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«9 jours à Raqqa» et «Notturno»: faire face

L'après-Daesh sur grand écran


«9 jours à Raqqa» et «Notturno»: faire face
"Notturno", film de Gianfranco Rosi (2021) © Météore Films

Deux documentaires l’un quelconque, l’autre passionnant, se penchent sur l’après-Daesh.


Le malheur du monde, quand il est filmé, n’a le choix qu’entre deux poisons : le télévisuel ou le cinématographique. Sortis à quinze jours d’intervalle, deux documentaires s’attellent à l’après-guerre au Moyen-Orient avec des objectifs et fortunes diverses.

Dès l’abord, leurs titres distinguent les axes choisis, l’un littéral et tout-public (« 9 jours à Raqqa »), l’autre poétique et recherché (« Notturno »). S’opposent jusqu’aux conditions de tournage puisque Xavier de Lauzanne n’a passé que neuf jours dans la ville martyre, là où Gianfranco Rosi s’est immergé trois années le long de plusieurs frontières à guetter les soubresauts d’une vie qui reprend. Le télévisuel a un chemin tout tracé : la rencontre d’une grand reporter, Marine de Tilly, avec Leila Mustapha, nouvelle maire de Raqqa (en fait coprésidente du Conseil civil de la ville) dont elle doit rédiger la biographie en neuf jours. Le cinématographique, de son côté, est construit sur des séquences principalement mutiques et disjointes, faisant voisiner le clair et l’obscur.

Inattaquable, mais sans intérêt

Il est peut-être cruel d’opposer un maître du documentaire, Gianfranco Rosi (Ours d’Or pour le magistral « Fuocoammare – par-delà Lampedusa », Lion d’Or pour le très beau « Sacro GRA ») avec Xavier de Lauzanne, dont on découvre le travail par le biais de ce premier volet d’une trilogie « La Vie après Daesh ». Mais au-delà ce qui les sépare, on est bien obligé de parler d’ambitions et de qualité.

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« 9 jours à Raqqa » fait penser au mieux à un reportage étiré d’Envoyé Spécial, au pire à un matériau préparatoire qui n’aurait pas dépassé ce stade. Il est plat, didactique, encombré par la journaliste à l’air toujours ravi. La jeune mairesse kurde est bien sûr admirable, mais cela ne suffit pas à faire un film. Malgré les scènes prises sur le vif, l’admiration de ses pairs et la reconstruction qu’on positive, la vie ne passe pas. On dirait un safari où l’on vous fait trembler avec des lions qui ne viendront jamais. Et le final abominable conclut sur une dédicace à Emmanuel Macron du livre enfin publié.

Son titre pompeux, « La Femme, la Vie, la Liberté », nous donne vite envie d’oublier tout ça. On peut être inattaquable et ne présenter aucun intérêt.

« Notturno » est autrement plus complexe et intéressant. La construction du film, peu claire, fait la part belle aux plans de coupe sur des véhicules militaires et des combattants à l’arrêt dans ce qui ressemble au Désert des Tartares. Quelques blocs narratifs flottent au milieu. L’un des fils rouges, une pièce historique conçue et répétée en hôpital psychiatrique, donne lieu à des scènes médiocres et explicatives. L’absence d’ancrage – on ne sait jamais où l’on est, ni qui l’on regarde – entretient confusion et lassitude, comme si le symbolisme de l’humanité blessée devait suffire pour faire lien avec le spectateur. Contrairement à ce qui a été dit ici ou là, l’ « esthétisme » de Rosi n’est pas en soi un problème, mais qu’il ne soit pas parvenu à trouver une structure opérante pour « Notturno », oui.

Coulée de sang

Restent plusieurs moments inoubliables, comme cette chasse au canard menée par un motocycliste émacié et silencieux troquant son vieux solex pour un canot. Et une longue séquence réellement terrifiante où des enfants yédizis confient à une psychologue les atrocités qu’ils ont vues sous Daesh. L’un d’entre eux, bègue, contemple un mur de dessins colorés que tous ont griffonnés pour se libérer de leurs souvenirs, il tend la main et reconnaît le calife Abou Bakr al-Baghdadi dessiné par un autre que lui. Le raccord qui suit, sur une cour de prison vue de l’enceinte qui l’entoure, est proprement sidérant. Une porte s’ouvre au fond ; en sort un prisonnier vêtu d’une combinaison orange, puis un second puis une dizaine, une cinquantaine, comme une coulée de sang chaud, rappelant les méfaits de ces meurtriers.

© Météore Films

À l’opposé, on citera ce plan de bonheur fugace, peut-être le seul de tout « Notturno » . Un jeune couple, probablement turc, boit un verre la nuit, sur la terrasse en hauteur d’un café. Le jeune homme s’inquiète de la pluie qui menace, et sa compagne répond avec un sourire, « Qu’il pleuve ! ». De simples mots où se loge un instant tout l’amour du monde, des mots pour faire barrière au malheur comme ce dernier plan rappelant la fin des « 400 coups » , le visage buté d’un adolescent qui littéralement fait face…

La femme, la vie, la liberté

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« 9 jours à Raqqa » de Xavier de Lauzanne, en salles depuis le 8 septembre

« Notturno » de Gianfranco Rosi, en salles depuis le 22 septembre



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