Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier… Les temps ne sont plus à la rigolade, prévient notre professeur préféré Jean-Paul Brighelli. Il y a un risque mesuré que l’alliance baroque entre Julien Bayou des Verts, Audrey Pulvar du PS et des Insoumis l’emporte.
Jean-Paul Huchon, quand il présidait aux destinées de l’Île-de-France, avait la main légère avec les subventions de moins de 50 000 euros, dont il arrosait nombre d’associations parfois fantaisistes. Et Valérie Pécresse, alors dans l’opposition, le lui reprocha vertement. Il s’en souvient sans doute, mais il ne lui en veut pas : il vient de lui apporter son soutien face à la liste conjointe d’Audrey Pulvar / Julien Bayou / Clémentine Autain.
Manuel Valls a certainement des défauts, ses allers-retours entre Barcelone et Paris ont fait jaser, mais il est un laïcard convaincu, comme le soulignait jadis le Comité Laïcité République. Et il soutient Valérie Pécresse dans l’élection de dimanche prochain — parce qu’il a remarqué que LFI et Jean-Luc Mélenchon se sont soumis aux islamistes, sous prétexte de lutter contre les discriminations.
Voici donc Valérie Pécresse soutenue par ses anciens adversaires d’hier. Elle n’a pourtant pas changé, elle ne s’est alliée ni à Macron, grand débaucheur de Républicains, ni à ses premiers ministres, issus pourtant de son propre parti.
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Je sais deux ou trois choses sur Pécresse, pour avoir co-écrit un livre avec elle, du temps où elle était ministre de l’Enseignement Supérieur — avec un tout petit peu plus de classe que Frédérique Vidal… Je sais par exemple qu’elle n’est pas de gauche. Comment donc se fait-il que des hommes de gauche — Huchon a été la doublure de Rocard, Valls n’a jamais transigé avec les principes laïques, ce qui n’a pas été le cas de tous les élus de son parti — soutiennent une libérale pur jus ?
C’est que le monde a tourné, et que la gauche d’hier — une partie d’entre elle au moins — campe aujourd’hui sur les terres marécageuses du communautarisme, de l’intersectionnalité, de l’islamo-gauchisme et de l’idéologie verte, qui n’a rien à voir avec les réalités de l’environnement.
Sur le terrain de la laïcité, Pécresse n’a jamais dévié du principe républicain : la République ne reconnaît et ne subventionne aucun culte. Surtout ceux qui flinguent des journalistes, assassinent des prêtres, massacrent des foules, et égorgent des enseignants. Alors que la gauche, pour séduire ce nouveau prolétariat, après avoir sacrifié l’ancien, selon le plan mirobolant de Terra Nova, fait cause commune avec des organisations sectaires, et pour séduire des jeunes qu’elle a largement contribué à décerveler, se rapproche des écologistes déclinistes. Marx, reviens, ils sont devenus fous !
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D’où les déclarations des plus sincères des ex-socialistes. Constatant le tournant mortifère que prend leur parti, ils préfèrent encore franchir le Rubicon que donner la main à des gens qui font des risettes aux complices des égorgeurs.
Ils ne sont pas les seuls. Raphaël Enthoven, évoquant l’hypothèse improbable d’un match final Mélenchon / Le Pen, a avoué qu’à la onzième heure, il irait furtivement voter pour la présidente du RN. Tollé chez les sociologues du Quartier Latin, les meilleurs de France, comme chacun sait. Ils n’ont pas compris que le philosophe avait vu avant eux le monde tourner dans le mauvais sens. Rester fidèle à ses convictions, ces temps-ci, revient à se faire rattraper sur sa droite. Tant pis. Je sais que Pécresse ne rouvrira jamais de goulags — elle a voyagé ado en URSS, elle sait ce que c’est que le paradis brejnévien.
Tout comme elle sait ce qu’est le monde dont rêve Clémentine Autain ou Julien Bayou (étant entendu qu’Audrey Pulvar n’est là que comme complément de boboïtude). Les municipalités dont des citoyens mal informés ont confié les clefs aux écolos voient déjà ce qu’il en est. J’en ai fait il y a deux mois un petit billet qui se voulait humoristique.
Mais les temps ne sont plus à la rigolade. Il y a un risque mesuré de révolution dans la région la plus peuplée de France. À vous de voir ce que vous voulez : des améliorations mesurées à la hauteur d’un budget raisonnable, ou des improvisations folles au gré d’alliances nauséeuses.
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