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Meurtre de masse : un jeu d’enfants ?


Meurtre de masse : un jeu d’enfants ?

Un garçon a assassiné dix-sept personnes dans son lycée. Dix-sept, c’est exagéré. Ça ne devrait pas être permis. Dix, douze, on comprendrait, mais dix-sept vous vous rendez compte le massacre. En plus, c’est des enfants, des innocents. Vous voulez savoir ce que j’en pense : c’est répugnant. Si je pouvais le tenir ce salaud, je crois que je le tuerais. Des enfants…dégueulasse, vraiment, il n’y a pas d’autre mot. Je vous jure, je le tuerais. Encore que j’hésiterais. Lui aussi c’est un enfant quand même. D’accord, il a tué dix-sept enfants, mais quand même, c’est un enfant. Et vous savez ce que je dis moi : les enfants, c’est sacré. Il n’y a rien de plus important que les enfants. On ne devrait jamais tuer les enfants. Voilà ce que je dis moi et, franchement, ce n’est pas une posture que je me donne, je le pense. Des enfants… et pourquoi pas des femmes tant qu’on y est. Les femmes aussi, c’est très déconseillé de les tuer. D’ailleurs, c’est complètement interdit. Essayez, tuez une femme, pas dix-sept, une, une seule. Je vous dis pas ce qui va vous arriver. Vous aurez des ennuis, c’est moi qui vous le dis et pas qu’un peu. Si ça se trouve, on vous mettra en prison et, après, ouh là là ! Vous verrez, vous verrez, rien que des emmerdes. Alors vous savez ce qu’il faut faire. Vous déambulez sur le boulevard, une femme vient vers vous, une femme normale, disons la trentaine, française, un peu maquillée, à l’épaule un faux sac Vitton. Vous tranquille, vous la laissez s’approcher, vous la fixez dans le blanc des yeux et qu’est-ce que vous faites ? Vous ne la tuez pas. C’est facile quand même ça, c’est pas la mer à boire. Et alors, vous verrez. Heureux vous serez, heu-reux, alors que si vous la tuez malheureux vous serez ? C’est tout bénéf. On a pris le cas d’une Française. Maintenant, supposons qu’elle n’est pas française, la femme qui se dirige vers vous. Elle est… comment dire… arabe ou, comment dire… elle est africaine ou même allemande, bref, elle est étrangère. Eh bien, les étrangères aussi, c’est interdit. En 1943, vous aviez le droit de tuer une Allemande. En 1961, tuer une Arabe, ça se faisait. Aujourd’hui, c’est fini. Les étrangers aussi, c’est rigoureusement prohibé. J’ai pris ce détour, pour vous faire comprendre qu’il n’y a pas que les enfants qu’il faut protéger. Enfants, femmes, hommes, français, étrangers, tous ont droit à leur intégrité physique. C’est un peu radical, d’accord, mais c’est comme ça. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je trouve que c’est bien. Dans ce genre de chose, les demi-mesures ne sont pas de mise. La France a commencé à interdire le meurtre sous toutes les coutures mais bientôt tous les pays suivront. Au Congo, au Darfour, en Guinée-Bissau, ce sera condamnable, des mesures drastiques seront prises. Au Soudan, le président Bachir lui-même – que Dieu lui prête longue vie – il lui arrive des bricoles. Il faut dire qu’il a exagéré lui aussi. Je ne sais pas combien de millions il en a sur la conscience. Moi, je dis non, non et non. Des millions, non. C’est que, vous voyez, il a dépassé les bornes. Il faut le comprendre aussi. Il pensait qu’on pouvait. D’où l’urgente nécessité de donner un coup d’arrêt énergique et de proclamer l’abolition pleine et entière de l’homicide. D’où qu’il vienne, où qu’il aille. Bien sûr, il y en a qui vont la trouver saumâtre. Alors quoi ? Du jour en lendemain, d’un coup sec sans prendre en compte les cultures locales qui sont toutes respectables, ne l’oublions pas. On a beau dire, les gens vont être obligés de changer des habitudes millénaires et ce n’est pas facile. Parce que ça remonte à longtemps cette histoire là. Sans parler de Caïn, rien qu’au vingtième siècle, il y en a bezef qui sont passés de vie à trépas dans des conditions pas toujours élucidées. D’où le caractère odieux de ce gamin serial killer que je ne pourrai, hélas, pas égorger de ma main. Il s’est fait justice lui même. Comme quoi, il y a des histoires qui commencent bien et qui finissent mal. Pas celle-là. Elle commence mal et finit mal. C’est du moins mon avis. Pas le vôtre ?

Photo de Une, Dr Gonzo, flickr.com



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Guy Sitbon, ex-journaliste au Nouvel Obs, est chroniqueur à Marianne.

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