Cette idée reçue, largement répandue, participe de la mise à sac du pays par la délinquance endémique dont il souffre. En réalité, ce n’est pas parce qu’on a été en prison qu’on récidive, c’est parce qu’on a un profil de multirécidiviste qu’on va en prison. Et la France manque cruellement de places.
La prison favorise-t-elle la récidive ? C’est la très vieille question que l’on entend à nouveau après la parution jeudi 29 juillet d’une étude de la Chancellerie (disponible ici), selon laquelle près d’un tiers (31%) des personnes sorties de prison en 2016 ont de nouveau été condamnées par la suite pour une infraction commise dans l’année suivant leur libération. Aussitôt, certaines associations comme le « Syndicat des détenu(e)s de France » se sont emparées de ce chiffres pour affirmer sans nuance : « la prison ne sert à rien ! » On s’en doute, la réalité est bien différente.
31%… au moins !
Précisons d’abord que le chiffre de 31% est, par définition, inférieur au chiffre réel de la récidive au sens où on l’entend couramment. En effet, il ne porte que sur les personnes condamnées : il faut donc y ajouter les personnes interpellées mais non condamnées, et le nombre évidemment inconnu de toutes celles qui ont récidivé mais ne se sont pas faites prendre. Il faut donc dire en réalité : au moins 31% des sortants de prison récidivent dans l’année suivant leur libération.
C’est encore pire ! s’exclameront ceux qui par principe s’opposent à l’incarcération et promeuvent les fameuses « peines alternatives » – ce qui, est, rappelons-le, l’idéologie classique de la gauche, y compris des Gardes des Sceaux successifs de la majorité actuelle.
Eh bien non. L’étude, en effet, rappelle aussi ce que savent depuis longtemps tous les professionnels : « le risque de récidive augmente avec le nombre de condamnations antérieures » et « près de quatre sortants de prison sur cinq ont au moins une condamnation ou composition pénale inscrite au casier judiciaire dans les cinq ans précédant la condamnation qui les a menés en prison, et un sur quatre en a au moins cinq. »
Autrement dit, plus on a déjà été condamné plus on risque de récidiver, et il faut avoir été déjà condamné avant d’aller en prison. Mais les condamnations ne sont évidemment pas la cause de la récidive, elles ne sont que le révélateur d’une situation de fait, celle de ce qu’on appelle un délinquant d’habitude.
Un rite de passage?
Disons-le encore autrement : en France, l’institution judiciaire est connue pour les multiples avertissements qu’elle adresse aux délinquants avant de les sanctionner réellement. « On a tous droit à une quarante-cinquième chance ». Sauf crimes de sang ou situations exceptionnelles, pour que quelqu’un soit incarcéré il faut qu’il ait déjà un lourd passé derrière lui. En clair, il faut qu’il soit un délinquant d’habitude, c’est-à-dire quelqu’un qui a fait de la délinquance son mode de vie, et de la récidive une manière d’être. Pour lui, « récidiver » veut simplement dire reprendre sa vie d’avant en sortant de prison.
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Ce n’est donc pas parce qu’on a été en prison qu’on récidive, c’est parce qu’on a un profil de multirécidiviste qu’on va en prison. L’incarcération sert donc, au minimum, à mettre temporairement hors d’état de nuire des individus qui, dès qu’ils sont libres, se livrent à des activités de prédation au détriment d’autrui. Ce n’est pas tout, mais ce n’est pas rien.
C’est beaucoup du point de vue de la sécurité immédiate, bien évidemment. Mais c’est aussi fondamental en termes de dissuasion – à condition toutefois que la prison soit assez pénible pour n’être ni des « vacances », ni l’inconvénient accepté d’une vie de délinquance jugée à tout prendre préférable à une vie honnête – « certes, je passe du temps en prison, mais au moins quand je suis dehors j’ai la grande vie ! » – ni un simple rite de passage permettant d’être enfin considéré comme « un homme, un vrai » à la sortie.
Notre taux d’incarcération dans la moyenne basse
Rappelons à ce propos que la France incarcère peu par rapport à d’autres pays comparables : ainsi, elle est le 18ème pays d’Europe pour le nombre de prisonniers rapporté à sa population, alors qu’elle est le 7ème pour les tentatives de meurtre et le 2ème pour les blessures volontaires.
