Actuellement sur les écrans, trois excellents films abordent la question de la maladie mentale et de son traitement. Augustine d’Alice Winocour, Au-delà des collines de Cristian Mungiu et The Master de Paul Thomas Anderson. Ces trois films mettent en scène trois manières différentes de faire face aux désordres mentaux.
Dans Augustine, on voit la médecine du 19e siècle confrontée à l’énigme de l’hystérie. Le spectateur assiste au désarroi du médecin qui s’appuie sur une clinique du regard : il photographie ses patientes, dessine la contorsion des corps, traque des signes. On comprend que la difficulté qu’il rencontre tient moins à la complexité de son objet d’étude qu’à ses propres résistances intérieures. Quelque chose en lui se refuse à écouter Augustine, la patiente qui le trouble. On mesure aussi l’avancée freudienne, laquelle mise sur une clinique de l’écoute, s’ouvre à la vérité des patients. Ce film met en scène les soins au 19e siècle, il montre comment le « regard médical » peut rendre sourd et entraver le traitement. Peut-être est-il aussi prophétique : il nous parle d’aujourd’hui où, à nouveau, avec l’invention de l’imagerie cérébrale et de l’IRM, une clinique du regard tend de plus en plus à s’imposer et à museler la vérité au profit du savoir.
Basé sur un fait divers tragique survenu en Roumanie il y a vingt ans, Au–delà des collines raconte l’histoire d’une communauté religieuse qui cherche à libérer l’un des siens de la folie. Armé d’une grille religieuse pour déchiffrer la maladie, la communauté pratique l’exorcisme, invoque Saint Basile, etc. Questionné sur la logique qui gouverne sa pratique, un prêtre explique que par le recours aux forces spirituelles, il ne s’attaque pas aux symptômes superficiels, mais vise les causes de la maladie. Plus modeste, au sujet de la schizophrénie, un médecin commente : « c’est une maladie dont on ne meurt pas, mais qui ne permet pas non plus de vivre ».
Quant à The Master, le film met en scène un rescapé de la Seconde Guerre mondiale. Traumatisé, le héros connaît une dérive alcoolique et une errance psychotique. Il trouvera un abri, un « refuge », une place où loger son étrangeté, dans une secte dirigée par « The Master », une figure charismatique librement inspirée de L. Ron Hubbard, le fondateur de la scientologie. En proie à des troubles voisins, le « maître » surmonte sa propre dérive en s’occupant du héros et en fondant un ordre où la vie, pour lui, redevient possible.
Face aux désordres mentaux, plusieurs types de réponses donc, mais, en définitive, une seule issue déclinée dans ces trois films : l’échec thérapeutique.
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