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Debbie Hayton: trans d’un autre genre

Changer de genre n'est pas un jeu d'enfant


Debbie Hayton: trans d’un autre genre
Debbie Hayton © D.R.

Née homme en Angleterre, il y a cinquante-deux ans, Debbie Hayton est aujourd’hui une femme, membre du Parti travailliste et du bureau national du deuxième syndicat d’enseignants de son pays. Cela ne l’empêche pas de dénoncer l’idéologie transgenre, le militantisme dogmatique qui récuse la biologie et qui réduit tous ses adversaires au silence. Elle n’a pas que des copines.


La question transgenre occupe le débat sur les minorités sexuelles. Parmi les disgrâces contemporaines, le délit de transphobie supplante désormais tous les autres. Alors mieux vaut surveiller son langage. Dans ce contexte, la voix de Debbie Hayton, dépourvue de préjugé idéologique ou esprit de corps, détonne. Debbie Hayton, 52 ans, est une trans femme (1). Née homme, elle a entrepris une chirurgie de changement de sexe en 2012 et modifié son identité. Depuis vingt ans, elle enseigne la physique dans le même lycée de Birmingham (Royaume-Uni) où ses élèves ont vu Monsieur devenir Madame. Elle est membre du Parti travailliste ainsi que du bureau national du syndicat d’enseignants NASUWT. Debbie Hayton intervient régulièrement dans les médias britanniques, inquiète de la dérive du militantisme transgenre qui s’en prend à la liberté d’expression et usurpe les droits des femmes.

Causeur. Vous avez changé d’identité mais vous vivez avec la mère de vos trois enfants. Un modèle de famille nucléaire ?

Debbie Hayton. Lorsque j’ai changé d’identité, nous étions mariés depuis dix-neuf ans. Pour moi ce fut une libération, pour Stéphanie, ma femme, ça a été très dur. On a réussi à traverser cette épreuve ensemble. Notre plus jeune garçon a dix-huit ans et vit encore avec nous ; les deux autres sont de retour à la maison pour les cours d’université en ligne.

Votre désir de devenir une femme a-t-il été inspiré par la théorie du genre, la littérature de Judith Butler ou Monique Wittig ?

Je n’avais jamais rien lu de tout ça. Je souhaitais avoir le corps d’une femme, c’est tout. J’ai compris a posteriori que j’étais autogynéphile, une forme d’excitation sexuelle liée au fait de s’imaginer en femme qui, à mon avis, concerne la plupart des trans femmes. J’étais convaincue d’être une femme dans un corps d’homme, ce qui peut sembler étrange pour une scientifique. J’avais la certitude que modifier mon corps résoudrait mes problèmes psychologiques. Et ça a marché ! Cependant, cela a perturbé mon entourage, un aspect qu’il ne faut pas négliger. Trop souvent, les transgenres pensent à eux-mêmes et oublient leurs proches.

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Les militants transgenres tendent à gommer l’aspect érotique de la question. Pourquoi ?

D’abord, pour se présenter comme des victimes. La victimisation confère une forme de pouvoir : celui qui subit la fatalité doit être soutenu par la société. Or un fantasme sexuel n’est pas une malédiction. Ensuite, ce n’est pas une sexualité facile à assumer. L’habiller avec le vocabulaire du genre et désexualiser la chose atténue la honte. Mais cela nous détourne des vraies questions, les seules qui vaillent : pourquoi devient-on transgenre ? D’où vient ce besoin irrépressible d’altérer son corps ? Il faut explorer ces questions de la façon la plus ouverte possible au lieu de les instrumentaliser à des fins politiques. C’est comme ça qu’on aidera les transgenres.

Sait-on combien de transgenres compte la population ?

L’ONS (l’office national de statistiques au Royaume-Uni) estimait la population LGBT à 2 % en 2017 (contre 1,5 % en 2012). Pour le recensement lancé ce printemps, on doit répondre aux questions « Quel est votre sexe ? » (n° 3) et « Avez-vous une identité de genre différente de votre sexe à la naissance ? » (n° 27). Je répondrai sexe masculin, genre féminin. Hélas, les activistes ont annoncé qu’ils indiqueraient leur sexe en conformité avec leur genre, nous privant d’une information précieuse. Aux États-Unis, un sondage récent Gallup 2020 estime à 5,6 % la part de la population LGBT (86,7 % hétérosexuels, 7,6 % ne répondent pas) contre 4,5 % en 2017. Mais si l’on prend la tranche d’âge 18-24 ans, 15,9 % se disent LGBT dont 1,8 % transgenres (dix fois plus que dans ma tranche d’âge). Peut-être est-ce un effet de mode dû à l’attractivité des prides arc-en-ciel. Espérons seulement qu’ils ne modifient pas leur corps alors qu’ils sont trop jeunes pour prendre des décisions irréversibles.

