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Le passe sanitaire, la pensée magique en application

Une mesure perçue par beaucoup de Français comme une infantilisation supplémentaire


Le passe sanitaire, la pensée magique en application
Contrôle du QR Code à l'entrée d'un restaurant de Moscou, Russie, juin 2021 © Sergei Bobylev/TASS/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA30270456_000017

Après le port du masque en l’extérieur ou les incroyables attestations dérogatoires de sortie en début d’épidémie, le passe sanitaire se révèle surtout être un formidable outil de contrôle et de surveillance.


Le bruit excessif empêche la réflexion, c’est un fait. Actuellement, nous sommes, hélas, en pleine cacophonie névrotique ; entre les excentriques qui se comparent aux juifs sous Vichy, détourant sans honte aucune l’étoile jaune, et les autres zélés bien intentionnés, adeptes du « on ira piquer les non vaccinés jusqu’aux chiottes », nous frôlons l’hystérie collective. Dix minutes de visionnage d’une chaîne d’information en continu, ou un tour sur les réseaux sociaux, achèveront de vous en convaincre.

L’essentiel est invisible à la raison

Ce brouhaha incessant trouble la communication et brouille les esprits, il exclut toute discussion sereine ou rationnelle, entretient la confusion et la panique, mais plus que tout : il crypte l’essentiel de ce qui se joue sous nos yeux.

Dans les lignes qui suivent, ne sera évoqué aucun chiffre lié à l’épidémie, et aucun avis sur la vaccination (quasi) obligatoire ne sera donné. Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire ! Blague à part, premièrement, d’autres le font nettement mieux que moi, ensuite, ce n’est pas l’objet de ce billet.

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Le véritable souci ne réside pas dans le vaccin lui-même, les vaccins sont une magnifique avancée, comment ne pas se réjouir lorsque les cas liés au virus de la polio, si fréquents dans mon enfance algérienne, sont aujourd’hui presque inexistants ? Le véritable enjeu concerne surtout le fait de devoir scanner un QR code pour aller au théâtre, à la salle de sport, ou même pour acheter du PQ.

Quand la politique et la pensée magique se donnent la main

Le passe sanitaire, décrié quelques temps auparavant comme appartenant à la sphère des théories du complot, devient obligatoire. Ainsi, à compter du 21 juillet, pour pénétrer dans les lieux de culture et de loisirs accueillant au moins 50 personnes, il vous faudra dégainer votre smartphone, ou, pour les plus archaïques, un bout de papier prouvant que vous êtes soit vacciné, soit négatif au virus depuis moins de quarante-huit heures. Au mois d’août, l’usage et les restrictions liées au passe sanitaire s’étendront aux restaurants, cafés, bars, centres commerciaux, trains, avions, cars de longs trajets, maisons de retraite et hôpitaux… Sur le site officiel du gouvernement, on peut lire qu’une telle mesure « constitue un outil pour minimiser les risques de contamination par le virus, au moment où le pays s’engage dans la réouverture des établissements[…] Il est également utile pour faciliter les passages aux frontières, la plupart des pays demandant actuellement de fournir à l’entrée de leur territoire des documents faisant état d’un test négatif récent, d’une preuve de rétablissement ou d’un certificat de vaccination. »

On peut légitiment se montrer dubitatif et se questionner sur l’efficacité d’un tel dispositif. En quoi le fait de scanner un code QR minimiserait-il le risque de contamination ? D’autant plus que si la vaccination réduirait la propagation du virus, celle-ci n’empêche pas totalement sa transmission.

Quant au traçage des foyers épidémiques de malades, je serais très curieuse de voir les résultats, surtout que l’on nous serinait que les contaminations avaient essentiellement lieu au sein des cercles familiaux. Mais peut-être devrons-nous bientôt montrer le passe sanitaire avant les repas de famille…

Hocus pocus politique

Penser que ce dispositif pourrait réellement lutter contre la propagation du virus, relève de la pensée magique, c’est comme croire qu’une visite à la Mecque absout de ses péchés de l’année, ou qu’une génuflexion à Lourdes guérit l’arthrose, nous sommes dans le domaine de la croyance, celui de l’hocus pocus politique, celui de l’idéologie pure.

C’est exactement le même principe que le port du masque à l’extérieur, les mêmes qui ne « servaient à rien » au début de l’épidémie, y compris à l’intérieur, ou encore la fameuse « attestation de déplacement dérogatoire », à savoir des mesures cosmétiques dont l’efficacité est plus que discutable, mais qui ne laissent aucun doute sur leur nature véritable :  un outil de contrôle et de surveillance. J’entends déjà certains arguer que nous sommes déjà tracés via nos smartphones, que cela ne changera rien à l’état actuel des choses, sauf que cet argument est plus que fallacieux, j’ai la fâcheuse tendance d’oublier mon téléphone chez moi sans que cela ne m’émeuve outre-mesure ou limite mon mouvement de circulation !

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Et quid de la difficulté à appliquer un tel dispositif ? Ou encore du douteux mélange des genres ; faut-il s’attendre à ce que les restaurateurs, les guichetiers de théâtre, de cinéma ou de musée, les réceptionnistes des hôpitaux et des centres médicaux, soient amenés à faire des opérations de police avec contrôle d’identité et de passe sanitaire ?

Réductio ad antivaxum

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’une partie des Français ne soit pas très enthousiaste face à ces nouvelles mesures, voire nourrisse une méfiance sur le principe de vaccination obligatoire. Ces réfractaires sont au mieux, taxés de gamins gâtés, irresponsables et capricieux, et au pire d’ « antivax » incultes et friands des théories du complot.

Aussi, il devient aisé de balayer d’un revers de la main tout début de protestation ; le terme « antivax » renvoie systématiquement au champ lexical des théories du complot, cela revient à les mettre dans le même panier que les « platistes », rendant de cette façon leur discours inintelligible.

Or, beaucoup de ces prétendus « antivax » ont leurs carnets de vaccination à jour, voire ont déjà reçu leurs deux doses, mais demeurent vivement opposés au principe de passe sanitaire.

D’ailleurs, il y a fort à parier que les vaccinés refusant une troisième et quatrième dose finiront aussi par être traités « d’antivax ». Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?



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Prof contractuelle. Installée en France depuis l'an 2000, j'ai effectué un troisième cycle d'études littéraires à l'Université de Nice, je suis aussi auteur, traductrice littéraire et journaliste.

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