de genre écrit par la Délégation des droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale. Ce rapport mêle adroitement les notions d’égalité entre les hommes et les femmes et les revendications des lobbies LGBT ou néoféministes – Jean-Michel Blanquer y a été très sensible. Pour lui, « l’école de la confiance, c’est exactement cela » ; il est prêt à expérimenter de nouvelles approches pédagogiques. Sa dernière circulaire le prouve. La déconstruction théorique concerne maintenant directement les esprits et les corps des élèves. Les parents et les enseignants n’y échapperont pas : ils doivent être rééduqués, suivre des cours de dégenrage, oublier leurs préjugés : il n’y a plus de garçons ou de filles (ou n’importe quoi d’autre) mais des « s’identifiant comme ».
Voici quelques recommandations proposées par le rapport en question (les passages soulignés l’ont été par moi) :
Recommandation n°1 : « Mettre en place un accompagnement à la parentalité, pour les mères comme pour les pères, afin de leur apporter les outils pédagogiques pour éduquer leurs enfants dans le respect de l’autre et l’égalité entre les filles et les garçons. » L’acceptation de ce principe basique doit donc passer par la rééducation des parents. Il pourrait être demandé aux Caisses d’allocations familiales de « fournir aux jeunes parents des tutoriels pratiques » et « aux mairies d’organiser à périodicité régulière des séances d’information et d’échanges ».
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Recommandation n° 7 : « Repenser l’aménagement des cours de récréation, avec notamment des équipements sportifs offrant la possibilité aux filles et aux garçons de jouer ensemble, afin que la cour de récréation permette des usages diversifiés et devienne un lieu favorisant l’égalité de genre dans l’appropriation de l’espace. » Autrement dit, il faut “dégenrer” les cours de récréations. (« Ah ! on vous l’avait bien dit ! » s’exclament en chœur Grégory Doucet et Éric Piolle).
Recommandation n° 8 : « Créer un label égalité pour les manuels scolaires […] afin d’éclairer les enseignants sur le contenu des manuels scolaires et d’inciter les éditeurs à poursuivre leurs efforts dans la lutte contre les stéréotypes de genre. » Les députés en charge de ce rapport ont donc organisé des tables rondes avec des éditeurs de manuels scolaires ou de livres jeunesse afin que ces derniers participent activement au travail de propagande. Cette propagande se glisse d’ores et déjà subrepticement dans certains manuels. S’ils désirent être “labellisés”, ces éditeurs doivent passer à la vitesse supérieure.
Recommandation n° 11 : pour les enseignants en formation, prévoir « un module de formation obligatoire de sensibilisation aux stéréotypes de genre, comportant une partie théorique et une partie pratique, avec notamment des mises en situation. » Pour les enseignants déjà en place, « prévoir un module de formation continue, à caractère également obligatoire ».
Recommandation n° 17 : mettre en place « un enseignement consacré au respect de l’autre » avec « pour objectif de développer l’empathie, la communication bienveillante et les compétences psychosociales, tant chez les élèves que chez les enseignants. » Combien d’heures d’enseignement de français, d’histoire ou de mathématiques seront-elles encore sacrifiées au nom de cet « enseignement au respect de l’autre » ?
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Recommandation n° 21 : « Faire de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire un enseignement obligatoire spécifique, et non plus transversal, dispensé dès la maternelle. […] Dans le secondaire, prévoir l’intervention d’associations sensibilisant les jeunes aux droits des LGBTQIA+. »
Une gouine rouge à la manœuvre
Des sociologues ont été entendus par les auteurs du rapport. Parmi eux, Christine Delphy. Cette chercheuse au CNRS, féministe radicale, membre de feu « Les Gouines rouges », s’est illustrée par son combat contre la loi sur les signes religieux et sa lutte contre l’islamophobie (on sait ce que cela veut dire), et ne s’est éloignée du PIR (Parti des Indigènes de la République) qu’à partir du moment où elle a trouvé « dérangeantes » certaines positions de ce mouvement vis-à-vis de l’homosexualité. Dans ce rapport, elle explique que « les stéréotypes de genre commencent à agir avant même l’arrivée d’un bébé ». Les rapporteurs préconisent par conséquent de « sensibiliser et d’éduquer les parents à l’égalité entre les filles et les garçons dès la grossesse, en leur fournissant des outils de décryptage et des guides leur permettant de se positionner dans la bonne attitude par rapport à leurs enfants ».
En 2016, Najat Vallaud-Belkacem expliquait que les manuels scolaires ne propagent pas un « endoctrinement de la théorie du genre », qu’elle réduisait, faussement naïve, au changement de sexe.
Elle appelait les familles « à ne faire confiance qu’à elles-mêmes, à ouvrir les manuels de leurs enfants et à regarder ce qu’il y a dedans ». Pour une fois je suis d’accord avec l’ex-ministre de l’Éducation nationale et je conseille très vivement aux parents de compulser les manuels scolaires et certains livres pour la jeunesse (nouveaux ou revisités). La propagande y bat son plein, cela n’est qu’un début et cela ne concerne pas que la théorie du genre.