Depuis vingt ans, la « loi Taubira » est le cadre légal de la haine des Blancs. En choisissant de taire les traites africaines et musulmanes, elle stigmatise les seuls Européens pour communautariser la mémoire de l’esclavage. Le cri d’alarme d’un affranchi.
Le 21 mai 2001, la France promulguait la loi reconnaissant la traite et l’esclavage pratiqués par les Européens contre les populations africaines comme crime contre l’humanité, dite « loi Taubira ». Pour le vingtième anniversaire de cette loi, quelques universitaires et militants expliqueront qu’elle a été une grande avancée : elle aura permis de parler de l’esclavage, il y a eu plus de thèses, la date du 10 mai a été instaurée et une centaine de commémorations organisées çà et là… Oui, certes, mais pour l’essentiel, ces initiatives sont restées confinées à des milieux initiés et des publics limités. Face à un bilan maigre en résultats probants, la loi a surtout eu pour effet de créer un climat sociétal désastreux sur la question de la mémoire de l’esclavage.
Crime contre l’humanité à la tête du client
Y a-t-il une différence entre un esclave qui meurt à la tâche dans une plantation aux Antilles, un autre qui tombe d’épuisement dans une galère en Méditerranée, et un autre qui, castré, agonise vidé de son sang au Moyen-Orient ? Tout esprit sain condamne sans la moindre distinction ces traitements inhumains ! La loi Taubira établit pourtant une hiérarchie dans l’horreur. Si l’esclave est noir africain et l’esclavagiste blanc européen, alors il y a bien crime contre l’humanité. Mais si l’esclave est noir et l’esclavagiste arabo-musulman ou si l’esclave est blanc catholique et l’esclavagiste arabo-musulman ? Pas de crime, donc pas de cérémonie officielle, pas d’enseignement à l’école.
La criminalisation de la seule traite transatlantique européenne à l’exclusion des traites arabo-musulmanes ou barbaresques, tout aussi meurtrières ou cruelles (sans compter les autres traites humaines qui préexistaient à l’esclavage moderne), est une tache indélébile sur cette loi de 2001. Si le crime contre l’humanité est fonction de la couleur de peau et de la religion de l’esclave et de l’esclavagiste, alors il ne peut y avoir de mémoire apaisée et partagée. Au contraire, la stigmatisation des seuls Européens ne peut que susciter le rejet de ce texte.
Pourquoi les Provençaux, Corses, Languedociens, Catalans qui ont vécu dans la hantise des raids et de l’esclavage des Barbaresques pendant trois cent cinquante ans seraient-ils obligés de commémorer la traite négrière transatlantique, dans laquelle ils n’ont quasiment pas été impliqués (seuls 2 % des expéditions négrières françaises sont parties de Marseille), alors que des centaines de milliers d’entre eux ont eu des ancêtres déportés et morts dans les geôles et galères des beys de Tunis, d’Alger ou de Tripoli ?
La réponse de Madame Taubira est sans ambiguïté : s’il est préférable de passer sous silence la traite négrière musulmane, c’est pour que les « jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes », déclarait-elle dans L’Express du 4 mai 2006. On l’aura compris, il faut a contrario dénoncer les traites occidentales pour que les jeunes Blancs portent tout le poids des méfaits de leurs ancêtres. Dans ces conditions, des milliers de municipalités ont refusé de s’associer à une mémoire partielle, partiale, accusatoire et racialisée. Et elles ont eu bien raison.
Quelques vérités qui fâchent les amis de Christiane Taubira
Contrairement à la légende, la loi de 2001 n’est pas l’acte fondateur d’une renaissance mémorielle, l’histoire de la traite et de l’esclavage n’ayant jamais été occultée auparavant. Les principales initiatives mémorielles existaient depuis longtemps dans les territoires (Nantes, La Rochelle, les sites de l’est de la France, en outre-mer…), et on n’en a guère vu apparaître de nouvelles depuis la loi. Celle-ci est née de la grande contestation mémorielle du printemps 1998 : plus de 40 000 Ultramarins manifestent à l’initiative de quelques associations. Un peu plus tard, un premier projet de loi est proposé par Bernard Birsinger, puis par les députés de la Réunion Huguette Bello, Claude et Élie Hoarau.
Christiane Taubira ne participe en rien à cette mobilisation. C’est seulement en février 1999 qu’elle s’invite dans le débat avec un nouveau texte. Il a largement été inspiré et co-écrit par le Collectif des filles et fils d’Africains déportés (Coffad), organisation extrémiste dont la vice-présidente est une ancienne porte-parole du Parti des indigènes de la République et une ancienne colistière de Dieudonné aux législatives, celui qui se plaît à accuser les juifs d’être responsable de la traite négrière. Au demeurant, la loi Taubira a été acclamée à la conférence mondiale de l’ONU à Durban par les mouvements obsédés par la lutte contre « l’ennemi sioniste » qui ont fait de cette réunion dédiée au racisme un sidérant festival antisémite.
Une mémoire « réservée » aux Noirs ?
