La nouvelle coqueluche de la droite et des sondeurs n’en démord pas. Selon Eric Zemmour, pour relancer l’assimilation des immigrés et combattre le séparatisme islamiste, il faut revenir à la loi de 1803 sur le premier prénom.
L’histoire des noms et des prénoms, héritée de Rome, révèle l’histoire de la France : terre christianisée, de culture gréco-romaine, devenue, en trois décennies, une terre déchristianisée, déshéritée, « défrancisée. » Le nom de famille indique l’origine. Le prénom, choisi par les parents, inscrit un enfant dans l’histoire d’un pays. Il témoigne d’un désir d’assimilation.
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Que le prénom ait toujours été un marqueur civilisationnel et social, et qu’il reflète des modes est une évidence. Tout est bien résumé par La Bruyère, dans Les Caractères, au chapitre « Des Grands » : « C’est déjà trop d’avoir avec le peuple une même religion et un même Dieu : quel moyen encore de s’appeler Pierre, Jean, Jacques, comme le marchand ou le laboureur ? Evitons d’avoir rien de commun avec la multitude ; affectons au contraire toutes les distinctions qui nous en séparent (…) Pour nous autres grands, ayons recours aux noms profanes ; faisons-nous baptiser sous ceux d’Annibal, de César et de Pompée : c’étaient de grands hommes ; sous celui de Lucrèce : c’était une illustre Romaine ; sous ceux de Renaud, de Roger, d’Olivier et de Tancrède : c’étaient des paladins, et le roman n’a point de héros plus merveilleux ; sous ceux d’Hector, d’Achille, d’Hercule, tous demi-dieux ; sous ceux même de Phébus et de Diane ; et qui nous empêchera de nous faire nommer Jupiter ou Mercure, ou Vénus, ou Adonis ? » La Bruyère écrit dans un siècle très chrétien. Le snobisme — sine nobilitate signifie « sans noblesse » — fait prendre ses distances avec « le peuple » mais Dieu n’a pas été congédié de la cité.
Un trop lourd héritage ?
Dans les années 70, les baby boomers ne se marient pas. Leurs enfants ne sont plus baptisés. Des Alexandre voient le jour, Hannibal, Vénus, Tarquin. Vient la mode des prénoms à l’américaine. Si, dans certaines familles, les prénoms judéo-chrétiens, comme Timothée et Pierre, reviennent, on sent que l’héritage du christianisme pèse lourd aux « héritiers ». Quel poids, en effet, sur ses épaules, que le prénom d’Emmanuel ! C’est alors que font florès, dans les années 1990, des noms de fruits (Mirabelle et Cerise) puis de choses (Térébinthe) ainsi que des prénoms exotiques pris dans des séries télé. Tout est bon pour marquer d’un sceau unique, surtout païen, le front de votre enfant. Avec la montée de l’écologie, arrive la vague des prénoms verts, en hommage à la Terre, au Ciel et à la Mer. Maïa devient courant avec Océane, Ambre, Rubis. Les prêtres ont du mal pour baptiser des enfants d’un prénom chrétien. Au rebours, on appelle son chien Léon ou Gaston.
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Que chaque époque ait ses modes est normal. Mais la déchristianisation n’est pas une mode. En témoigne la suppression des fêtes chrétiennes dans les agendas. Certes, la tentative américaine de dater l’histoire à partir de « l’ère courante », et non de Jésus-Christ, n’a pas abouti car impossible, comme le calendrier révolutionnaire mais tout cela est révélateur du désir de faire table rase d’un héritage chrétien et d’une tradition classique. Pendant qu’en France même, donc, « les héritiers » renient leur héritage, le prénom Mohamed est en passe de devenir le prénom le plus donné en France. Il y a peu, une « maman voilée » ne déplorait-elle pas, face au président de la République, que son fils ne connût pas de « Pierre » dans sa classe ? Qu’il n’y ait pas de mixité sociale !
Une loi abolie en 1993
Devant ce constat, Zemmour proposerait — on peut ne pas être d’accord—de revenir à la loi de 1803 édictée par Bonaparte, appliquée, continûment, jusqu’en 1993, à laquelle toutes les immigrations se sont soumises jusqu’à celle des années 70, exigeant que tous les enfants de France portent des prénoms « français, tirés du calendrier des saints et des grandes figures antiques. » Dans son livre, il écrit : « Je regrette que cette loi ait été abolie par les socialistes en 1993 parce qu’au contrairedu nom de famille qui symbolise l’identité personnelle, ses origines et sa généalogie, le prénom indique que les parents ont décidé que leurs enfants se fonderaient désormais dans une communauté de destin avec le pays où ils ont choisi de vivre. » Les journalistes qui accusent Zemmour de s’en prendre aux patronymes n’écoutent pas, ou écoutent mal, ou ne lisent pas ou lisent mal, ce que Zemmour dit et écrit. Cette loi concerne le premier prénom à écrire sur la liste de l’Etat civil.
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Une loi encadre, on le sait, l’inscription d’un prénom à l’état civil. On refusera l’enregistrement de Drapeau ou Lucifer, Tchao ou Crocodile. Cette loi de 1803 sur les prénoms, remise à l’honneur, permettrait, selon Zemmour, l’assimilation de ceux, nombreux, qui, venus en France, pour la liberté qui y règne, n’auraient pas à «choisir » entre un pays qu’ils ont fui, où ne « coulaient pas le lait et le miel » — et la République. Cette loi les libérerait de la pression d’un héritage subi de prénoms coraniques. Ce sont les élites qui, devant l’ampleur de la tâche, ont renoncé à toute tentative d’assimilation.
Du concret
Cette « polémique » des prénoms relève, en tout cas, du discours idéologique. Pour éviter de considérer le réel, rien de tel que d’agiter un chiffon rouge. On balaie une réponse concrète, discutable peut-être mais qui a fait ses preuves, par l’accusation « d’islamophobie. » dont on charge son auteur. Comme Toinette, dans Le Malade Imaginaire, pas un journaliste qui neserine, depuis quelques jours, quand on parle de la percée de Zemmour : « Le prénom ! Le prénom, vous dis-je ! » La vérité est que « le polémiste » bouscule le train pépère des Rois Mages de la droite, venus apporter l’or, la myrrhe et l’encens à Macron, en leur mettant du concret sous les yeux.
Monsieur Véran, très inspiré, dénonce en Zemmour un « aventurier du repli, du racisme, du ranci, de l’étriqué ». Le président de la République renchérit : « La France ne s’est jamais bâtie sur le rétrécissement, la crispation. La France a toujours fait voyager sa langue… L’épicentre de notre langue se trouve non sur les bords de Seine mais sur le bassin du fleuve Congo. » Mais, ça, c’est tiré du discours sur la francophonie, de 2018, qu’Emmanuel Macron va ressortir en mars 2021.
En attendant, on croit étriller Zemmour ? On lui lustre le poil, oui ! Avec raison, car on devrait lui savoir gré de soulever des questions brûlantes mises, depuis des années, sous le tapis.
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