Travaillée par des contradictions idéologiques, électoralement aux fraises, la gauche française continue pourtant à débattre, ce que ne font plus ni le macronisme ni la droite de plus en plus à droite et persuadée d’incarner le nouvel empire du bien…
La gauche ne va pas fort, ce n’est un secret pour personne, même pas elle-même. Les lecteurs de Causeur seraient étonnés par la lucidité désabusée de l’électeur de gauche. Il a bien vu que la dernière marche contre l’extrême-droite, à l’appel d’une centaine d’organisations et de syndicats, n’a réuni finalement que de bien maigres troupes et que les sondages pour les prochaines régionales la donnent à un niveau historiquement bas.
Un exemple parmi d’autres : dans les Hauts de France, un cas unique où la gauche a réussi à partir unie sous la houlette de Karima Delli, qui a réuni dans une seule liste les Verts, les Insoumis, les Socialistes, Génération(s) et le PCF, plafonne à 20%, derrière Xavier Bertrand, ex-LR, président sortant et de Sébastien Chenu, député du RN qui se tiennent au coude à coude. C’est d’autant plus surprenant que la gauche, dans les Hauts-de-France, au moins dans la partie Nord-Pas-de Calais, a longtemps été hégémonique, jusqu’à une date récente.
Deux gauches irréconciliables?
La gauche, dans les Hauts-de-France comme dans le reste du pays, se retrouve à peine en mesure de peser sur les seconds tours des prochaines régionales et est mal partie pour arriver en finale à la présidentielle.
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Il y a, à cela, des raisons multiples, structurelles et conjoncturelles. Pour les raisons structurelles, il y a de fait, deux gauches qu’il va être compliqué de réunir pour des raisons idéologiques, deux gauches irréconciliables aurait dit Manuel Valls, mais pas pour les raisons imaginées par lui. Les deux gauches de Valls étaient celles que séparait un mur entre une gauche convertie au libéralisme identitaire et sécuritaire, et une gauche de rupture qui veut, à défaut de rompre avec le capitalisme, limiter au maximum le périmètre du marché pour laisser aux Français des « communs », c’est-à-dire des secteurs de l’économie qui ne sont pas là pour générer du profit, mais pour être au service de tous et dont le critère n’est pas la rentabilité mais le service rendu de manière égalitaire : l’éducation, la santé, la protection sociale, les transports et dans une moindre mesure le crédit sont là pour rendre service, pas pour enrichir des acteurs privés.
Ce clivage n’existe plus, la gauche valsienne a fait le lit du macronisme en ne misant plus sur le social mais sur le sociétal. Pas question d’augmenter les salaires mais pour le reste, le mariage pour tous, la PMA, l’euthanasie ne sont pas un problème. L’utopie du macronisme, c’est un startupeur gay et un auto-entrepreneur Deliveroo qui aura l’impression d’être libre parce qu’il pourra fumer un joint entre deux livraisons de sushis. Ceux-là, d’une manière ou d’une autre sont passés au macronisme et, de fait, ne sont plus de gauche parce qu’ils tolèrent, par exemple, un Darmanin à l’Intérieur qui manifeste avec sa propre police devant le Palais Bourbon. Le PS, ou ce qu’il en reste, peut être ainsi qualifié de gauche puisque ses élus et ses militants sont restés dans la « vieille maison » chère à Léon Blum et n’ont pas cédé aux sirènes du macronisme.
La lutte des classes remplacée par l’intersectionnalité
Non, les deux gauches irréconciliables d’aujourd’hui ont des divergences de fond, pour aller vite entre ceux qui ont remplacé l’intégration par l’indigénisme et la lutte des classes par l’intersectionnalité. Pourquoi croyez-vous, par exemple, qu’il y a une candidature Fabien Roussel pour le PCF, distincte de celle de Mélenchon et de LFI ? C’est que Roussel veut recentrer le débat sur la question sociale alors que Mélenchon, ou au moins une partie de ses troupes, ne veut plus envisager les classes dominées que sous l’angle ethnique, confirmant ainsi, par une certaine ironie de l’histoire, les analyses de Terra Nova.
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Face à une droitisation de l’ensemble de la société française bien aidée par Macron lui-même mais aussi les intellectuels organiques de la droite dure qui ont table ouverte sur certaines chaines infos, une gauche ainsi divisée ne peut plus grand chose. On tourne en dérision, une dérision parfois haineuse, à chaque instant ou presque, son désir d’égalité sociale, de redistribution des richesses, de luttes contre les insécurités sociales, qui valent bien l’insécurité culturelle ou l’insécurité tout court. On se souviendra ainsi que les revendications des gilets jaunes, et leur souffrance, tournaient beaucoup plus autour des histoires de fin de mois impossible que sur l’immigration, les cités qui craquent, l’islamisme qui gagne.
L’arrogance passe à droite
La gauche, incertaine, divisée, affaiblie a pourtant quelques espoirs pour peu qu’elle sache les discerner. En face, la droite est tellement devenue de droite, s’est tellement persuadée avec une arrogance rare qu’elle avait raison, forcément raison, contre les bobos et les « bien pensants », comme elle dit, qu’il va finir par lui arriver ce qui est arrivé à la gauche il y a trente ans : se persuader qu’elle a le monopole de la raison, du cœur et de tout le reste ,et que cette gauche multiple, contradictoire, a forcément tort pas essence. La droite finit par être le nouvel empire du bien, celui qui « comprend les gens ».
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Je ne sais pas si à moyen terme ses certitudes figées, son entre-soi, ne seront pas sa perte comme cela a été la perte de la gauche. Une gauche aujourd’hui faible, contradictoire, mais qui bouillonne, mais qui débat, et qui finira bien par trouver, pas pour les prochaines échéances mais la fois d’après, une forme d’union qui sera toujours moins baroque et incertaine que, par exemple, la nouvelle coalition de la Knesset qui vient de renverser Netanyahu.
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