Une analyse du journaliste Yves Mamou, auteur de Dix petits mensonges et leurs grandes conséquences (L’Artilleur, mai 2021)
L’antisionisme qui submerge la gauche woke aux Etats-Unis a ramené sur le devant de la scène une question vieille comme le sionisme : l’antisionisme est-il le faux nez de l’antisémitisme ?
Le philosophe Vladimir Yankelevitch avait, l’un des premiers, pointé du doigt la malignité de l’antisioniste. « L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux » (L’imprescriptible, 1967). Plus près de nous, en 2017, à l’occasion de la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv à Paris, Emmanuel Macron avait déclaré : « Nous ne cèderons rien à l’antisionisme car il est LA forme réinventée de l’antisémitisme ».
Une analyse comparative pour clore un éternel débat
Chaque fois que l’antisionisme est soupçonné d’antisémitisme, le même flux de protestations, colères, dénégations surgit ! Les arguments des antisionistes se résument en deux points : ce n’est pas parce que l’antisionisme dissimule parfois (et même souvent) une haine des juifs à peine dissimulée qu’il faut s’interdire de critiquer le projet national juif. Le second point rejoint le premier : défendre les droits du peuple palestinien est une forme d’antisionisme qui ne relève pas de l’antisémitisme. Comme il est très difficile de démêler la critique légitime d’Israël de celle qui ne l’est pas, et comme les antisémites utilisent les mêmes arguments que les antisionistes, rien ne sert de raviver un débat bloqué.
Pour démontrer que l’antisionisme est une forme sophistiquée d’antisémitisme, il faut en effet procéder autrement, et se livrer à une analyse comparative de l’antisionisme et de l’antiracisme. Pas l’antiracisme de papa qui affirme que les Blancs sont supérieurs aux Noirs. Cet antiracisme-là a vécu. Ne reste aujourd’hui que l’antiracisme politique qui accuse les Français blancs nés en France d’être structurellement racistes parce qu’ils sont Blancs, ou qui les accuse de jouir sans entraves d’un invisible (pratique !) « privilège blanc », ou qui les accuse d’avoir fondé une société structurellement raciste.
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À partir de cet antiracisme-là, il est possible de porter un regard critique sur l’antisionisme qui s’est patiemment construit à partir de la fin des années 1960. Les travaux riches et méticuleux de Pierre-André Taguieff ont montré qu’à partir de la Guerre des Six Jours en 1967, une forme radicalement nouvelle d’hostilité aux juifs s’est mise en place. Les Juifs n’ont plus été accusés d’empoisonner les puits ou de fomenter la peste comme cela se faisait au Moyen Âge, ils n’ont plus été pointés du doigt comme des corrupteurs de la race, des déicides ou comme un peuple déchu ayant trahi la confiance de Dieu. Non, ils ont été accusés de construire un Etat intrinsèquement raciste qui excluait les Arabes, ils ont été pointés du doigt comme un État-apartheid, comme un État colonisateur de terres appartenant aux Arabes palestiniens. Le Juif n’a plus été criminalisé parce que le peuple auquel il appartenait était doté de caractéristiques criminelles, mais parce que son retour à une forme nationale pénalisait une autre aspiration nationale, jugée prioritaire, celle attribuée aux Palestiniens.
Nous sommes, au choix, des néonazis ou des néocolons
Bref, comme il était impossible à après la Shoah de se comporter à nouveau en nazis envers les Juifs, l’antisémite n’a pas eu d’autre solution que de nazifier les Juifs. C’est ainsi qu’est né l’antisionisme, ou plutôt c’est ainsi qu’est né le premier antiracisme. Il est même possible d’affirmer que l’antisionisme a été le prototype de l’antiracisme politique tel qu’il sévit aujourd’hui.
