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Le tonton flingueur du gastronomiquement correct


Le tonton flingueur du gastronomiquement correct

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Imaginons un lecteur qui n’ait jamais ouvert Marianne de sa vie ou qui n’ait jamais eu la curiosité de lire les pages « Savoir-vivre » de cet hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn. En terminant le Dictionnaire impertinent de la gastronomie, il penserait certainement que passer ses vacances avec Périco Légasse doit relever de l’exercice ennuyeux : « Ne mange pas ça, c’est de la merde! » ; « Mais tu as acheté ça où ? » ; « Ce n’est pas du camembert, ça, c’est du pneu ! » ; « Irresponsable ! Tu encourages le productivisme… » etc. Ce lecteur se fourvoierait, car l’habitué de la chronique de Légasse sait, depuis quinze ans, que celui-ci quitte la plupart du temps les habits du proc’ pour se muer en avocat des bonnes adresses.[access capability= »lire_inedits »] Celui qui a vu les émissions de télévision où intervient le journaliste basque sait aussi qu’il lui arrive d’être extrêmement positif dans ses jugements.

Ce n’est pas la caractéristique de ce livre où l’auteur lâche ses coups à la manière de Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs. La FNSEA, le Guide Michelin, la cuisine moléculaire, Gault et Millau, Carrefour, Lactalis, « Topchef » et bien d’autres sont ainsi dispersés façon puzzle. Certes, le genre dictionnaire (celui-ci compte plus de 250 entrées) dont Jean-François Kahn, le maître de Périco Légasse, s’est fait une spécialité, vire souvent au jeu de massacre. Mais à travers les nombreux coups de gueule qui jalonnent l’ouvrage, ce qui apparaît en filigrane, c’est la politique. À vrai dire, je n’ai pas lu livre plus politique depuis des mois − voire des années − que cet ouvrage où Périco Légasse ne propose à son lecteur rien de moins qu’une conception de l’homme et de la société. « on est ce qu’on mange », répète t-il à plusieurs reprises, expliquant que nous votons en faisant nos courses, en nous mettant aux fourneaux ou en réchauffant un plat au micro-ondes.

Et ce suffrage, pour Périco Légasse, change plus nos existences que celui que nous exprimons dans l’isoloir. Pas seulement lorsque, à titre individuel, nous évitons de nous empoisonner ou de devenir dépendant au sucre avec les produits de l’industrie agro-alimentaire, mais aussi lorsque que nous défendons collectivement les richesses d’une civilisation. Qu’on se le dise ! Pour Périco Légasse, l’identité nationale n’est pas un débat illégitime, au contraire ; mais pour lui, son avenir se joue davantage à la cuisine qu’en préfecture.[/access]

Dictionnaire impertinent de la gastronomie, Périco Légasse (éditions Bourin), 22 euros.

Décembre 2012 . N°54

Article extrait du Magazine Causeur



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