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Divorce au FN sur le mariage gay ?


Divorce au FN sur le mariage gay ?

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Le FN est contre le mariage pour tous, cela va de soi, n’est-ce pas ? Eh bien manifestement, non. Et l’ambiguïté de sa position est apparue depuis plusieurs semaines autour de la question de savoir si oui ou non, le parti ira manifester le 13 janvier.
Vous savez, ce grand raout contre la mesure sociétale qui focalise l’attention de tous puisque l’exercice de la politique, aujourd’hui, consiste à amuser la galerie pour éviter de montrer la convergence de vue des principaux partis de gouvernement sur les questions essentielles. Tous sont d’accord pour réduire les déficits au prix des pires politiques austéritaires, tous sont d’accord pour flexibiliser le marché du travail, pour baisser les charges, pour poursuivre et accélérer l’intégration européenne et pour en finir avec un modèle social obsolète devenu trop cher à financer depuis que l’on a décidé de privilégier la rente  aux investissements dans l’économie réelle.

Alors, pour amuser la galerie, on se livre à un grand chantier du slip et on fait croire que l’avenir de la civilisation est en jeu. On pourra faire remarquer que nous ne sommes pas seuls au monde, que la Belgique, dont on parle beaucoup ces temps-ci, l’applique depuis des années et n’a pas connu de catastrophe anthropologique : rien n’y fait. Adieu Florange, bonjour la discussion sur le sexe des anges. Vous savez, cette discussion des élites byzantines alors que les Turcs étaient sous les remparts de Constantinople.
Qui s’oppose à ce consensus orwellien aujourd’hui, sinon le Front de Gauche, Debout la République et le Front National ? Mais entendons-nous bien, pas n’importe quel  Front National : il s’agit désormais de celui qui a été conquis par Marine Le Pen, quand elle a remporté la victoire sur la ligne Gollnisch pour qui le FN se devait avant tout d’être la « vraie droite » et pas autre chose.

De multiples clivages ont toujours traversé le FN depuis sa création : cathos contre païens, ethnodifférentialistes contre solidaristes, royalistes contre nationaux-européens. Mais le plus important, celui qui les recouvre tous, se résume en une question : « Sommes nous un parti de droite dure ou sommes-nous autre chose ? ». Dans les années 90, Samuel Maréchal, le père de la benjamine de l’Assemblée Nationale, avait théorisé la ligne « ni droite ni gauche, la France ». Et déjà, en 1995, lors des grandes grèves de novembre-décembre contre le plan Juppé, le Front ne savait plus trop s’il devait soutenir cette révolte des travailleurs français contre l’Europe de Maastricht ou dénoncer la mainmise et la manipulation de syndicats tenus par les trotskystes ou les communistes.
Marine Le Pen, avec à ses côtés l’ancien chevènementiste Philippot, rêve elle aussi aujourd’hui d’un FN qui soit ni de droite ni  de gauche. Un parti qui ne représente pas une alternance mais une grande alternative. Et c’est très compliqué parce qu’il faut surmonter des contradictions politiques de deux ordres : internes et externes.

À l’interne, il y a les pesanteurs de la vieille garde qui lance régulièrement ses anathèmes depuis Rivarol et Minute, ce dernier venant d’expliquer que les hésitations de MLP sur le mariage pour tous proviendrait d’un lobby gay autour d’elle (on salue l’élégance du procédé[1. Comme on saluera l’élégance de cet article des Inrocks sur le même sujet qui arrive à conjuguer l’homophobie et les positions d’Act-Up sur le coming-out, ce qui relève de l’exploit dialectique.]). Ceux-là n’aiment pas trop entendre parler de « compatriotes musulmans », de « droit à l’avortement » et même, sur le plan économique, des attaques contre « le libéralisme financier qui ruine la France ».
L’aggiornamento de MLP, pourtant, n’a pas empêché  le FN, à l’extérieur, d’être systématiquement classé au sens large comme faisant partie de la droite, et d’ailleurs la seule question des alliances qui se pose pour lui est celle avec l’UMP. On a beau dire UMPS par ci, UMPS par là, c’est bien l’UMP qui apparaît électoralement comme le partenaire qui va de soi si on veut un jour prendre des mairies et qui sait accéder au pouvoir. C’est ennuyeux parce que, dans l’idéal, Marine Le Pen rêve d’une politique de rupture qui n’a rien de commun avec la vision du monde d’un Copé ou d’un Fillon. Protectionnisme, relance, sortie de l’Euro et de l’UE. Et elle a un mal fou à faire entendre cette différence, comme en d’autres temps Chevènement ou Seguin qui finirent par rentrer dans le rang de leurs camps respectifs.

Or voilà que le mariage pour tous va faire défiler contre lui ce dimanche 13 janvier des gens de droite, banalement de droite, dont la plupart n’ont pas grand-chose à faire de la question du mariage pour tous en tant que tel mais veulent surtout marquer une opposition de la rue à la gauche au pouvoir. La preuve, c’est qu’ils oublient au passage qu’il y a des adversaires du mariage gay à gauche et pourtant, on peut parier sans trop de risques qu’on ne verra pas de gens de gauche à cette manif à peu près aussi « apolitique » que l’était celle pour l’école libre en 1984, présentée d’ailleurs comme la référence par les organisateurs du 13.

Marine Le Pen sait tout cela. Elle sait aussi que rien ne lui interdit dans l’avenir d’espérer récupérer un certain électorat gay qui angoisse face à l’islamisme ou même celui des bobos des villes, partisans de l’hédonisme sécuritaire qui avait fait le succès électoral d’un Pim Fortuyn. Elle n’a pas tellement envie de s’aliéner ces soutiens potentiels qui sont culturellement de gauche. Mais en même temps, que faire avec ses cathos tradis ? La quadrature du sexe, en quelque sorte…
Sans compter que sa vraie base actuelle, celle des ouvriers d’Hénin-Beaumont et d’ailleurs,  la trouve beaucoup plus convaincante dans sa condamnation des délocalisations que dans son éventuelle opposition au mariage pour tous qui n’est pas franchement leur premier souci.
Et tout ce monde-là pourrait changer d’avis au sujet du New-FN, si on la voyait bras dessus bras dessous avec Copé, à crier des slogans qu’emportera le vent d’hiver dans l’insignifiance des faux clivages sociétaux.

Alors, elle a choisi de ne pas choisir, ce qui n’est pas forcément, d’un point de vue tactique, la plus mauvaise solution.

*Photo : Ernesto Morales.



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