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Adieu Beauvau, vache, cochon, couvée!

Macron fait des promesses aux policiers et croit voir des améliorations dans la situation sécuritaire


Adieu Beauvau, vache, cochon, couvée!
Roubaix, 14 septembre 2021 © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22605432_000004

Le président de la République était hier à Roubaix pour clôturer les tables rondes du Beauvau de la Sécurité. Il a eu beau taper du poing sur son pupitre et faire des promesses pour l’avenir, c’est beaucoup trop peu et beaucoup trop tard pour être efficace contre la « violence », qui, de son propre aveu, « s’est emparée de notre société » ces dernières années.


Semblable à Perrette qui, n’ayant qu’un pot de lait, bien posé sur un coussinet sur sa tête, se promettait à elle-même œufs, couvée, poulets, cochon, vache et veau, Emmanuel Macron a conclu le Beauvau de la Sécurité par un discours dans lequel il se promettait et surtout promettait à ses auditeurs réformes, réorganisations, volontarisme, effectifs et moyens – mais pour plus tard. 

2030, dit-il. Bel optimisme tablant sur une réélection en 2022, suivie d’une réélection en 2027, et se projetant sans doute sur une réélection en 2032, voire en 2037 ! Face à cet élan, les esprits chagrins s’étonneront juste que, gouvernant depuis plus de quatre ans, il ait attendu les derniers mois de son mandat pour s’occuper vraiment d’un problème datant d’avant son prédécesseur : ah, si seulement les policiers avaient hué le garde des Sceaux au début du quinquennat…

Pendant ce temps, çà chauffe aux Tarterets et à Val-de-Rueil

Long discours, dont la première moitié fut un interminable satisfecit : « voyez tout ce que j’ai déjà fait pour vous » – Maître Corbeau, sur un isoloir perché, tenait dans son bec un bulletin de vote…. on connaît la suite. Dommage qu’Emmanuel Macron n’ait pas évoqué dans ce bilan glorieux les émeutes aux Tarterets (Essonne) et les conflits entre Kurdes et Africains à Val-de-Reuil (Eure), qui sont pourtant de parfaites illustrations de ce que l’on peut attendre de sa politique.

Arrivent les annonces : du numérique, de l’auto-satisfaction, une réforme de la procédure pénale mais pour plus tard (il faudra attendre les États Généraux de la Justice), toujours de l’auto-satisfaction, une réflexion sur les cycles horaires dans la Police, encore du numérique et encore de l’auto-satisfaction, des promesses pour une loi de programmation également remises à plus tard, un contrôle parlementaire renforcé des forces de sécurité (du moins en théorie, attendons de voir si les élus de l’opposition auront accès aux données que l’on reprocha jadis au général Soubelet d’avoir communiquées à ces mêmes élus), et des « nouveautés » comme les caméras-piétons déjà promises depuis des années. Et du numérique, et encore de l’auto-satisfaction.

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Mettre à jour le cadre légal d’usage des armes des forces de l’ordre au regard de l’extrême-violence dans les « quartiers » ? Nenni ! Et que nul ne songe à raviver le fameux Décret Organique du 20 mai 1903 des gendarmes, et encore moins de l’étendre à la police.

Avec la justice, ça coince toujours!

Se pencher enfin sur la responsabilité individuelle des magistrats, et en particulier des juges ? Vous n’y pensez pas !

Modifier radicalement notre politique migratoire (96% des déboutés du droit d’asile ne sont pas expulsés, moins de 15% des OQTF sont exécutées, droit du sol et regroupement familial, etc) ? N’allez surtout pas sous-entendre qu’il y aurait un lien quelconque entre l’insécurité et certaines immigrations, ce n’est pas comme si les conclusions du rapport du gouvernement suédois étaient connues.

Il y a fort à craindre qu’emporté par ses ambitions, moins champêtres que celles de Perrette mais tout aussi fumeuses, Emmanuel Macron ne finisse par renverser le pot au lait des douces promesses sur le dur chemin d’un pays confronté à tout ce qu’il fait semblant de ne pas voir. Et si on peut espérer qu’aujourd’hui policiers et gendarmes sauraient éviter à la pauvre Perrette d’être battue, on peut espérer aussi que ce Beauvau, qui ressemble surtout à une grenouille tentant de se faire aussi grosse qu’un bœuf, n’empêchera pas Emmanuel Macron de l’être (dans les urnes, naturellement).




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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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