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1763, déjà les antivax…

Secrets d'Histoire...


1763, déjà les antivax…
Gravure du Roi Louis XV (1710 - 1774) © MARY EVANS/SIPA Numéro de reportage : 51009183_000001

Quand le vaccin contre la variole divisait l’Académie des sciences sous Louis XV.


1763. L’épidémie se répandant à nouveau dans Paris, où elle a occasionné vingt-mille décès, une méthode, recommandée par le Dr Tronchin, qui a depuis bien longtemps prouvé son efficacité, consiste à inoculer aux bien-portants le germe de la maladie. Lady Montagu, épouse de l’ambassadeur de Grande Bretagne auprès de l’Empire Ottoman, où la pratique est devenue courante depuis fort longtemps, a fait inoculer son fils de six ans. 

La pratique s’est répandue en Europe, à l’exception de la France dont la population semble réticente. L’inoculation des Princes d’Orléans au Palais Royal en 1756 avait déjà fait grand bruit. Le voisinage de médecins pratiquant l’opération s’en était plaint. La police avait reçu de nombreuses dénonciations, les rumeurs les plus folles alimentant la crainte. 

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Au mois de juin, le comte du Lauraguais, membre de l’Académie des sciences, a prononcé un fervent discours en faveur de l’inoculation qui continue cependant de fédérer de nombreux adversaires. Des personnalités telles que Voltaire et d’Alembert ont beau répéter que cette pratique diminue sensiblement les risques, elle est toujours jugée dangereuse. La faculté de médecine a délibéré sur l’opportunité de l’inoculation. Sur douze commissaires, six se sont déclarés favorables, six contre. 

Opposition de l’Église

Mais l’opposition la plus formelle vient des autorités ecclésiastiques. Outre la menace de mort qu’elle fait peser sur les bien-portants, ses adversaires se demandent si l’inoculation ne risquerait pas d’introduire, en même temps que le germe de la maladie, celui du vice chez les vertueux, celui de l’incrédulité chez les croyants et celui des roturiers dans celui des nobles.   

Piqué au vif, le comte du Lauraguais s’en est pris ouvertement à la faculté de théologie, arguant que celle-ci n’était fondée à donner son avis que sur des « choses sans conséquences » telles que la pénitence ou la consécration. Le scandale lui a valu une lettre de cachet de Sa Majesté. Il purge depuis sa peine dans la citadelle de Metz.

Par un arrêt du 8 juin 1763, le Parlement de Paris a « fait défense de pratiquer l’inoculation dans les villes et faubourgs du ressort de la cour » et interdit l’accès des villes aux inoculés avant la sixième semaine. Il faut se rendre dans un endroit où l’opération est tolérée sous peine d’amendes. L’inoculateur peut recevoir le patient en ville, lui rendre visite dans sa maison, mettre sur pied une préparation préalable à l’opération avec des bains ou régimes, mais la variolisation elle-même doit avoir lieu loin du centre.

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Le Roi contaminé

La question trouva son plus funeste épisode au printemps 1770, quand sa Majesté se réveilla un matin incommodée, et fut soudain prise de violents maux de tête et d’une forte fièvre. Elle se rendit tout de même à la chasse, mais se coucha sans souper. Le diagnostic posé, on écarta la famille royale pour éviter tout risque de contagion et Sa Majesté fut transportée à Versailles selon la volonté de son premier chirurgien prétextant que : « c’est à Versailles qu’il faut être malade. » Le 8 mai, la maladie redoubla. Le Roi délirait et la suppuration diminua. Dans l’après-midi, Louis XV, le visage noirci et déformé par les croûtes, s’éteignit.

Voltaire écrivit aussitôt un éloge du souverain défunt se terminant ainsi : «Que l’inoculation nous assure la conservation de notre nouveau Roi, de nos princes et de nos princesses!» La famille royale persuadée enfin par l’évidence des faits les plus authentiques et les plus multipliés, qu’il n’existait qu’un moyen de se mettre désormais en sûreté contre les malheurs qui la menaçaient encore de toute part, prit tout à coup, seule et sans impulsion étrangère, le parti courageux de recourir à l’inoculation.

Destiné à être diffusé à Paris et dans les principales villes du Royaume, Le Bulletin du Roi, en date du 24 juin 1774, informa l’opinion publique d’une grande nouvelle : « Le jeune Roi Louis XVI, vers qui se portent alors tant d’espérances, a accepté de se faire inoculer la variole, ainsi que ses deux frères cadets, le comte de Provence et le comte d’Artois. Et tous se portent bien ».



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