D’ailleurs, si on les compare point à point, l’antisionisme et l’antiracisme sont le calque l’un de l’autre. Leur premier trait de caractère commun est la victimisation. Tout comme l’antisionisme se porte en défense du Palestinien, l’antiracisme se porte en défense de la victime musulmane. La victimisation est au cœur de l’antisionisme / antiracisme. Dans le premier cas pour justifier l’éradication d’Israël, dans le second cas pour contraindre les Européens et notamment les Français d’accepter l’immigration musulmane de masse qui leur a été infligée par l’alliance de la gauche et des multinationales.
La victimisation du Palestinien par l’antisionisme et la victimisation du musulman par l’antiracisme n’ont pas seulement pour but de créer un courant de sympathie. L’antiracisme – tout comme l’antisionisme – a une fonction de criminalisation. Criminalisation d’Israël pour l’un et criminalisation des populations d’accueil de l’immigration musulmane pour l’autre (Français de souche, Américains Blancs de souche… etc) accusés de racisme structurel ou de racisme antimusulman (islamophobie). La force de cette criminalisation tient au fait qu’elle repose sur le souvenir de la seconde guerre mondiale. Les sionistes sont accusés de se comporter comme des nazis à l’égard des Palestiniens (à l’extrême gauche on parle même d’« extermination » d’une population palestinienne, laquelle a en réalité été multipliée par cinq en 80 ans) tandis que les Français ou les Américains sont accusés d’être « structurellement » racistes, soit la caractéristique première du régime nazi.
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La dimension coloniale est également au cœur de l’antiracisme et de l’antisionisme. Ce dernier accuse les sionistes de coloniser la Palestine et de se comporter en colons vis-à-vis des Palestiniens, tandis que l’antiracisme accuse les grands pays de l’Union européenne (Grande-Bretagne, France, Belgique, …) et aussi les États-Unis d’être des puissances impériales qui infligent (sur leur territoire national !) des discriminations de type colonial à leurs minorités ethniques.
Les droits de l’homme dévoyés
L’antiracisme et l’antisionisme donnent aussi lieu à des mises en scène politiques identiques. Longtemps, les Juifs d’Europe ont été accusés de tuer des enfants chrétiens pour imbiber leur pain azyme de sang d’enfant chrétien. L’accusation d’infanticide a été conservée, mais pour justifier des ruptures historiques. En 2000, la mort du jeune Mohamed al Durah, imputée aux soldats Israéliens et diffusée par les télévisions du monde entier, a été l’évènement déclencheur de la seconde Intifada, tandis qu’en 2015, la mort du petit Aylan Kurdi mort, devant les murailles de la « forteresse Europe », a justifié la plus importante vague migratoire de populations extra-européennes en direction de l’Europe.
Les ONG qui, au nom des droits de l’homme, accusent Israël de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » chaque fois que ce pays se défend contre une agression islamique, sévissent également en Europe. Ces mêmes ONG qui criminalisent le droit des sionistes à se défendre militairement contre le terrorisme, aident en Europe, les islamistes à promouvoir le signe islamique (voile, burqa…) dans la rue, dans les établissements publics (piscines) ou les entreprises… Toujours au nom des droits de l’homme, ces mêmes ONG se mobilisent également contre l’internement des fichés S les plus dangereux ou contre les quotas migratoires chaque fois qu’il est question de brider un tant soi peut, l’immigration musulmane vers l’Europe. Dans les deux cas, il s’agit de remplacer une population par une autre.
Au risque de lasser, on pourrait décliner à l’infini les points de similitude entre l’antisionisme et l’antiracisme. Mais avant de conclure, il importe de souligner la conséquence de ces similitudes. Dans l’histoire de l’humanité jusqu’à la première moitié du XXème siècle, l’antisémitisme n’a fait souffrir que les Juifs. À partir de la seconde moitié du XXème siècle, l’antisionisme, cette forme très particulière d’antisémitisme, a été élargie à l’ensemble du monde occidental. Tous les Blancs non-juifs qui tentent de défendre leur culture et leur identité sur leur territoire national sont aujourd’hui traités de « racistes ». Ils sont les sionistes d’Europe. Tous Juifs, en quelque sorte.
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