À l’Assemblée nationale, la loi a été votée par 80 députés présents sur 577 soit 15 %, essentiellement ultramarins et communistes. On conviendra que cela ne témoigne pas d’un élan national. Dès le départ, il s’agit de satisfaire des revendications identitaires et régionalistes. Le comité pour la mémoire de l’esclavage issu de la loi est rattaché au ministère des Outre-mer. Dans les nombreuses réunions et auditions organisées, les Ultramarins sont très largement majoritaires, au détriment des acteurs métropolitains.
En 2014, plus de 120 élus de villes abritant des sites et lieux de mémoire liés à l’esclavage ont demandé que la cérémonie officielle du 10 mai devienne itinérante et se tienne chaque année dans un lieu différent. Le ministère des Outre-mer s’est violemment opposé à cette proposition, décrétant : « Il faut faire le 10 mai à Paris parce que c’est là qu’il y a le plus de Noirs. » Pas étonnant alors que de nombreux acteurs provinciaux aient déserté ce « bantoustan mémoriel ».
Entre autres effets pervers, la loi Taubira a ouvert la porte à une foultitude d’opportunistes boutiques mémorielles et entreprises identitaires : CRAN, SOS Racisme, Coffad, Comité du 10 Mai, CIPN, MIR, LDNA en ont profité pour envahir l’espace public avec toutes sortes de revendications.
On a assisté à une déferlante de buzz et happenings : procédures judiciaires contre l’État français pour obtenir réparation du crime de l’esclavage, propos outranciers ou plaintes contre le chef de l’État et des ministres pour crime et recel de crime contre l’humanité, menaces de procès contre la Caisse des Dépôts pour le remboursement de la dette d’Haïti, poursuites engagées contre des entreprises accusées de s’être enrichies sous la colonisation, chantages exercés sur des descendants d’armateurs négriers, sommés de réparer en espèces sonnantes et trébuchantes le crime de leurs ancêtres sous peine de procès (cela s’apparente à une tentative d’extorsion de fonds et cela relève du pénal). On en arrive maintenant au vandalisme avec les destructions de statues.
La République rend hommage au… CON !!!
Le résultat le plus pathétique de cette loi : la journée de commémoration nationale du 10 mai qui se tient depuis 2006 dans les jardins du Luxembourg à Paris et dont le temps fort est le dépôt d’une gerbe par le président de la République ou le Premier ministre au pied d’une œuvre intitulée Le Cri, l’Écrit.
Elle représente trois anneaux de chaînes d’esclave : celui du dessus, brisé, symbolise l’abolition, le deuxième, fermé, l’esclavage et le troisième, à moitié enterré, les racines. L’ennui, c’est que n’importe quel quidam passant devant le monument voit apparaître clairement, écrit de haut en bas, le mot « con » ! On peut faire crédit à l’artiste de n’avoir pas vu ce qu’il faisait. Reste que, chaque année, un des plus hauts représentants de l’État s’incline devant un monument au CON. Une humiliation pour la République et pour les Ultramarins : non seulement le martyr de leurs ancêtres est commémoré par une statue involontairement ridicule, mais elle se trouve au Sénat qui poussa Napoléon à rétablir l’esclavage dans toutes les colonies et pas seulement dans certaines en 1802.
Une mémoire qui fracture les acteurs, les territoires et la société
La loi Taubira est le produit de choix idéologiques conjugués au clientélisme communautaire : elle a concédé la mémoire de l’esclavage à un comité sans moyens, débordé par des entrepreneurs identitaires. Elle n’a pu qu’exacerber l’agacement d’une opinion lassée par les mises en accusation et la repentance forcée. Au nom de la nouvelle doxa qui veut que les Noirs aient été leurs propres libérateurs, les acteurs de l’abolition ont été évincés et la statue de Victor Schœlcher à la Martinique attaquée. La date du 10 mai a d’ailleurs été imposée par le lobby réparationniste contre la date du 27 avril, celle de la signature du décret d’abolition rédigé par Schœlcher, pourtant préférée par la quasi-unanimité des historiens et acteurs mémoriels. Par ailleurs, toutes les initiatives locales et régionales ont été sabotées. Enfin, on a évidemment assisté à la compétition des lobbys pour la lumière mémorielle, les Réunionnais ayant été, par exemple, largement marginalisés au profit des Antillais.
Et voilà qu’en prime revient la revendication de faire du 10 mai un jour férié. Cette idée loufoque née dans quelques cervelles névrosées ne répond à aucune demande. Du reste, elle est ridiculisée par les faits : en 2015, une pétition en ce sens avait recueilli 143 signatures. Une nouvelle, lancée en janvier 2021, et visant 100 000 signatures, en avait recueilli moins de 50 lorsque notre magazine de mai est parti à l’imprimerie.
Cela n’empêchera pas, ce 10 mai, comme les autres, nos dirigeants de faire de grands discours[1] sur cette merveilleuse loi de « réconciliation des mémoires » quand n’importe qui peut voir qu’elle a transformé le débat en nouveau procès de l’homme blanc.
[1] Le silence d’Emmanuel Macron cette année a été très mal pris par Christiane Taubira. NDLR