Pourquoi êtes-vous intervenue dans le débat public ?

Jusqu’à présent, pour changer de sexe à l’état-civil, il fallait avoir pris un traitement hormonal ou subi une opération et avoir l’aval d’un psychologue. Les militants ont réclamé l’auto-identification, un régime purement déclaratif. Changer de sexe est un acte protégé par la loi, grâce à quoi j’ai pu garder mon emploi. Changer d’identité de genre relève du pur sentiment. La loi peut réglementer les actes, pas les sentiments. C’est pourquoi en 2016, j’ai écrit contre cette réforme qui allait, selon moi, compliquer l’insertion des transgenres dans la société. J’ai été immédiatement blacklistée. Je ne disais pas ce qu’on attendait de moi. Heureusement, l’auto-identification n’est pas passée.

Pouvez-vous préciser la nature du problème ?

Si un homme peut se décréter femme, les droits des femmes n’ont plus de sens et cela pose de graves problèmes dans les lieux réservés aux femmes. Karen White, un homme habillé en femme, inculpé pour pédophilie et viols, a été admis dans une prison pour femmes et a agressé sexuellement deux codétenues. En Irlande, ces jours-ci, se pose le cas de Barbie Kardashian (nom de naissance Alejandro Gentile), un homme qui se sent femme, lui aussi accusé de violences sexuelles et qui a tenté de tuer sa mère. Selon son avocat, Barbie Kardashian ne supporterait pas une prison pour hommes. Des refuges pour femmes battues risquent de perdre leurs subventions s’ils refusent d’accueillir des trans femmes. Résultat, des femmes victimes de violences conjugales vont devoir cohabiter avec des hommes…

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Les militants ne sont pas les seuls sur ce terrain. Pour l’ONU, comme pour Joe Biden, une femme trans est une femme. À l’occasion du mois LGBT, le maire de Londres Sadiq Khan a tweeté : « Les trans femmes sont des femmes, les trans hommes sont des hommes, les non-binaires sont non binaires, toutes les identités de genre sont valides. » 

C’est absurde ! Ce n’est pas parce que quelqu’un de haut placé répète une ineptie qu’elle devient vraie. Une trans femme est un homme. C’est le premier critère de définition d’une trans femme. Tout homme peut devenir une trans femme. Vous qui êtes une femme, vous ne pourrez jamais devenir une trans femme. On peut se demander pourquoi nos dirigeants prennent pour argent comptant ces mantras. Je crois que c’est pour être gentil, faire preuve d’empathie envers les « victimes ». Ils ne s’interrogent pas sur les conséquences de leur « gentillesse ». Et qui les contredit passe pour une brute.

Vous rappelez à l’envi qu’il existe deux, et seulement deux, sexes biologiques. Qu’est-ce qu’être « non binaire » ?

Il ne faut pas confondre sexe et genre. L’espèce humaine se caractérise par un dimorphisme sexuel. On est d’un sexe ou de l’autre, masculin ou féminin. Le genre est un spectre entre masculinité et féminité, on est tous un mix des deux, plus ou moins viril, plus ou moins féminin. De ce point de vue, on est tous non binaires. Mais personne n’est sexuellement non binaire, ça n’existe pas ! Même parmi les cas rares d’intersexués. Le syndrome de Turner (des femmes avec un seul chromosome X) : ce sont des femmes. Le syndrome de Klinefelter (des hommes avec un chromosome X en plus) : ce sont des hommes. Les SICA (syndrome d’insensibilité complète aux androgènes) peuvent être considérés comme masculins du fait de leurs chromosomes XY, ou féminins parce que leur corps, d’apparence féminine, est insensible à la testostérone. Mais ils sont l’un ou l’autre ; il n’y a pas d’autre sexe possible.

