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Gaza : tant que la trêve tient…


Gaza : tant que la trêve tient…

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Au sud de la Bande de Gaza, à la périphérie orientale de Khan Younès, Iyad Kodih, 36 ans, peut enfin labourer son champ situé à 500 mètres de la frontière avec Israël. Sur ses deux mille carrés potagers, il compte cultiver des pommes de terre, des aubergines, des salades. Pendant près de douze ans, depuis le début de la deuxième Intifada, son lopin, selon Iyad, était « un véritable champ de mort ».
De là, certains groupes armés palestiniens lançaient leurs roquettes en direction d’Israël. De son côté, l’armée israélienne a aplani le terrain pour dégager la vue et établi une « zone de sécurité » qui pouvait s’enfoncer jusqu’à 800 mètres en territoire palestinien.
Sa minuscule maison de trois chambres, qui l’abrite ainsi que son épouse et ses quatre filles, et sa petite cour font face aux grillages de la frontière, à l’ombre de deux miradors israéliens. La famille Kodih, comme d’autres dans ce secteur, a vécu sous une menace permanente, « prise entre deux feux ». Désormais, reconnaît Iyad, « grâce à la trêve entre le Hamas et Israël, je peux profiter librement de ma terre. Pendant douze ans, personne ne mettait le nez dehors après 18 heures et avant 7 heures. Personne ne bougeait ici, au risque d’être pris pour cible ».
Au cours de ces années sanglantes, Iyad Kobih a dû délaisser sa terre : « Un agriculteur comme moi n’a que sa terre pour faire vivre sa famille. Nous avons survécu uniquement grâce à l’aide des organisations internationales. Maintenant, c’est à moi de nourrir les miens ».
Dans un coin de sa cour, cinq oliviers attendent d’être traités. Iyad s’emploie à sarcler les mauvaises herbes, à nettoyer le sol, sous le regard de son épouse, Safia, et avec l’aide de trois cousins. Les filles, elles, jouent dans le champ. Sans limites d’horaire. « Hier, j’ai reçu beaucoup de visites de mes frères, avec femmes et enfants, comme si c’était un jour de fête, à cause de cette nouvelle liberté », se réjouit Iyad.
Safia, elle, ne cache pas sa joie, car elle peut vaquer sans peur dans sa cour, recevoir ses voisines et ses cousines chez elle : « Maintenant je suis tranquille, mes filles vont à l’école sans crainte, et le matin, il leur suffit de partir à 7 heures 30. Avant, elles s’en allaient toujours à 8 heures et étaient en retard en classe. Surtout, elles peuvent enfin profiter de la nature ».
Chez les Kodih, la ligne politique est claire : en témoigne le portrait de Yasser Arafat affiché au salon. « Yasser Arafat est mon modèle, et je reste victime de mes convictions, déclare Iyad, car le Hamas ne m’aide pas. Même pendant les périodes difficiles, malgré nos souffrances, ici, il n’a pas levé le petit doigt, alors qu’il aide ses sympathisants, comme certains de ma propre famille ».
De ce point de vue, Iyad se sent toujours « pris entre deux feux » et souhaite, par-dessus tout, la poursuite de cette accalmie et pouvoir vivre en paix. Et même voir son coin transformé en zone touristique. Cette fois, sans risques. « Car, jadis, les Gazaouis venaient ici, le long de la frontière, observer de près les patrouilles israéliennes. J’ai même vu un mort par balles et une dizaine de blessés, parce que les gens s’approchaient trop de la frontière, malgré la police du Hamas, qui n’arrive pas toujours à les éloigner. Et c’est ce qui m’inquiète. Le moindre incident, s’il y avait des victimes, et cette trêve serait rompue… ».
Iyad connaît un peu Israël, il y a travaillé comme ouvrier. Son cousin Mahmoud Kodih, cinq enfants, en visite chez Iyad, ne cache pas qu’il attend le « bon moment » pour passer de l’autre côté : « Deux ans de travail en Israël, et je peux terminer la construction de ma maison, assurer l’avenir de ma famille ! ».
Iyad se souvient de ses bonnes relations avec son patron israélien mais n’a plus de contacts avec lui. « Non seulement parce que le passage à la frontière est interdit mais aussi par crainte du Hamas. On peut aussitôt être accusé de collaboration. Presque tous les appels téléphoniques en direction d’Israël sont sur écoute. Et aussi ceux en direction de Ramallah, le siège du Fatah. Alors, je m’abstiens ».

*Photo : Droits réservés.



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est journaliste à Gaza.

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