Dans son nouveau livre, L’ère des soulèvements, Michel Maffesoli fustige les élites et annonce une nouvelle époque de révoltes populaires qui réaffirmeront, face à l’individualisme, l’importance centrale de la communauté, de la solidarité et des expériences collectives.
Dans un sondage paru dans Les Echos au début du mois, 55 % des Français se disaient enclins à présenter leur « passe sanitaire » au café, au bar ou au restaurant, y compris en terrasse. Si vous êtes de ceux-là, vous pouvez passer votre chemin. Pour les autres, et plus encore pour les 14 % qui, dans le même sondage, n’avaient pas l’intention d’avoir de « passe sanitaire » au début du mois, vous pouvez compter sur le soutien de Michel Maffesoli.
Car le sociologue aux beaux nœuds papillon est en colère. En colère contre « les éternels rabâchages de la bien-pensance », en colère contre le « mensonge généralisé de la Caste au pouvoir », en colère contre le « progressisme à la fois benêt et destructeur » ou encore, contre « ceux que Jean-Jacques Rousseau nommait les empressés fainéants, ceux qui parlent et ne font rien ».
Bénie soit la réaction populaire
À grand renfort de métaphores, d’hyperboles et de points d’exclamation, Michel Maffesoli signe un pamphlet vitupérant les « élites » déconnectées et les « tenants du pouvoir médiatique [expression mise en italique dans le texte], perroquets de l’oligarchie politique ». Venant épauler « le génie du peuple » contre « l’a-priorisme des sachants », il voit dans le « tous pourris de la conversation du Café du commerce » une réaction légitime à « la rapidité de cette élite en déshérence, préoccupée, essentiellement […] de places acquises sur les fameux plateaux télévisuels ». Or, quand « le peuple ne se reconnaît plus dans les élites au pouvoir », « l’insurrection est inéluctable ». La « Caste au pouvoir devrait y prendre garde », prévient-il, car face au « Matamore » (le pouvoir), « l’ombre de Spartacus est en train de s’étendre sur toute la société ! ».
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Pour autant, la grogne sociale qui rythme nos samedis après-midi depuis quelques années – et dont les manifestations contre le « pass sanitaire » sont la dernière illustration – ne doit pas nous faire peur. En effet, dans les « soulèvements » lancés par les Gilets jaunes, Michel Maffesoli voit le début d’« une autre manière d’être ensemble », un retour de « l’enracinement dans le terroir », de « la solidarité » et de « l’ancrage dans le local ». En somme, la fin prochaine de l’individualisme et surtout, de sa perversion qu’est l’égoïsme. Ce qui l’amène à parier sur le retour de « l’idéal communautaire, que certains continuent à stigmatiser en le taxant, sottement, de communautarisme ».
Le nouveau temps des tribus ?
Car qu’on ne s’y trompe pas, « permettre le vivre ensemble de tous, de toutes les communautés, ne passe pas par le déni du tribalisme postmoderne mais par son acceptation ». Un retour en grâce des tribus qui peut s’illustrer par le pire, à travers « l’affirmation tribale criminelle et délinquante face à une autorité qui masque une défaillance par une violence non maîtrisée », mais aussi à travers un quotidien -pas assez médiatisé, fait-il bien de souligner-, fait de « solidarité, de partage d’entraide et de respect mutuel ». « Permettre les rassemblements festifs, les collaborations informelles, les expériences communes, les originalités locales, voilà qui fera que s’élabore un nouveau mode d’être-ensemble, de vivre-ensemble, respectueux de l’altérité fondamentale et soucieux des affects partagés », s’enflamme-t-il même.
Il aurait été bienvenu que l’auteur du Temps des tribus s’attarde plus sur les façons d’éviter « le pire ». Il aurait été intéressant qu’il propose des solutions relevant de la « proximité, [du] localisme, [du] présentéisme », en lesquels il voit « autant d’impératifs pour notre temps ». « Avancer par essais et par erreurs, accompagner les changements en cours au plus près de la communauté de base, voilà sans doute des pistes pour l’année à venir », écrit-il. Pas sûr que « le peuple » – dont il déplore régulièrement l’infantilisation par l’État – soit séduit par une telle idée.