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Alertez les bébés !


Alertez les bébés !

Le 4 février dernier Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Santé d’après mes fiches, donnait le coup d’envoi des Etats généraux de la bioéthique censés préparer, d’ici un an, la révision de la loi éponyme votée en 2004. Deux remarques liminaires : primo, on sait gré à Mme le ministre d’avoir évité, compte tenu de la gravité du sujet, l’appellation de « Grenelle de la bioéthique » qui lui pendait au nez… Secundo, et plus sérieusement, le seul fait que le cadre juridique fixé il y a cinq ans nécessite déjà une remise à plat montre à quel point la science progresse vite, en-ce-domaine-délicat-entre-tous-n’est-ce pas ? Bref, à la loi et à la morale de suivre : « Attrape-moi si tu peux ! »

À moi aussi de suivre les débats, puisque ma morale de vie (ma bioéthique à moi) a notamment pour objectif de ne pas mourir idiot – et, dans la mesure du possible, de vous en faire profiter… Certes j’aurais pu, pour me mettre à niveau, aller consulter le site etatsgenerauxdelabioethique.fr, ouvert tout exprès par le Ministère. Mais compte tenu de mes connaissances scientifiques (faibles) et de mes convictions religieuses (fiables), il m’a semblé plus approprié de visionner – pour vous et pour la multitude – le documentaire didactique et éclairant que KTO, ma chaîne catholique préférée, consacrait récemment à ce sujet.

Une fois n’est pas coutume : je suis pleinement d’accord avec Télérama pour féliciter les auteurs de n’être pas « partis d’emblée des textes sacrés ou du dogme ». Une telle démarche eût en effet donné à ce documentaire un caractère engagé qui ne s’impose pas, à l’orée du vaste débat national qui s’engage[1. Et au terme duquel la démocratie, c’est-à-dire l’UMP, c’est-à-dire Sarkozy, tranchera.].

En attendant, il n’est pas inutile de revenir sur la vision bioéthique dont la Bible est porteuse : le regard de l’homme de foi sur la condition humaine et son « infinie dignité » se situe très exactement aux antipodes de l’esprit de l’époque. (Une époque que, par parenthèse, je qualifierais volontiers de jouisseuse, matérialiste, raisonneuse et acéphale ; bref, une époque qui doute de tout, sauf d’elle-même.) Reste que l’intérêt de ce documentaire d’origine catho réside dans l’alternance heuristique (le « h » n’est pas nécessaire, me fait-on signe) de témoignages émanant d’hommes de science et de théologiens – sans parler de l’intergroupe … Et puis si, justement, parlons-en ! Thierry Magnin, à la fois physicien et vicaire général de Saint-Etienne, ne se contente pas de témoigner à ces deux titres dans le doc : il en est le co-réalisateur !

Pour autant, ce grand cumulard (devant l’Eternel !) n’en profite pas pour tirer la couverture à lui. On apprécie, au contraire, qu’il donne la parole à des scientifiques de haut niveau, au premier rang desquels Axel Kahn, mon chouchou. Frère de Jean-François le vibrion, Axel est aussi posé dans ses analyses que son cadet peut être véhément dans ses approximations. C’est un plaisir que d’entendre ce généticien poser pour nous en termes simples des questions terriblement complexes.

L’enjeu du débat, Kahn le précise d’emblée – et de la manière la plus objective qui soit : « Est-il légitime que la recherche scientifique aboutisse à la destruction de ce début de vie humaine qu’est l’embryon ? » En conscience, la réponse d’Axel est oui – mais un oui conditionnel et raisonné : la recherche sur certains embryons « voués à n’être jamais des personnes » est légitime, estime-t-il, dès lors qu’elle peut permettre de guérir demain des maladies jusqu’alors tueuses.

