Un des indicateurs les plus certains qu’un peuple ne s’aime plus ou a l’impression que tout se joue sans lui se lit dans la défiance qu’il entretient avec la chose politique. Et une enquête du Cevipof publiée à la mi-janvier donnait des résultats désespérants : 85% des Français n’y croyaient plus du tout.
À contre-courant, mais loin du poujadisme soft des comiques, Charles, revue trimestrielle dirigée par Arnaud Viviant, voit d’abord dans la politique l’occasion de raconter de bonnes histoires. Le dossier de ce numéro 4 porte sur les rapports entre rock et politique avec, entre autres, un long texte de Yves Bigot sur le rôle du rock dans la Ve république. On pense à de Gaulle évoquant les Beatles en conseil des ministres, à Chirac et à l’« effet Madonna », à Sarkozy épousant une chanteuse qui avait connu avant lui − excusez du peu − Mick Jagger et Éric Clapton.[access capability= »lire_inedits »] Mais Bigot dévoile des images plus surprenantes, comme celles d’un Raffarin dépoitraillé chantant Johnny à l’époque des Jeunes giscardiens et de Robert Hue qui, sous le pseudonyme de Willy Balton, tentait de tenir la dragée haute aux Chaussettes noires avec son groupe Les Rapaces.
De même, on lira un portrait très émouvant du député-maire de Denain, Patrick Roy, l’homme à la veste rouge, mort d’un cancer en 2011, qui, lors d’un ultime retour à l’Assemblée, avait fait des adieux poignants à ses collègues. Fan de rock métal, il était le premier à avoir cité, non sans pertinence, Bernie Bonvoisin dans l’Hémicycle : « Antisocial, tu perds ton sang froid ! ».
Dans chaque numéro de Charles, on interviewe un Charles. Cette contrainte oulipienne a déjà permis de mieux connaître Charles Beigbeder, Carl Lang et Charles Fiterman. Cette fois-ci, c’est Charles d’Orléans, un des prétendants à la couronne de France. Il a 40 ans, vit au Portugal, et s’est présenté sans étiquette aux législatives pour représenter les Français de l’étranger. Sans étiquette… et sans succès, puisqu’il a fait 3, 5% des voix.
Mention spéciale au reportage-enquête de Lamia Bellacène sur le terrible incendie d’une discothèque qui, en novembre 70, fit 146 morts à Saint-Laurent du Pont, près de Grenoble. On crut à un tragique accident dû à des normes de sécurité défaillantes : il semble que les choses soient moins claires, avec en toile de fond le SAC, les maoïstes de La Cause du peuple, le grand banditisme et Marcellin, ministre de l’intérieur de l’époque.
Quand on vous dit que la politique vaut tous les romans…[/access]
Charles n°4, hiver 2013, 16 euros (La Tengo édition).
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