L’avenir les inquiète, le passé les rassure, le déclin les hante. Si les Français se passionnent pour leur histoire, ce n’est pas pour comprendre le présent, c’est parce que c’était mieux avant depuis toujours !
Je vous parle d’un pays lointain.
Ses habitants sont les plus intelligents, les plus riches et, on ne sait pourquoi, les plus malheureux du monde. Dans leur suffisance infinie, ils se croient seuls sur terre, ils n’ont d’ennemis qu’eux-mêmes. Contrairement aux Austriaques et aux Estivaldins – des peuplades voisines qui sans être barbares leur restent terriblement étrangères –, ils ne sont ni du Nord ni du Sud, ils sont situés au centre du monde civilisé, avec vue sur la montagne ou sur la mer ; ils sont convaincus depuis longtemps que leurs frontières, dictées moins par l’histoire que par leur destin, dessinent un hexagone, c’est-à-dire les contours d’un espace mental.
Vu de loin, depuis la Russie ou la Chine, leur pays n’est qu’un isthme, un cap, une contrée minuscule au cul de l’Europe, qu’importe ! Occupant une des terres les plus anciennement habitées, ils sont imbus de cette primauté historique et géographique, ils se plaisent à posséder des souvenirs et à conserver des monuments ; ils s’égarent en controverses au sujet de leur mémoire, avec un penchant pour les ombres, les cavernes, les oraisons funèbres – et désormais les autodafés. Avec une fureur d’apôtre, ils oscillent entre
