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Extrême droite modérée, je crois que c’est ce qui me correspond le plus…

Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent de ne pas être anti-moderne


Extrême droite modérée, je crois que c’est ce qui me correspond le plus…
Manifestation à Winnipeg, Canada, septembre 2021 © David Lipnowski/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22605285_000003

Je ne veux plus faire partie d’un camp où l’on conspue une prétendue « société de surveillance » et le « contrôle des corps »…


Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent de ne pas être anti-moderne.

Quand je pense que j’ai été « d’extrême droite » ! Quand je pense que je le suis peut-être encore sur bien des points – mais d’une manière trop peu méchante pour être crédible auprès des vrais. Tant pis ou tant mieux, il faut mûrir et grâce au  Covid, je serai enfin devenu politiquement adulte. Les réactions de certains face à la crise sanitaire (et que j’ai explorées ici) m’auront ouvert les yeux sur l’imbécilité congénitale de « mon camp ». Antivax et anti passe auront fait en trois semaines ce que les antiracistes n’auront pas réussi à faire en trente ans. Parce que je ne sais pas, vous, mais moi, les bigots obtus, les terreux fin de race, les jobards de « la vie d’avant », tous plus ou moins conspi, je n’en peux plus.

Foucaldisme primaire

Soyons clairs. Il pouvait y avoir du bon dans « l’extrême droite ». Une liberté anthropologique qui ne s’en laisse pas conter par les sociologues à la noix ; une sensibilité tellurique qui fait frémir les belles âmes ; une foi antique aux Dieux, aux Hommes, au Ciel et à la Terre (le fameux Quadriparti heideggerien) qui inquiète les chrétiens ; un catholicisme flamboyant qui vomit les tièdes ; une audace littéraire absolue qui fait qu’avec elle, on peut en effet « tout dire » ; un sens du beau, du grand, du noble et aussi du tragique ; une lucidité extrême. Être réactionnaire, c’était être visionnaire. Dantec, Houellebecq, Millet, Camus l’ont été – et avant eux Baudelaire, Balzac, Chateaubriand, Joseph de Maistre. Hélas, les réactionnaires d’aujourd’hui ressemblent plus aux aristo décatis du Cabinet des Antiques de Balzac (un de ses plus prodigieux romans) qu’aux dandys extralucides à la Baudelaire. Les réactionnaires d’aujourd’hui sont de douloureux antédiluviens boursoufflés dans leur nostalgie, dévots du passé, athées du présent et zombies du futur. Pauvres et parfois très méchants diables qui croient au mythe du sauveur et raisonnent en termes de « dernier bond », « dernier sursaut », « dernier mot », toujours à voir l’Histoire à « la croisée des chemins » et la « Nation » entre le gouffre et la colline (inspirée) – vision certes romantique, poétique, apocalyptique mais peu opératoire et qui leur fait perdre la partie à chaque coup. N’en pouvant plus d’être sans cesse contrariés par une Histoire qui les a perdus en chemin depuis longtemps, les droitards sombrent alors dans le ressentiment, l’esprit de revanche, et, comme on l’a vu avec le Covid, la désinformation, la fake news, l’anarchie libertaire.

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Un comble pour eux qui ne juraient que par l’autorité (ah ! Poutine !) et Machiavel et qui se retrouvent cocus des deux côtés. Alors qu’ils devraient au moins admirer Macron comme tacticien, ils le conspuent honteusement. Rien de moins « sport » que ces ganaches qui ont pété les plombs sociaux et civils et qui, de manière infantile, « refusent d’être des enfants » – ce que les Anciens admettaient volontiers : le Roi est le Père de la Nation et nous sommes tous enfants de France et enfants de Dieu. Quel bonheur c’était ! Quel âge d’or ! Mais non, plus pour eux ! Les voilà qui donnent dans un foucaldisme primaire à dénoncer la « société de surveillance » (alors qu’ils ne jurent que par la sécurité) et le « contrôle des corps » (alors qu’ils sont généralement militaristes et cléricaux). Évidemment et heureusement qu’il y a un contrôle des corps – depuis les Dix Commandements, en fait, « kit de l’humanité » s’il en est. Des Stoïciens à l’impératif catégorique kantien, en passant par la fessée de mademoiselle Lambercier infligée à Jean-Jacques Rousseau (avec quelques effets secondaires, il est vrai), le contrôle des corps est une nécessité sociale et vitale et qui, faut-il le rappeler, n’a rien à voir avec Staline ou Mao. Mais dans l’indistinction crasse où ils sont tombés, hors de tout contrat social, les droitards ne discernent plus rien tout et se la jouent « assoiffés de liberté ».

Les contradictions de l’antivax

Alors ils s’égosillent avec « nos valeurs » en faisant du surplace. Comme les « gauchiasses » qu’ils sont devenus, ils défilent contre « la dictature sanitaire », se trouvant même une nouvelle conscience marxiste. Leur grand concept en ce moment, c’est le « mépris de classe ». À l’instar du prolo qui se sentait rejeté par le bourgeois, l’anti-passe (qui est souvent un antivax) se sent discriminé par le vacciné qu’il considère pourtant comme un niais en sursis. C’est là la contradiction étonnante du « dissident » : d’un côté, il soutient que le vaccin n’est pas fiable et pourrait même se révéler un poison ; de l’autre, il considère que le vacciné est un privilégié. Le dissident est à la fois obscurantiste et révolutionnaire. Deux bonnes raisons de ne plus l’être.

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Donc, 2021 aura été ma nuit de foi droitiste, ma reconversion au réel, c’est-à-dire à l’inévitable évolution des choses, au devenir, au changement de monde. Non pas que je sois devenu apôtre du progrès tout aussi mortifère, mais au moins aurais-je admis que les choses bougent, que les mondes muent, que les idées ondoient. À Bossuet qui dénonçait « les variations des Églises protestantes », Leibniz répondait : « il nous plaît, Monseigneur, d’être de cette Église toujours mouvante et variable ». Eh bien voilà. Je suis leibnizien. Je plaide pour une droite méta-réactionnaire. Plus au fait. Plus humaine. Plus intellectuelle aussi – mais intellectualiser la droite ! Combien de penseurs s’y sont cassés les dents tant la droite est incapable de dialectique, de prise en compte des contraires, de synthèse par laquelle on conquiert vraiment les choses. Alors que c’est sa « dernière chance », comme elle dirait. Car si elle veut survivre, il lui faudra comprendre le changement de paradigme, la redistribution des valeurs (dont César Pavèse disait qu’elles étaient avant tout « des qualités que l’on sent » – et que sentent-ils, nos réactionnaires, sinon leur propre putréfaction ?), les nouvelles connexions. En fait, il faudra que la nouvelle droite s’émancipe d’elle-même, se « nietzschéise » un chouia, se transhumanise pour son bien. Autant dire qu’il va y avoir du boulot.



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Pierre Cormary est blogueur (Soleil et croix), éditorialiste et auteur d'un premier livre, Aurora Cornu (éditions Unicité 2022).

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