Si les Talibans sont poussés à trop vite se « normaliser », l’Etat islamique pourrait séduire beaucoup de jeunes Afghans qui ont absorbé l’idéologie djihadiste la plus violente.
L’attentat perpétré aux abords de l’aéroport de Kaboul le 26 août 2021 marque un tournant historique dans la reprise violente de la concurrence entre les organisations djihadistes en Afghanistan. C’est aussi la démonstration claire que l’Etat islamique n’a pas abandonné ses prétentions sur le pays, malgré la conquête éclair des Talibans pour récupérer le pouvoir. D’un côté des Talibans, devenus interlocuteurs des Occidentaux qui vont devoir assurer la sécurité et la gestion du pays, et de l’autre des membres de Daech qui les détestent, les accusent de ne pas appliquer la charia à la lettre et d’être des « fous de dieu » low cost, et comptent bien accentuer la pression sur ceux dont ils rejettent la main mise sur un pays qui ne devrait être qu’un Califat, aux ordres de ISIS.
Parmi les nombreuses questions qui se posent depuis la reprise de l’Afghanistan par les Talibans, celle de savoir si le pays peut redevenir un sanctuaire du terrorisme international inquiète la planète entière. Au-delà de la défaite de l’Occident à pacifier ce nouveau « Talibanistan », de la responsabilité majeure des élites afghanes corrompues depuis vingt ans dans la déliquescence du pouvoir et de l’armée, l’actualité dépasse la simple conjoncture mais s’inscrit bien dans une crise civilisationnelle plus vaste d’une résistance organisée à l’ordre mondial par les marges. Or, les marges combattantes, rejetant l’Occident dominateur depuis deux mille ans, les plus efficaces depuis des années sont bien islamistes. Et l’Afghanistan a une place de choix dans ce combat sans fin et risque de le rester durablement. Car il est une forteresse maintes fois assiégée, dont personne du monde « victorieux » d’aujourd’hui n’est venu à bout.
En viendrons-nous un jour à devoir aider des Talibans « normalisés » pour venir à bout d’une hydre djihadiste non conventionnelle encore plus nihiliste qu’eux ?
Rappelons que les vétérans de l’Afghanistan de 1979, luttant contre l’URSS, furent à l’origine de la naissance d’une grande partie des violents groupes islamistes qui ont essaimé d’Afrique du Nord au Sahel, de la Bosnie au Moyen-Orient, jusqu’en Asie du Sud-Est, et qui ont fini par déstabiliser l’Amérique puis l’Europe. Leurs succès sont notables depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New-York jusqu’à la guerre en Syrie et les attentats qui ont frappé le Moyen-Orient et le cœur du vieux continent. Depuis la chute de l’Etat islamique en Syrie et en Irak en 2017, ses vétérans sont assurément devenus de nouveaux modèles dont une partie n’aura pas manqué de se redéployer sur les terres originelles de djihad pour se « ressourcer » et se « régénérer ». L’Afghanistan fait partie de ces destinations privilégiées.
Un concentré inépuisable de toutes les problématiques du djihadisme mondial
L’Afghanistan a encore de l’avenir pour les combattants de Dieu de tous bords, même si ils ne s’accordent pas tous sur une vision commune du monde. Il faut revenir sur les pages les plus sombres de ce pays depuis les années 1960 pour comprendre la naissance des internationales islamistes et djihadistes dans le monde. Parmi beaucoup de pays, l’Afghanistan va donner renaissance au combat de l’islam armé et politique contre l’occupant. Ce pays n’a pas pour vocation au départ à devenir un Califat, tout cela ressurgira bien plus tard, mais bien un sanctuaire de victoire contre le communisme. Même si, à l’époque, ne germe pas encore l’idée qu’il devienne aussi une terre d’échec pour les Occidentaux.
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En géopolitique, on dit souvent que qui contrôle le « heartland », ce nœud et carrefour des grands axes géopolitiques de toute une région, contrôle le monde (Mackinder dans le Pivot de l’Histoire). Mais attention, le contrôle du Heartland passe aussi