A l’inverse pour Mgr Barbarin, archevêque de Lyon, aucune espèce de compromis, quel qu’en soit le prétexte, n’est possible sur le caractère sacré de la vie, et pour une raison simple : « Elle ne nous appartient pas. » Pour lui c’est clair : « On n’a pas le droit de congeler des êtres humains. » Et il ne parle pas là d’ »Hibernatus » ; ça se voit à son regard sérieux. Le Monseigneur nous le rappelle au passage, utilement ma foi (!) : les manipulations génétiques, on sait quand ça commence, mais pas du tout comment ça finit… Suivez mon regard : l’Allemagne, « sans doute traumatisée par son passé », ne s’est-elle pas interdit toute forme de congélation d’embryons humains ? Bref, suggère l’archevêque, entre la thérapie génique et l’eugénisme nazi, il n’y a qu’un toboggan. En d’autres termes, comme le disait le regretté Pompidou[2. Citant, me semble-t-il le sapeur Camember.] : « Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. » Eh bien ces bornes, à en croire KTO, ont été fixées par la Bible qui, contrairement à la loi, n’est pas amendable : « Mon embryon, tes yeux le voyaient / Et sur ton livre mes jours étaient tous inscrits / Recensés avant qu’un seul ne fut. » (Ps 139)

Bien sûr, l’émission aborde, avec la même rigueur, plein d’autres sujets vitaux (c’est le cas de le dire). La « procréation médicalement assistée » ne semble pas, en théorie, poser de problèmes éthiques majeurs, même aux cathos pur porc. Reste la pratique : la F.I.V. d’accord, mais pour qui et pourquoi ? Xavier Lacroix, théologien et membre du Comité consultatif national d’éthique, est catégorique : « pour un couple » (marié, faut-il le préciser ?) Et Marie-Odile Rethoré, « généticienne chrétienne », d’enchaîner avec une rude philippique contre ce monde « festif » (coucou, Philippe !) où le désir d’enfant s’accompagne désormais du mot d’ordre « quand je veux, comme je veux et par tous les moyens ».

Troisième gros morceau du « paquet bioéthique », comme dirait Sarko : la gestation par autrui. Si j’ai bien suivi, tout le monde sont d’accord sur un point : moins les femmes ont d’utérus, et a fortiori d’ovaires, plus le recours à cette méthode s’impose comme la seule possible pour engendrer. Après, on entre dans les détails ; mais au fait, n’est-ce pas là que se cache le Diable ? Le documentaire (plutôt pointu, je vous avais prévenus) distingue ici deux cas. Soit le couple stérile peut néanmoins avoir « son » enfant à lui, en recourant à la FIV et à une « femme gestante » ; dans ce cas, on peut négocier. Soit il est nécessaire de recourir à une « mère porteuse » qui, tout en étant pleinement mère de l’enfant, doit s’engager à l’abandonner dès sa naissance. Et là, pour les théologiens, il y a comme un blème.

Last but not least, il y a les diagnostics prénatal et préimplantatoire. Résumons : autant le premier peut faire l’objet d’un consensus, si tout se passe bien ; autant l’autre pose un vrai problème aux croyants (toujours eux !) C’est le côté « eBay » de l’affaire qui coince, apparemment ! On fait péter une dizaine d’embryons, histoire de voir s’ils sont porteurs de l’anomalie génétique redoutée. Sinon, hop ! On sélectionne le plus classieux d’entre eux, et on le nomme « humain ». Quant aux autres, eh bien ils attendront des jours meilleurs dans l’azote liquide…

Tout le problème est donc de savoir quel statut la société entend donner à l’embryon : début d’être humain, rebut inviable, ou quoi ?… En très gros, deux attitudes s’opposent face au problème de la vie : « Puisque ce mystère nous dépasse, feignons d’en être les organisateurs », disent les scientifiques après Cocteau ; au contraire, « acceptons ce mystère comme tel », et donc n’y touchons point, répondent les théologiens depuis Dieu. Ben voilà, je m’en voudrais de vous en dire plus : vous avez les éléments pour juger, au moins autant que moi. Et vous êtes grands maintenant !



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