La « PMA pour toutes » a été validée à l’Assemblée nationale mardi 8 juin, où le texte était étudié en troisième lecture. Son adoption définitive est fixée au 29 juin après un dernier passage au Sénat le 24 juin. Ce sera donc la fin de plusieurs navettes parlementaires débutées en automne 2019. Cela fait neuf ans que cette loi de « PMA pour toutes » était envisagée, sans cesse repoussée. Embarrassant la majorité, le député Jean-Louis Touraine envisage déjà d’aller plus loin.
Célibataire, lesbienne en couple ou solo, toutes les femmes auront désormais la possibilité d’accoucher d’un enfant, à l’aide de l’insémination artificielle et de la fécondation in vitro. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la « PMA pour toutes » est largement plébiscitée par la population française selon un sondage IFOP. Cette PMA élargie aux couples de lesbiennes et aux femmes seules est soutenue par la gauche et la majorité ; elle sera remboursée par la Sécurité sociale.
Olivier Véran enthousiaste
« J’espère que la loi sera adoptée et promulguée d’ici l’été » a déclaré Marlène Schiappa sur BFM TV le 7 juin. Des premiers bébés PMA à partir de la rentrée sont même souhaités par Olivier Véran, du moins les premières inséminations…
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La majorité des députés LR fustigent la conception de futurs « orphelins de père » et appréhendent un dérapage « inéluctable » vers la légalisation de la GPA (gestation pour autrui par mère porteuse) en France. À l’appel du collectif La Manif pour tous, environ 200 opposants au projet de loi bioéthique se sont réunis, lundi et mardi, près de l’Assemblée nationale. « Si on commence là-dessus, où est-ce qu’on va finir ! » s’exclamait une manifestante.
1800 amendements ont été déposés sur le projet PMA dont les 2/3 par des députés LR. En vain. Parmi ces députés LR, un petit quarteron de résistants : Xavier Breton, Julien Ravier, Marc Le Fur et Anne-Laure Blin sont devenus les champions de l’obstruction de ces projets sociétaux. Leur spécialité est de déposer une montagne d’amendements pour repousser les textes. Ainsi, le délai d’avortement de 12 à 14 semaines n’a pas été adopté. Sur « la fin de vie choisie », Olivier Falorni (Parti radical) était alors monté au créneau pour dénoncer cette méthode d’obstruction.
Domino Day
Le 3 juin, Julien Ravier s’adressait à Jean-Louis Touraine dans l’hémicycle : « Il faudrait nous éclairer, monsieur le rapporteur, parce que ce que vous venez de dire semble en contradiction avec les propos que vous avez tenus tout à l’heure sur la GPA. Nous pensons, pour notre part, que si vous ouvrez la procréation médicalement assistée aux couples de femmes, il y aura inévitablement des couples d’hommes qui feront la même demande au nom de l’égalité devant le droit à l’enfant – ce qui suppose de recourir à la GPA. Par un effet domino, vous serez donc contraints d’autoriser celle-ci, ce qui va à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant, parce que l’intérêt supérieur de l’enfant est d’avoir un référent paternel et un référent maternel. »
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Jean-Louis Touraine, quant à lui, assume totalement cette volonté politique d’adopter la GPA comme suite logique à la PMA pour toutes les femmes. Rapporteur du projet de loi bioéthique, il est à l’origine de l’amendement sur la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger. Selon lui, ce serait discriminant pour les couples d’hommes de ne pas avoir de « droit à l’enfant ». Ce professeur de médecine, membre du Grand Orient de France, ne rate pas une occasion de s’affranchir de la ligne de l’exécutif sur ce sujet sensible. Alors que le gouvernement se prête à un exercice d’équilibriste pour contenir les opposants, le député du Rhône multiplie quant à lui les interventions progressistes. Jean-Louis Touraine assume la théorie des dominos dans les « avancées » bioéthiques. Il a affirmé à l’Assemblée le 3 juin : « Certes, une loi de bioéthique n’est qu’une étape ; elle sera suivie par d’autres dans le détail desquelles il ne nous appartient pas d’entrer […] Quoi qu’il en soit, n’ajoutons pas du retard au retard. Dans sept ans, dans dix ans, il y aura d’autres étapes. » Après la PMA pour toutes, il y aurait donc la PMA post-mortem et il ne doute pas que ses successeurs sauront s’emparer de la GPA.
Castaner embarrassé
Alors que Nicolas Demorand l’interrogeait ce matin sur France Inter Christophe Castaner a semblé gêné.
« Après la PMA, la GPA ? Christophe Castaner, vous partagez la théorie des dominos ? » Le président du groupe LREM à l’Assemblée s’est réjoui de l’adoption de « la PMA pour toutes » mais a en revanche déclaré qu’il n’adhérait pas à la théorie des dominos et à la légalisation prochaine de la GPA en France : « Je suis le président du groupe et je peux vous donner la position du groupe qui n’est pas du tout favorable à la GPA pour une raison simple c’est que c’est la commercialisation du corps, ce qui n’a strictement rien à voir avec la PMA ».
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Dans un entretien publié le 7 juin dans Le Figaro, Didier Sicard, médecin et ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a porté un regard critique sur la révision de la loi de bioéthique. « Ce n’est pas de la bioéthique, c’est du théâtre… Je suis attristé de voir ces sujets de bioéthique traités comme une réforme sur les finances publiques ou la sécurité routière. Ils soulèvent des questions fondamentales qui ne peuvent pas être traitées à coups de vociférations. » Au nom de l’égoïsme et de choix personnels, est-on prêt à sacrifier sans trop réfléchir aux conséquences le bien-être et l’équilibre des enfants de demain ? À quand les débats sur la GPA ?
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