La prison est également nécessaire d’un point de vue éducatif : c’est ce que le Docteur Maurice Berger nomme la « butée » : empêcher physiquement le passage à l’acte. Impossible de résumer ici tous les travaux et toutes les préconisations de ce grand spécialiste des mineurs violents. Qu’il suffise de dire que ses analyses lucides et courageuses sont fondamentales pour comprendre la réalité actuelle de la délinquance, et pas seulement des mineurs. On peut notamment se référer à son livre le plus récent, Faire face à la violence en France.
Mettre une butée
Mettre une butée, c’est-à-dire empêcher le délinquant d’agir – par l’enfermement. Le sortir du quotidien dont la délinquance fait partie – non pas en le récompensant par des stages ludiques, mais en l’arrachant à ses habitudes et à son confort. Rendre l’autorité fiable, et donc la sanction systématique et prévisible – ce qui veut dire limiter drastiquement l’individualisation des peines. Augmenter considérablement le nombre de places de prison, admettre enfin que la sanction – une sanction réelle, une sanction perçue comme douloureuse par le délinquant – est une mesure éducative indispensable. Regarder en face la dimension éducative et donc culturelle de la délinquance, le lien entre délinquance et immigration que le gouvernement s’entête à ne pas voir – Gérald Darmanin, il y a tout juste un an, se disait « à 100 000 lieues » de faire un lien entre immigration et insécurité. Et du Code de la justice pénale des mineurs de mars 2019, Maurice Berger écrit, exemples et arguments à l’appui : « je n’ai jamais rencontré un tel texte, modèle de construction idéologique aussi inadapté à la réalité et aussi dangereux pour notre société. »
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Il est grand temps de cesser de croire que nous serions encore au temps de Zola et de Hugo, et que les délinquants seraient tous des Jean Valjean. À de très rares exceptions près, ce n’est pas la pauvreté, en France, qui pousse à la délinquance – et c’est faire injure aux véritables miséreux, majoritairement honnêtes, que de le prétendre. C’est bien plutôt l’habitude de l’impunité, qui conduit à adopter la délinquance comme « mode de vie choisi », selon la formule très juste de Maurice Cusson. Et très peu de délinquants seraient touchés par la générosité de l’évêque Myriel, la plupart ne comprenant que la loi du plus fort, la menace de la violence, et les risques pensant sur le confort dont ils bénéficient et auquel ils tiennent.
Regarder notre réalité en face, rétablir la peur du gendarme
Bien sûr, la prison n’est pas tout : les sanctions financières et l’expulsion des délinquants étrangers, en particulier, sont tout autant indispensables.
Mais le plus important, c’est de regarder la réalité en face : il ne s’agit plus aujourd’hui de corriger des écarts individuels dans une société paisible, mais de mettre fin aux déprédations et aux agressions massives auxquelles se livre une véritable contre-société qui profite du désarmement à la fois juridique et moral du pays pour le mettre à sac.
Pour citer encore Maurice Berger : « Dans certaines circonstances, seule la force physique au service de la force de caractère inspire du respect. » Oui, il faut avant tout reconquérir les territoires perdus – mais pas seulement eux. Il faut que partout sur notre sol un délinquant ait peur de se faire prendre ou surprendre par les forces de l’ordre, il faut qu’il les craigne physiquement. « Il faut un Etat plus fort que la loi du plus fort. »C’est une évolution dans nos pratiques, et une révolution intellectuelle nécessaire. Comme l’ont écrit François-Xavier Bellamy, David Lisnard et Hervé Morin, dénonçant l’attitude actuelle d’un État complaisant envers les délinquants et « en même temps » autoritaire envers les honnêtes gens : « Rétablir cette justice de la sanction systématique et proportionnée va créer des troubles face à des populations qui sont habituées à l’impunité. Nous en acceptons l’augure. Nous saurons y faire face. Le devoir politique est de l’assumer, d’y préparer l’opinion et de faire le travail. »
faire face à la violence en France: Le rapport Berger
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