Pour le profane, c’est une boucherie. Pour le fervent, la corrida est ce par quoi tout devient vrai – un art, une religion. Pas de réconciliation possible !
Je professe envers les défenseurs de la cause animale, et notamment le « Front de libération de la Langouste [1] », un respect convenable mais primo j’adore le paso-doble, secundo je me méfie de ceux qui veulent à tout prix, outre proscrire la mayonnaise, nous priver des douleurs et supprimer le tragique. C’est pourquoi je suis favorable aux courses de taureaux étant par ailleurs fermement opposé aux sacrifices humains.
Ai-je tort ? Je le crains. On ne va pas se mentir, l’afición est une addiction, un vice, une passion comme l’or, la roulette russe ou le tabac. Pire ? Oui, car la corrida exige de la lumière et du sang, elle cumule le raffinement et la sauvagerie, elle sollicite les clameurs de la foule… à cinq heures de l’après-midi – a las cinco de la tarde ! On a le droit de préférer le tiercé, le vélo ou la pêche à la ligne.
Où est l’animalité, dans l’homme ou dans la bête ?
Ce que j’aime dans la corrida, c’est que ce n’est pas très gai. Car la cape, la muleta, est un suaire, un linceul. On immole un animal ahuri devant la foule, on en jouit et l’on transfigure en la parant d’un attrait magique une tuerie. Est-ce fascinant parce que le taureau reçoit sa mort comme un sacrement ? Peut-on justifier cela ? Non, on ne le peut pas. Aucun argument
