Roland Jaccard était un gentleman. Sa discrétion n’avait d’égale que sa sincérité et même s’il ne professait rien, son détachement était une leçon de vie.
Longtemps, j’ai cru que les amitiés dans le monde littéraire n’existaient pas. Elles sont, par nature, intéressées et froides, distantes et faussement sentimentales, blessantes à coup sûr. Que ces gens-là sont impudiques et pervers. Pardonnez-leur, chers lecteurs, c’est leur fonds de commerce. Ils vivent de leurs névroses. Chacun se tient donc par la barbichette dans notre milieu et ne reconnaît que son propre talent. La certitude d’être un génie est le dénominateur commun à toute notre profession. Les écrivains dévorent tout sur leur passage, par esprit de contradiction et instinct de survie, ils sont partagés entre la peur de l’oubli et celle du mépris. Ils fuient autant la célébrité que l’anonymat. Éternels insatisfaits, ils luttent maladroitement avec des mots, bien maigres consolations par rapport