Vitit Muntarbhorn, professeur de droit et expert indépendant à l’ONU, prononce le discours d’ouverture d’une conférence célébrant les dix ans des « principes de Jogjakarta », Bangkok, 26 avril 2017 © United Nations Development Programme/Asia Pacific Forum

Qu’est-ce que l’idéologie transgenre ?

C’est un dogme, quasi religieux, qui récuse la biologie : femmes et hommes se distinguent, non par le sexe, réalité objective, mais par le genre, qui relève du registre psychologique. Le genre définit le sexe. Cette idéologie exerce une influence incommensurable sur nos institutions ! Ça a commencé en 2006 lors d’une conférence à Jogjakarta, en Indonésie. Des professionnels des droits de l’homme se réunissent dans un endroit exotique, probablement tous frais payés, et rédigent les « Principes de Jogjakarta sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre ». Ces principes sont présentés à l’ONU. Ils intègrent le droit international, puis le droit européen, en dehors de tout contrôle démocratique. Et ils deviennent dans tous les pays des impératifs moraux. Un jour on regardera notre époque avec consternation.

Sans surprise, cette idéologie entend réduire tous ses adversaires au silence.

Faits contre sentiments, le débat est inégal. Un ressenti, ça ne se discute pas. D’où l’hystérie des militants. Accusée de transphobie, Selina Todd, professeur d’histoire moderne à Oxford et féministe, a reçu des menaces d’une telle violence que l’université lui a payé deux gardes du corps. J. K. Rowling a reçu des menaces de mort pour avoir affirmé qu’il existait deux sexes biologiques ; des furieux ont appelé à brûler ses livres. Rowling ou Todd peuvent se défendre. Pas ceux qui se font licencier pour un tweet s’écartant du catéchisme transgenre. Ils sont attaqués par des meutes qui prennent soin de citer leur employeur. Lequel, pour éviter les ennuis, limoge l’hérétique. 

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Dans le mouvement des droits civiques, les minorités réclamaient des droits pour elles-mêmes. Aujourd’hui, elles exigent des interdictions pour les autres, allant jusqu’au contrôle du langage. Le mot « femme » est devenu problématique. Dans un projet de loi sur les congés maternité, on parlait de « personne enceinte » et non de « femme enceinte » pour ne pas froisser les transgenres.

Il me semble que ce mouvement a été impulsé par des hommes. Avec la parité, ils avaient perdu leur monopole politique. Aujourd’hui, ils peuvent prendre la place des femmes. Au Parti travailliste, les listes de candidatures féminines sont maintenant ouvertes aux trans. Lorsque cette mesure a été adoptée, David Lewis a présenté sa candidature, arguant qu’il se sentait femme tous les mercredis. Il a été exclu du parti… Connaissez-vous Pips Bunce, directeur au Crédit Suisse ? Voilà un homme qui va travailler certains jours habillé en femme, certains jours habillé en homme. Il a été distingué sur une liste du Financial Times qui récompense les 100 meilleures femmes d’affaires du Royaume-Uni ! Il faut du cran de la part d’un homme pour s’habiller en femme. Il en faut encore plus pour s’habiller en femme en admettant qu’on est un homme.

Vous ferraillez contre le lobby trans au sein du Labour. Êtes-vous entendue ?

Je suis en contact avec plusieurs députés, je ne peux pas les citer, ils risqueraient de perdre leur siège. Vous savez, sur ces questions, 95 % des gens n’ont pas d’opinion, tandis que 5 % sont très impliqués et décidés à faire la loi. Personne n’a envie d’être traité de transphobe. Du coup, les politiciens disent ce qu’on veut qu’ils disent. Ils ne voient pas que ces « progrès » se font au détriment de trois groupes particulièrement vulnérables : les femmes, qui voient leurs droits reniés ; les enfants, à qui on ment en leur racontant que s’ils n’aiment pas leur corps, ils peuvent en changer ; enfin, les transsexuels eux-mêmes qui jusque-là vivaient tranquillement et suscitent aujourd’hui la méfiance légitime des femmes qui voient des minorités actives envahir leur espace.


(1) . Une trans femme est un homme qui se sent femme. Un trans homme est une femme qui se sent homme. Une trans femme est un homme qui se sent femme. Un trans homme est une femme qui se sent homme.

Juin 2021 – Causeur #91

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste

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